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sur 90 notes
J'ai profité d'un petit arrêt pour lire le livre de Fang Fang. Fang Fang est une écrivaine renommée dans son pays, la Chine. Romancière, elle fut membre de l'Association des Ecrivains de Hubei en 1989, puis présidente jusqu'à sa retraite à 63 ans, en 2018. Depuis trente ans, elle vit dans la résidence de l'Association des Ecrivains, au centre ville de Wuhan, capitale de la province de Hubei, aujourd'hui ville de 14 millions d'habitants. Cette résidence, comme nombre d'entre elles, se compose d'immeubles à appartements entourant une cour intérieure. Elles sont gérées par un Comité de quartier qui s'occupe de toutes les questions pratiques liées à la vie de ses habitants.

C'est le 25 janvier 2020 que l'auteure poste un billet sur son compte Weibo (réseau social comparable à Twitter), en informant de la mise en quarantaine de la ville suite à l'apparition d'un nouveau coronavirus se propageant à une vitesse ultra-rapide. Les Chinois ont gardé en mémoire l'épidémie du SRAS en 2003. Elle utilisera 4 plateformes pour pouvoir diffuser son journal supprimé une fois sur deux.

Ce livre est un témoignage important que nous a donné une personne au coeur de la tourmente. Ce sont des notes, des observations, des informations glanées au jour le jour, puisant dans les articles officiels, les vidéos circulant sur le net, mais aussi par le biais des témoignages des membres de sa famille, de ses collègues, et des précisions fort utiles d'amis médecins et spécialistes reconnus.

Professionnelle de l'écriture, elle agrémente ce journal d'avis et de considérations personnelles, tant sur les nombreux éléments mis en place pour éviter la propagation du virus, que sur les manquements principalement liés à une administration trop lourde.
Elle ne mâchera pas ses mots et fera preuve de beaucoup de courage en mettant le doigt sur l'inertie et les mensonges des premiers jours par les politiques qui n'ont pas pris en compte les médecins lanceurs d'alertes sur l'apparition d'un nouveau virus fin décembre 2019. Ce qui a entraîné des milliers de morts qui auraient pu être évités parmi la population et le corps médical.

Elle parlera des humoristes lançant des petits mots d'humour fort bienvenus, mais qui céderont petit à petit le pas sur une déprime pour être ensuite complètement absents de la toile.

Elle parlera des journalistes, heureuse et soulagée de s'apercevoir qu'il existe encore de vrais journalistes privés d'investigation et les encouragera à tenir bon.

Elle dénoncera la bêtise et l'incompétence des petits fonctionnaires, incapables de faire preuve d'initiatives, de bon sens, d'humanisme, ne se préoccupant que des ordres de leur hiérarchie et se faire bien voir d'elle. Honte à eux, dira-t-elle.

Mais aussi,
elle racontera le courage, la solidarité de milliers de personnes bénévoles ou non, venant d'autres provinces et se voyant, eux aussi, confinés à Wuhan, incapables de retrouver leur famille.
Le travail considérable effectué pour l'approvisionnement en nourriture. L'organisation des comités de quartier pour la distribution de médicaments aux personnes malades ne pouvant se rendre à l'hôpital.
Elle décrira la vitesse à laquelle des dizaines d'hôpitaux temporaires ont été installés par le Gouvernement, ce qui a pu aider à scinder les malades en différents groupes selon l'avancée de la maladie et ainsi les traiter au mieux.
Elle racontera les policiers utilisant leur voiture de fonction pour acheminer les malades dans les hôpitaux, ceux-ci n'ayant plus de véhicules disponibles.

Elle racontera la bienveillance de nombre de gens. Mais elle dénoncera aussi la malveillance de beaucoup d'autres, ceux-ci « visibles » principalement par le biais de lettres et de commentaires injurieux qu'elle a très vite reçus sur son poste Weibo. Son journal, véritable bouffée d'oxygène pour ses lecteurs, a très vite pris de l'ampleur et l'auteure a été la cible de détracteurs tous plus virulents les uns que les autres. A certains, elle a donné réponse avec beaucoup d'humour d'ailleurs, mais jamais elle ne s'est départie de sa franchise.

Ce journal, agrémenté de vers et de poésies, est un tableau de la nature humaine lors d'une catastrophe, sur un décor floral des pruniers, pommiers et cerisiers qui, tour à tour, ont flamboyé de leurs couleurs la venue du printemps 2020.

