AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Yassleo


La semaine dernière c'était dingue: j'ai réussi à acheter du pain sans carte alimentaire. Puis j'ai même passé une soirée avec des amis pendant laquelle on a ralé contre la hausse de nos impôts. Et après on est sorti tous ensemble à 22h, comme ça, dans la rue. Même pas peur. Alors qu'il y avait pourtant un pote juif qu'avait oublié de mettre son étoile jaune le con. Et je suis toujours là, bien vivante. Dingue je vous dis.

Bon ce qui est surtout dingue c'est d'imaginer qu'en d'autres temps pas si reculés, ceci était inenvisageable et relevait du suicide. Mais il y a des livres comme Seul dans Berlin qui sont là pour nous rappeler ce qu'est la liberté. Liberté de penser, liberté d'agir, liberté de s'exprimer. Cette liberté pour laquelle des inconnus se sont battus, en groupes organisés ou par des actes isolés, et très souvent en le payant de leur vie.

Hans Fallada a écrit son roman au sortir de la guerre, à chaud, et le situe à Berlin en pleine domination nazie de 1940 à 1946. Les privations, la misère, la souffrance et la peur sont palpables. le régime nazi terrorise le peuple allemand: on l'accepte et on le défend, ou on le rejette en signant son arrêt de mort. Les rues ne sont pas sûres, on se méfie, on se toise, on s'ignore. Voisins, collègues, famille, à qui faire confiance quand la moindre parole ou le moindre geste mal interprétés peuvent vous envoyer droit à la potence ou en camp de concentration?

Hans Fallada dresse un portrait de ce peuple, de ces allemands ordinaires qui traversent cette période de tyrannie, tant bien que mal, en s'adaptant autant qu'ils le peuvent. Certains, lâches ou convaincus, collaborent avec le parti, d'autres, craintifs ou vulnérables, se soumettent en silence ou fuient, pendant que des derniers, courageusement et à l'ombre, résistent et bravent les interdits.
Le couple phare du roman, les Quangel, est un modèle de lutte silencieuse et patiente. Il aura fallu le décès de leur fils unique mort au combat sous les couleurs du IIIème Reich pour déclencher une sourde colère et une résistance acharnée à ce régime qui a tué leur enfant. Conscients de mettre leur vie en péril, ils luttent ensemble, soudés, convaincus de pouvoir changer le cours des évènements à coup de cartes postales vindicatives et hostiles au régime qu'ils déposent au hasard d'immeubles berlinois. Acte vain et suicidaire ou véritable bravoure qui participera à la déroute allemande..?

En s'inspirant d'un couple réel exécuté en 1943 suite à des actes de résistance, Hans Fallada rend ainsi hommage à tous ces héros anonymes dont L Histoire n'aura pas retenu le nom mais qui ont donné leur vie pour notre liberté actuelle.
Ce roman est grand, bouleversant, tragique, mais l'auteur insiste en fin d'ouvrage: "c'est à la vie qu[e ce roman] est dédié, à la vie qui sans cesse triomphe de la honte et des larmes, de la misère et de la mort". Et de fait, ce roman est, plus que jamais, porteur d'espoir.
 
Il n'y a pas de petit combat: ce sont bien tous les Quangel d'hier qui me permettent aujourd'hui d'écrire cette critique sans crainte de finir au cachot demain
Commenter  J’apprécie          1029



Ont apprécié cette critique (84)voir plus




{* *}