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Vous en voulez de la franche camaraderie, de l'amitié bien bourrue, du gaillard tonitruant et ragaillardi ? de l'anticléricalisme primaire, de la révolte moisie, de la philosophie guillotine, du racisme anti cons de derrière les fagots, de la déconnade inoxydable ? Vous en aurez ! Dans ce bouquin à ne pas glisser entre toutes les paluches, vous pourrez vous enfiler autre chose que de la tisane de chambre à air. Par la barbe des méduses et autres breloques, vous tenez-là un expert, un vieux de la vielle, un cador de la jactance et je m'y connais en ténors. Que je me relève la nuit avec des coliques pire que les viets et les crouilles si j'affabule. Bienvenue au Café du Pauvre, bistrot charmant et vieillot de la Marne, dans le vieux Villeneuve, vous ne voudrez plus quitter ce havre de pets où le quidam attend le bojolpif comme le messie et s'encanaille avec des vauriens. Accompagnée du patron Gaston Lafrezique, amateur de sémillants flacons et hypocondriaque ne gagnant pas à être connu mais qui rêve de posséder sa photo dans le Larousse médical, la bande est au complet. N'oublions pas Madame Turlutte dont le loisir favori est de s'écraser le pif dans la sciure quand sa cure de vin blanc lui déboussole le groin et la détourne vers le Cap de Bonne Espérance. Parlons donc pensionnaires du genre branquignol, rayon habitués : Camadule, Poulouc, Captain Beaujol et Debedeux, piliers de bar émérites, goujats pour les saloperies sans sel qui passent eux leur temps à rhabiller les gamins (comprenez remplir les verres vides). Des gugusses démaniérés qui revendiquent leur liberté et n'ont qu'une soif dans la vie : faire péter des bouchons et énumérer des calembredaines en se moquant des bergères qui ne les entendent pas. Pire que machos, des réfractaires à tout savoir-vivre, des garde-du-corps de la crétinerie galvaudeuse, des rebrousse-chemin, des pisse-froid, des vendeurs d'ours, des pousse-mégots viticoles, des brocanteurs du verbe. Au pays du cassoulet et du saucisson, moins cocardiers y a pas. Sonnez vieilles noix, résonnez cuvettes ! Qu'on nage le crawl dans le jaja ! le vin de la bonne humeur coule rouge et dru, ça déclenche des torrents de rire franchouillard exempts de rigueur robespierriste. C'est la fête au village chez ces bonimenteurs décidés à ne pas laisser le grand capital et les greluches les gober tout crus. C'est cocasse, bonasse, jamais fadasse. René "Rabelais" est un spécialiste du jaja qui tâche, de la moukère belle comme une mitrailleuse, de la truculence, des siphonnés de la dalle en pente, du bon mot qui claque comme un pet sur une toile cirée. Ses personnages n'ont pas peur du taf, le turbin les épouvante. Nuance. le pavois grivois, ils ne se lèvent le matin que pour choper leur bibine et dire amen au mazout qui s'emplafonne dans le ciel braque des corbacs. Ces enfants de l'oisiveté ennemis des corvées de pluche, de la lèche et de la courbette, n'ont plus cours à notre époque numérique. "La liberté, c'est comme le cassoulet, c'est une spécialité française, même qu'au lieu d'être peinards on n'arrête pas de se faire crever pour elle depuis 89." En 2020, on se torche par écran interposé, le citoyen aux joues molles respire l'air à travers des masques, en matant des arbres en polystyrène et en traversant des rues qui lui calcinent les globules et lui caillent le lait. Ça n'existe plus de nos jours ces légendaires bistrots parigots remplis de rastaquouères jouant à la belote ou au 421 en caressant leur boutanche. Autrefois refuges des carabins, des fils de Zulma, des soudards et des amateurs de jeangabineries, ils ont été transformés en salons de tatouage. Aujourd'hui on ne mange plus des camemberts dignes des Halles de Zola, on ne se beurre plus entre gens du tiers monde, les polonais boivent de l'essence, les chinetoques sucent des pandas. Côté état-major cirrhotique, on ne donne plus la Légion d'Honneur aux bouffeurs de bonheur copains de la Boétie mais aux buveurs d'eau-de-vie de betterave, aux becteurs d'épluchures et aux mannequins de chez Dior. Sur le perron de l'Élisée on décore des affreux en short, on anoblit des anorexiques de la jouissance, des dépressifs du slibard, des infirmes du sublime. Sale temps pour les mouches. + Lire la suite |