Aujourd'hui, Fang Fang est interdite de publication en Chine, autant ses articles que ses romans. Elle continue à faire l'objet d'attaques et les articles que j'ai pu lire sur différents journaux ne relate que l'aspect politique des avis personnels qu'elle a échangés dans son journal. Nulle part, il n'est question des petits faits positifs quotidiens qu'elle y a relatés, ni du soutien psychologique que son journal a donné à nombre d'habitants, ni des informations sensées et fort utiles à cette période.
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Fang Fang, écrivaine chinoise éminente, figure du courant néo réaliste, a décidé de tenir son journal en ligne dès le début du confinement, en février 2020 . Enfermée dans son appartement à Wuhan, Fang Fang vit seule. Elle tient de courtes rubriques, tous les jours, qu 'elle poste sur son compte Weibo. Elle sera suivie par des millions de lecteurs qui attendent chaque soir son nouveau texte. Elle va écrire soixante textes jusqu' au 24 mars, jour où la quarantaine sera levée. À travers ces textes, on peut voir de quelle manière le gouvernement chinois réagit face à ce virus inconnu, les tâtonnements, les décisions qu'il prend . Au début, il est dit que le virus n'est pas transmissible à l 'homme, que ce n'est qu' une atteinte pulmonaire, que les malades qui sont traités guérissent tous, etc.... On voit avec horreur que des malades se traînent à pied d'hôpital en hôpital, , dans le froid pour être pris en charge et parfois sans succès. Puis, des hôpitaux de campagne sont installés, dans des temps records, pour palier à ces problèmes.
Les habitants se regroupent pour commander leurs courses alimentaires en ligne et se font livrer au pied des immeubles. En Chine, la pensée est collective et les actes aussi donc,rien d'individuel comme chez nous. Beaucoup de gens contaminés n'ont pas eu de place dans les hôpitaux, surchargés au début, et ont contaminé leurs proches à leur domicile , il a été difficile de comptabiliser ces décès et de les inclure dans les cas de covid, car ceux qui n'ont pas été testés positifs ne figurent pas dans les chiffres , ce qui a faussé les chiffres officiels. La ville étant hermétiquement close, beaucoup d'habitants de Wuhan se retrouvent bloqués à l'extérieur , certains n'ayant pas d'argent pour se payer un hôtel, dorment dans les gares et en sont réduits à faire les poubelles pour se nourrir.
Fin février, le confinement subit un nouveau tour de vis, les habitants n'ont plus le droit de descendre au pied des immeubles chercher leurs courses et doivent les hisser par la fenêtre dans un panier.
Fang Fang s'aperçoit que les policiers subissent beaucoup de perte dans leurs rangs, en effet ils sont en première ligne, eux aussi, ils acheminent les produits de première nécessité pour les habitants cloitrés et se chargent aussi de transporter des malades quand les hôpitaux sont débordés, en plus de leur travail.
Beaucoup de volontaires sont venus à Wuhan des autres provinces chinoises, prêter main forte.
La question qui revient sans cesse dans les billets de Fang Fang c 'est de savoir pourquoi les experts, diligentés pour apprécier la gravité de la situation au début de l' épidémie, ont menti et caché la réalité en la sous estimant. Fang Fang estime que si l 'épidémie a pris une telle ampleur et est devenue un véritable désastre, causant des milliers de victimes, c' est parce que les responsables n' ont pas réagi à temps pour la dénoncer, alors qu'ils étaient au courant. Elle voudrait que ces responsables se désignent et démissionnent. Mais beaucoup de ses posts sur ce sujet sont effacés par les modérateurs. Sur l'ordre de qui ?
Ces billets sont intéressants et nous informent sur le comportement des chinois, leur mentalité, leur soumission face aux ordres du gouvernement. Face à un confinement drastique, personne ne proteste, ce qui est très différent des comportements en Europe.
Je n'ai pas été très emballée par le style de Fang Fang., beaucoup de répétitions, mais ce n'est pas un roman. Je ne connais pas ses qualités de romancière.



