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Critique de CorinneCo


Erwin Sommer est-il un crétin ? Quelque part sûrement... un homme que le manque d'assurance, la soif de reconnaissance tant au niveau professionnel que personnel rend bête, tendance paranoïaque. Il le dit lui-même, il est mou, il l'a toujours été. Il s'en accommode de façon illusoire et finit par développer envers sa femme "active", "compétente" comme il dit, une aversion irraisonnée, un malaise et une souffrance que le premier verre de vin va apaiser de façon soudaine et inattendue. le piège s'est refermé. Soudain Erwin Sommer se sent invincible, brillant, sûr de lui, conquérant et.... niais. Il "s'évade", il "vit", il ne mesure plus la conséquence de ses actes, ou il s'en fiche. Il tombe amoureux d'une serveuse d'auberge qui n'a que mépris pour lui et qui le roule dans la farine. ll se laisse berner par un logeur filou qui le tient par l'alcool, il se fait voler, dépouiller, il cambriole sa propre maison. C'est drôle et pathétique. Derrière les "idioties" de Sommer se profile l'aliénation de la dépendance, l'illusion de l'alcool, la déchéance physique et morale, la souffrance psychique des drogués, le désespoir ténu de ceux qui se savent dépendants et qui tournent en rond dans leur cage de verre, se sentant prisonniers de leur "poison" le réclamant et le reniant. Après la case prison, c'est la case maison "de santé", asile plutôt. Sommer est interné pour "désintoxication", en fait il est jugé irresponsable, déchu de ses droits élémentaires, mis sous tutelle. "Sans autre forme de procès" comme dirait La Fontaine. Quand Hans Fallada aborde les pages de l'internement, le ton s'assombrit encore plus. Les pages sont magnifiques, cruelles et désespérées. Malgré sa "crétinerie" on espère de tout coeur qu'Erwin Sommer" s'en sortira. Mais comme il le dit, il est dans la maison des morts. Hans Fallada, dépendant lui aussi de l'alcool, dépendant de la drogue a connu l'internement sur une période assez courte, mais est-ce vraiment "assez court" ? La lucidité de Sommer est la sienne, la lucidité sur sa propre déchéance, sur sa situation présente et future, sur la nature humaine. Et toujours comme un leitmotiv blessant, revient sur la fin du récit, cette soif de reconnaissance et d'amour jamais assouvie et jamais concrétisée. Ce manque terrible qui a scié ses nerfs et sa raison et l'a précipité dans les paradis artificiels pour supporter la charge de son existence. J'aurai aimé savoir d'où venaient ce manque d'assurance et ce besoin impérieux d'approbation sociale et intime de Sommer. Que c'était-il passé avant pour qu'il développe ce désamour de lui-même et cette frénétique quête ? D'une belle écriture ample, simple et pourtant tourmentée, avec cette pointe d'acidité et de dérision qui caractérise la lucidité et la désespérance d'un être, Fallada nous brosse un portrait intimiste et universel d'homme blessé.
Pour tout dire, je voulais lire "Seul à Berlin" mais j'ai eu envie de commencer par un autre livre de Fallada, moins "emblématique". Je ne regrette nullement, c'est un livre superbe ou tout est dit et abordé dans cette histoire absurde d'un bourgeois en mal de reconnaissance qui décide un jour de plonger son nez dans un verre de schnaps...
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