Ce livre est un recueil de nouvelles qui a été publié après le décès de l'auteur. Elles sont divisées en deux parties. le premier ensemble est plus cohérent et apparaît clairement autobiographique. le deuxième est constitué de nouvelles toujours sur le thème de l'enfance mais elles sont plus tournées vers la fiction. Une petite critique au passage, les deux dernières nouvelles du recueil me semblent assez incongrues. Dans “Le rêveur”, le narrateur-écrivain est adulte et aide son voisin à conquérir une femme. Dans “Helen, la beauté est à moi”, la narrateur est un ouvrier philippin ce qui nous éloigne de l'auto-fiction des premières nouvelles, et de l'enfance.
Dans les autres nouvelles,
John Fante nous raconte sa vie d'enfant d'immigrés italiens dans le Colorado. Certaines thématiques se retrouvent dans ce recueil. La première d'entre elles est bien entendu la famille et surtout les parents. le père était maçon, travailleur dur au mal. Mais tous les hivers, il se retrouve sans emploi, le froid gèle le mortier. Lui si dynamique, se retrouve coincé chez lui à tourner en rond. Cet état des choses le rend violent et il s'en prend à toute la famille. Pour s'occuper, il boit, beaucoup.
Dan Fante, le fils de John, parle d'ailleurs de l'alcool comme une donnée génétique chez les hommes de la famille ! Ce père irascible, menant la vie dure à sa famille pendant les mois d'hiver, est néanmoins présenté avec beaucoup de tendresse par son fils. On devine la crainte mais aussi l'amour, l'admiration. La mère est d'ailleurs, par moments, traitée avec moins de considération. Les enfants l'imaginent comme la raison de la violence du père. Ils aimeraient la voir plus tendre, plus compréhensive. Mais on sent également que l'enfant qui nous raconte sa vie a pris du recul et qu'une fois adulte il a eu de la compassion pour sa mère. Les plus beaux passages de ce recueil sont consacrés à cette femme brisée par le travail quotidien, qui a ruiné sa beauté pour ses enfants et son mari bien souvent ingrats. Voici comment
John Fante parle de sa mère, le passage se situe après une dispute avec le père : “Alors, tous en même temps, nous avons senti ça dans notre dos, et avant de nous retourner pour la regarder nous avons compris toute la souffrance accumulée derrière nous, qui nous submergeait, et nous nous sommes retournés en même temps, et elle était là qui nous regardait, elle semblait âgée d'un million d'années, Mamma, notre mère, et nous ses enfants avons senti son coeur brisé, elle était debout sur le seuil de la cuisine, son tablier masquant la douleur de ses mains usées, des petits ruisseaux de beauté évanouie descendant lamentablement ses joues ravagées.” Toute la douleur d'une vie est ici révélée par ces quelques mots émouvants.
L'autre grand thème du recueil est bien-sûr la religion,
John Fante n'était pas d'origine italienne pour rien ! le catholicisme a une place centrale dans l'éducation de notre narrateur. Sa mère voulait devenir nonne lorsqu'elle était jeune, elle oblige donc ses enfants à aller à l'église. le rapport de Fante au christianisme est très ambigu. D'un côté, il aime la messe, la communion et est très imprégné par le discours des prêtres. de l'autre, c'est un enfant turbulent, bagarreur, pauvre qui est tenté par le vol. Mais les mauvaises actions sont toujours accompagnées d'une forte culpabilité et d'une volonté de se confesser. Cela donne lieu à des scènes et des raisonnements très cocasses : “D'ailleurs un péché de plus ou de moins ne ferait pas grande différence, car j'avais déjà commis un péché mortel en souhaitant du mal à un prêtre. Un péché mortel était aussi mortel que vingt péchés mortels. Je veux dire qu'il suffit d'en commettre un seul pour se retrouver en enfer aussi vite que si on en commet vingt. C'est écrit noir sur blanc dans le catéchisme.”
D'autres thématiques traversent les nouvelles comme la honte d'être un fils d'immigrés italiens ou encore le baseball dont Fante était un grand fan. Mais je ne peux pas les aborder toutes ici. Encore une fois, je suis sous le charme du talent de conteur de
John Fante, de la fraîcheur et du naturel de son écriture, de son humour. Se rajoute à tout cela une véritable émotion.
John Fante nous raconte ses souvenirs d'enfance de manière extrêmement touchante et j'en suis ressortie fort émue.
Lien :
http://plaisirsacultiver.unb..