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« Une poussière de l'Histoire vous tombe sur la tête, et c'est une montagne qui s'abat sur vous. ». le premier cas signalé de Covid 19 dans la ville de Wuhan date du 17 novembre 2019. . le 31 décembre 2019 l'apparition d'un nouveau virus a été rendue publique dans la Chine entière. le 23 janvier 2020 «  les rafales de vents sur l'eau glacée de la rivière Yi » (Jing Ke) entrent dans Wuhan.
Durant les 76 jours de confinement, Fang Fang, auteure chinoise, habitante de Wuhan, rédige soixante textes qui constituent un journal quotidien que l'auteure a publié, au jour le jour, sur Weibo.
Weibo, Wechat sont à la Chine ce que Twitter et Facebook sont à l'Europe. Une petite différence ( peut -être)  : en Chine ces réseaux sociaux sont directement contrôlés et instantanément censurés par le pouvoir en place si ce dernier en ressent l'urgence. Ces deux réseaux sociaux sont devenus les deux sources d'informations et de communication en Chine.

«  le travers consistant à ne rapporter que les bonnes nouvelles et à cacher les mauvaises, l'habitude d'empêcher les gens de révéler la vérité et la population d'y avoir accès, le mépris pour la vie individuelle, tout cela nous a menés là où nous en sommes aujourd'hui ».

Fang Fang s'interroge sur les causes de ce drame. Mais elle connaît déjà les raisons intrinsèques de la catastrophe. Si le virus était peut-être inévitable, c'est tout un système qui a failli. Et cela n'est pas propre à la Chine…
« si la même situation était apparue dans d'autres provinces, les cadres locaux n'auraient pas fait mieux. Une administration qui ne permet pas la promotion des meilleurs éléments engendre des conséquences désastreuses ; des discours politiquement corrects mais creux, au détriment de la recherche de la vérité à partir des faits, engendrent des conséquences désastreuses ; empêcher les gens de dire la vérité et les médias de rapporter la réalité engendre des conséquences désastreuses ; et toutes ces conséquences, nous les subissons une par une. Mais voilà, Wuhan, première ville a être touchée, en a un désastreux avant-goût. »
Lire le journal de Fang Fang nous fait comprendre la proximité de nos destins.
Je repensais à un texte de Pierre Gamarra sur la fraternité :
« Regarde-moi. J'ai deux yeux.
J'ai deux mains.
Mon sang est rouge
Mes songes sont comme les tiens,
sombres ou clairs.
Une rose naît dans ma main.
Une rose naît dans ta main.
Il suffit que je dise « rose ».
Il suffit que tu dises « rose... ».
Tu as deux yeux.
Tu as deux mains.
Ton sang est rouge
Quand nous marchons vers le soleil,
chacun de nous possède une ombre,
mais nous ne sommes pas des ombres,
nous ne sommes pas des fantômes,
nous sommes des mains et des coeurs,
nous sommes des pensées humaines. »

C'est le message de Fang Fang. « nous ne sommes pas des ombres,
nous ne sommes pas des fantômes ». Alors écrire sur le vif ce qui se passe.
Témoigner, laisser une trace. Voilà comment nous vivons, voilà ce que nous avons traversé. Voilà nos morts, nos douleurs, nos peurs, nos doutes voilà le silence, voilà les cendres, et voilà comment nous tentions de protéger l'espoir.
Plus de 10 millions de personnes se retrouvèrent isolés du jour au lendemain. Alors que durant les plus de 20 jours qui précédèrent cet ordre, alors que es utorités savaient la nature et la dangerosité de ce virus, rien ne fut fait pour alerter la population. Ces vingt jours marqueront sans doute à jamais la mémoire du monde. Qui et pourquoi . Voilà ce que ne cesse de se demander de Fang Fang.
Pourquoi l'inaction, pourquoi le silence, pourquoi ce manquement, qui en est responsable, qui y avait intérêt ?
«  Vous voyez, moi qui écris habituellement des romans, en consignant en ce moment de petites choses insignifiantes chaque jour, je ne fais que poursuivre ce que j'ai toujours fait : j'observe, je réfléchis, je cherche à comprendre, et puis je prends la plume. Se pourrait-il que ce soit quelque chose de mal ? »
De l'avis des ultra-nationalistes chinois la réponse est oui. Notre réponse que nous adressons à Fang Fang tient en un mot : merci.
« je voudrais surtout dire que la véritable mesure de civilisation d'un pays n'a jamais été la hauteur de ses gratte-ciel ou la vitesse de ses voitures, ni même la puissance de son armement ou a force de son armée, pas plus d'ailleurs sa technologie ou ses réalisations artistiques, ou encore le faste de ses réunions officielles, la splendeur de ses feus d'artifice, ni même le nombre de ses touristiques qui voyagent à travers le monde en s'offrant les produits de luxe les plus coûteux. Un seul critère suffit : son attitude envers les plus vulnérables ».
« Quand vous entendez dire « nous vaincrons à tout prix », n'allez pas imaginer que vous êtes ce nous, mais plutôt cet à tout prix »….
« Le monde de a bureaucratie grouille de gens qui n'ont jamais rien appris de leur vie, mais qui sont les maîtres des artifices en tout genre et qui, face à vous, ont des moyens que vous n'auriez jamais imaginés. Leur propension à se soustraire à leurs responsabilités est sans égale. Sans cela, comment cette épidémie serait-elle devenue la catastrophe qu'elle est aujourd'hui ? »
Elle écrit, publie, est censurée. Son compte suspendu. Elle écrit, et arrive à faire publier ses textes.
«  Notre tête doit croître sur nos propres épaules ». ( Jiang Hong).
Toutes ces voix, inconnues, ces visages entre les murs existent. Ont existé.
Ce journal en témoigne.
«  dans une époque sans héros, il me suffit d'être un homme ». ( Bai Dao).
Elle écrit.
Elle écrit, fait face aux menaces et aux injures.
«  mon enfant, je peux encore ajouter que l'époque de messeize ans était bien pire que la tienne.Je n'avais alors jamais entendu parler de cette idée de « penser par soi-même ».Je ne savais même pas qu'une personne avait besoin de penser par elle-même. Je faisais tout ce que mes professeurs me disaient de faire, je suivais tout ce que l'école m'inculquait, tout ce que le journal me dictait ou que la radio me demandait. J'avais onze ans quand la Révolution cuturelle a éclaté, vingt et un lorsqu'elle a pris fin. J'ai grandi durant cette décennie. Je n'avais alors jamais pensé par moi-même, parce que je ne me considérait pas comme un être indépendant, je n'étais qu'une simple vis au coeur d'une machine. Je fonctionnais à son rythme, m'arrêtant quand elle s'arrêtait, démarrant quand elle démarrait. Une situation certainement identique à la tienne aujourd'hui ( pas à celles des autres étudiants, parce que beaucoup de jeunes de seize ans aujourd'hui sont capables de penser par eux-mêmes).(….) je pense mon enfant que j'ai eu de la chance.Bien que j'aie reçu une éducation stupide dans mon adolescence, cela ne m'a pas empêchée d'entrer à l'université plus tard. Une fois là, j'ai été avide d'apprendre et d'étudier, de discuter de sujets importants avec mes camarades, de me mettre à l'écriture, et un jour j'ai su penser par moi-même. »
Elle écrit,
«  sortant du chaos dans lequel la Chine se trouvait à la fin de la Révolution culturelle, je l'ai vue se transformer pas à pas d'un pays arriéré à un pays puissant. Sais-tu, mon enfant, j'ai passé les dix années de réforme et d'ouverture à lutter avec moi-même.Une décennie. Je voulais purifier mon cerveau des immondices et des toxines qui y étaient comprimés.Je vouaus y introduire des choses nouvelles, je voulais essayer de voir le monde avec mes propres yeux, je voulais apprendre à penser par moi-même avec mon cerveau. Bien sûr, un tel apprentissage est basé sur une longue expérience personnelle, sur des lectures, des observations, et des efforts.
J'ai toujours pensé, mon enfant, que ce genre de combat avec soi-même, ce travail de désintoxication, ne concernait que ma génération.Je n'vais jamais imaginé que d'autres jeunes seraient un jour amenés à vivre une expérience semblable à la mienne, des jeunes comme toi et certains de tes camarades.Vous devrez, vous aussi, lutter avec vous-mêmes, pour extraire tous ces poisons et déchets déversés dans votre esprit durant votre jeunesse.Ce n'est pas un processus douloureux, chaque prification est une vraie libération. Il faut maintes et maintes fois recommencer.
Ces libérations successives transformeront le petit boulon rouillé et pétrifié en être vrai. Comprends tu mon enfant ? Maintenant, je t'offre ces deux vers de ce poème de Bai Hua :
«  J'ai eu, moi aussi, une jeunesse comme vous.
A cette époque-là, nous étions jeunes, comme vous l'êtes aujourd'hui ».

Wuhan, fille du peuple Chu, ville du fleuve, capitale de la province aux mille lacs, fut dé-confinée le 08 avril 2020.
Le 24 janvier 2020 les trois premiers cas de contamination au covid 19 furent identifiés en France. le 17 mars 2020 le premier confinement, en France commençait.

« Mes amis, ne parlez surtout pas victoire. Souvenez-vous, il n'y a pas de victoire, seulement une fin ».

Merci à Fang Fang, et à toutes celles et ceux qui se sont relayés pour que ce journal nous parvienne.

Astrid Shriqui Garain



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Du 20 janvier 2020 au 24 mars 2020, Fang Fang, écrivaine chinoise, a tenu un journal durant le confinement de sa ville natale Wuhan, d'où est partie l'épidémie de COVID-19. 9 millions d'habitants enfermés à leur domicile et 5 millions d'entre eux exilés aux limites de la métropole, empêchés de rentrer chez eux. Publié sur diverses plateformes Internet, à plusieurs reprises, bloqué par les modérateurs et vilipendé par certains internautes ultra-nationalistes, le compte-rendu de Fang Fang éclaire et renseigne sur la manière dont cette catastrophe a été vécue par les Wuhanais. On y apprend entre autres que dès le 27 décembre 2019, l'alerte avait été donnée par une scientifique sur l'émergence d'un nouveau virus de type SRAS, mais que, pour des raisons encore obscures et non enquêtées, un délai d'une vingtaine de jours a retardé une action diligentée et propagé indûment l'épidémie dans la ville.
Fang Fang et ses concitoyens éprouvent d'abord de la peur, la terreur du SRAS en 2003 resurgit, s'indignent et sombrent peu à peu dans la tristesse et l'ennui pour finir par s'impatienter du manque de coordination et d'empathie des pouvoirs publics. du temps qu'il fait aux anecdotes glanées ici et là sur le quotidien des confinés, Fang Fang parsème son récit de poésie et remet les pendules à l'heure sur les rumeurs qui circulent et les attaques qui lui sont adressées via les réseaux sociaux.
Tenir ce journal s'est révélé un exercice salutaire autant pour elle que pour ses lecteurs. Loin d'être déprimant, l'ouvrage, écrit dans un style simple et épuré, s'avère instructif et maintenant que la 7e vague bat son plein ici, il est utile de se retourner vers les débuts de cette pandémie pour en bien saisir toute la pleine mesure.
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Ce journal de bord concernant le confinement de la ville de Wuhan en Chine est on ne peut plus important. En l'écrivant, son auteure Fang Fang, devient ainsi un témoin de son époque et de la crise sanitaire et humaine qui marquera le monde à jamais : le Covid19. Cette lecture est donc essentielle pour découvrir les horreurs vécues par les Wuhanais et l'évolution de la situation au jour le jour. Fang Fang devient en quelques sortes le porte-parole de toute une population choquée et réclamant des explications.

L'écrivaine a décidé, dès le deuxième jour de la fermeture de la ville, de noter chaque jour ses pensées « au fil de la plume ». Les informations sont diverses : le temps qu'il fait, les chiffres recensés (personnes hospitalisées et décédées), mais aussi les difficultés à acheter des provisions, la hausse des prix des légumes etc. Elle glane les informations sur internet et les réseaux sociaux, mais aussi auprès d'amis dans divers corps de métier (médecin, journaliste…), essayant toujours de retracer l'origine des informations afin de ne livrer aucune « fake news ». La lecture quotidienne de son journal permettait ainsi aux Chinois d'avoir accès à des faits réels et non à de la propagande du Parti que l'on trouve dans les réseaux officiels ou à la télévision.

Dans ces petit billets, l'auteure nous fait part également de choses un peu plus personnelles, comme son état de santé ou l'inquiétude pour son vieux chien, son état d'esprit etc.

Fait également très intéressant, nous découvrons l'évolution de sa mentalité : Fang Fang au début de ses écrits se dit « avec le gouvernement » et a confiance en sa maîtrise de la situation. Mais petit à petit, des doutes s'installent et des interrogations se posent : pourquoi avoir tant tardé à annoncer la transmission fulgurante de ce virus ? Pourquoi avoir étouffé les voix lanceuses d'alerte, comme celle du médecin Li Wenliang ? L'auteure réclament des réponses et cela dérange. La censure commence alors peu à peu à s'en mêler. Fang Fang, femme de lettres courageuse, continue d'écrire, tout en sachant que certains billets ne pourront être lus. Mais elle est coriace ! Elle fait face et tente d'utiliser diverses interfaces pour poster ses écrits. de même, elle se retrouve très vite à devoir lutter contre des « ultra-nationalistes » virulents. Fang Fang dit une phrase très juste quand elle souligne le fait que son journal se veut témoin de la crise sanitaire, mais qu'il met également en lumière « tout ce qui faisait le déshonneur de notre époque » (à savoir les attaques des ultranationalistes et les « insultes et propos dénués de fondement proférés par une foule de gens »).

Outre cet aspect utile du « témoignage » et de la « littérature de reportage », nous devons souligner la qualité de ses écrits et de la langue utilisée. Fang Fang est une femme de lettres ayant eu une éducation littéraire solide et cela se ressent dans les références qu'elle aime égrener au fil de ses pensées. Nous pouvons y découvrir divers poètes chinois, mais également des clins d'oeil à certains auteurs étrangers.

Voici donc une lecture que je recommande chaudement, tant pour le contenu que pour la forme. Ce journal est le témoin d'une époque et permettra (je le souhaite de tout coeur) de tirer des leçons des erreurs commises et de transmettre à nos descendants les informations sur ce qu'il s'est passé à Wuhan en 2020.
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Intéressant. Fang Fang est romancière et elle habite Wuhan, épicentre de l'épidémie de Covid-19 début 2020. Quotidiennement, elle poste sur des réseaux sociaux un texte, journal de son confinement. Elle y décrit sa vie personnelle et dénonce l'irresponsabilité des autorités qui ont tardé à agir. Ces autorités déclaraient : "Le virus n'est pas transmissible d'humain à humain, nous maîtrisons la situation." Vingt jours de retard qui ont causé beaucoup de décès supplémentaires. Elle demande que la vérité soit faite, réclame des sanctions. Elle ne manque pas de courage et utilise sa capacité à mettre en mots les problèmes, les difficultés, les angoisses des Wuhanais. Ses textes sont souvent supprimés par des modérateurs mais des internautes les interceptent et se les transfèrent. Et elle subit la cyberviolence des ultra-nationalistes.

De nombreuses répétitions rendent la lecture de ce livre un peu ennuyeuse (cela s'arrange en deuxième partie). Il faut le prendre comme un document qui permet de se plonger dans la société chinoise en pleine crise du coronavirus.

J'apprends que, suite à la parution de ce livre à l'étranger, Fang Fang ne peut plus rien publier en Chine, ni article, ni roman. Elle ne peut plus participer à un événement littéraire…
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Qu'est-ce qui s'est vraiment passé à Wuhan ? Qui sait mieux que quelqu'un qui y vivait pendant le confinement ?
Voici le journal de Fang Fang romancière renommée en Chine. Elle prend la plume pensant décrire quelques jours de confinement ; confinement qui va durer 60 jours.
Il ne faut pas tenter de s'immerger dans ce journal avec notre pensée occidentale. La culture chinoise imprègne cet essai : il y un mélange de contestation et de soumission. Elle critique le gouvernement et conteste les décisions des officiels tout en enjoignant la population de suivre les recommandations.
Elle parle de ses sentiments en tant que résidente ordinaire vivant au centre épique de cette épidémie.
Elle adore sa ville. Elle parle de dépression, de désespoir, de peur, de tristesse et de colère mais aussi de petites joies et de grandes solidarités.
C'est un aperçu intéressant de la façon dont au moins un Chinois se sent réellement vivant dans ce pays communiste. Elle revient pendant quelques pages bouleversantes sur son enfance pendant la révolution culturelle.
C'est courageux de défier les autorités. Son compte sera bloqué et elle sera aidée par une résidente américaine pour mettre en ligne son journal.
Le livre de Fang Fang fait l'éloge des gens ordinaires (travailleurs médicaux, organisations locales, bénévoles, travailleurs communautaires, policiers, et bien sûr les gens qui sont restés confinés) qui ont aidé la Chine à arrêter la propagation du virus tout en demandant des réponses aux responsables et en regrettant l'arrogance des officiels.
Elle est précurseur ; rapidement, elle alerte sur les faits des gens souffrants d'autres pathologies que le coronavirus ne sont plus pris en charge. Elle s'émeut des traumatismes à venir notamment pour les enfants et les jeunes.
Lire ce journal pendant que, nous en France, sommes dans notre second confinement est très interpellant sur ce qu'elle pressentait déjà.
Cerise sur le gâteau ; elle m'a donné envie d'aller à la découverte de Wuhan, ville tant aimée.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
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Une lecture intéressante mais qui est rendue ardue par les répétitions, les questionnements, les indignations.
Le confinement vécu de l'épicentre de l'épidémie dans une Chine toujours aussi autoritaire et bureaucratique. Cet éclairage sur le pays est très instructif.
Le récit bouillonne de colère, l'autrice veut comprendre. Nous aussi
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Une chronique objective de la vie à Wuhan, dès le début de la pandémie de Covid-19 en janvier 2019. Cette auteure wuhanaise rédige chaque jour le bulletin médical de le ville. Apparaissent les termes qui, quelques mois plus tard, vont arriver jusqu'à nous : confinement, peur, stress, replis sur soi, colère, solitude des aînés jusqu'à la détresse... Mais aussi, en toute objectivité : nouvelles stratégies d'entraide, de solidarité.
Fang-Fang continue à écrire jusqu'à la fin de cette crise, bravant censure, interdits, désinformation...
Je prends à mon compte son objectif essentiel : ne jamais perdre son indépendance d'esprit et son devoir d'humanité.
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23 janvier 2020, deux jours avant le Nouvel An Lunaire, Wuhan est confinée. La veille, Fang Fang (l'auteure) est allée chercher sa fille (qui revenait du Japon) à l'aéroport. Fang Fang vit dans un immeuble de la résidence de l'Association des écrivains du Hubei, pas trop loin de chez sa fille. Pratiquement toute sa famille vit à Wuhan, sauf sa soeur, sa nièce et son petit neveu qui eux habitent Singapour. Depuis le 31 décembre, les autorités chinoises parlent vaguement d'une pneumonie inquiétante, tout en minimisant la situation.

Wuhan compte quatorze millions d'habitants, cinq millions d'entre eux ont quitté la ville entre le 20 et le 22 janvier. Dès le 27 janvier, Wuhan a également rencontré une pénurie de masques (le plus couramment utilisé en Chine est le N95) Neuf millions de wuhanais vont vivre un véritable cauchemar … La quarantaine va durer soixante-seize jours, pendant lesquels l'auteure va tenir un journal sur les réseaux sociaux. le 8 avril, Wuhan est déconfinée, la situation ayant été stabilisée au bout d'une soixantaine de jours. Ce journal quotidien posté sur Weibo deviendra rapidement un livre-témoignage précieux.

La quarantaine à Wuhan a été bien plus dure que la nôtre : la nourriture était particulièrement restreinte et nous faisions figure d'enfants gâtés comparativement à leur quotidien … (Fang Fang précise avoir mangé de la bouillie de millet au bout de six jours, avant de pouvoir récupérer des aliments dignes de ce nom … )

Les wuhanais ont mal vécu la situation et nombre d'entre eux ne s'en sont pas laissés compter. le peuple chinois était en colère contre le parti du pays qui n'a pas pris les mesures adéquates (et leur a laissé croire que le virus n'était pas transmissible à l'homme jusqu'au 20 janvier !) Toutefois, ils sont restés loyaux et ont soutenu les autorités, même s'ils ont la ferme intention de demander des comptes ultérieurement. Les wuhanais ont joué le jeu de la prudence et ont choisi de respecter scrupuleusement les règles sanitaires.

Fang Fang ne se veut ni moraliste, ni arrogante. Elle ne prétend pas savoir ce qui a été la cause initiale de la circulation du virus, ni ce qu'il était très exactement pertinent de faire ou ne pas faire … Elle se contente de relater les évènements de façon factuelle. Si elle confirme une très grande mortalité chez le personnel soignant, qui a été le premier à « essuyer les plâtres » (principalement à l'hôpital Central de Wuhan …) elle ignore en revanche le nombre exact de victimes, puisque seuls les décès survenus dans les hôpitaux ont été officiellement retenus …

Récit sur le mode journalistique assez intéressant, même si je suis un peu déçue de ne pas en avoir appris plus que ce que nous savions déjà depuis mars-avril … En tout cas, Fang Fang me conforte dans ma vision des choses : à savoir que le plus important – avant l'éradication tant espérée de la covid – est de se conduire individuellement en citoyen responsable afin de ne pas aggraver une situation déjà bien pénible !
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