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Guillaume Cingal (Traducteur)Jean-Christophe Rufin (Préfacier, etc.)
EAN : 9782842612771
330 pages
Le Serpent à plumes (29/08/2001)
2/5   1 notes
Résumé :

« Aujourd'hui, après douze conférences internationales en quatre ans sans résultat "partout, en Somalie, la guerre civile se prépare a reprendre"

Dans ce contexte, le livre de Nuruddin Farah Hier, demain constitue véritablement une révolution du regard. Pour la première fois les conditions sont réunies pour que les victimes parlent.

On n'imagine pas les difficultés pour parvenir a un tel résultat. Il a d'abord fallu découv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La Somalie est à nouveau d'actualité. La menace terroriste a obligé la communauté internationale à s'intéresser à nouveau à un pays qu'elle avait laissé dériver depuis ses infructueuses tentatives d'y rétablir la paix en 1992/93. Les Américains, débarqués en héros en décembre 1992, s'en étaient retirés piteusement l'année suivante, après que 18 de leurs Marines aient péri dans un guet-apens (cet épisode a été porté à l'écran par Ridley Scot). Depuis lors, ils avaient développé à l'égard de la Somalie une sorte de « syndrome vietnamien » et ne voulaient plus entendre parler de ce pays sans foi ni loi, dont toute autorité étatique centralisée a disparu et que se partage une poignée de « seigneurs de la guerre ».

Le livre de Nuruddin Farah, publié au Royaume-Uni et aux Etats-Unis en 2000, opportunément traduit un an plus tard par le Serpent à Plumes, n'aidera pas les forces spéciales américaines dans leur traque des terroristes d'al Qaeda ou d'al Ittihad (cette association somalienne mise à l'index par le président Bush pour ses liens avec les réseaux terroristes). En revanche, il permet de mieux comprendre la tragédie vécue par un peuple, chassé de son territoire, contraint à l'exil.
Son auteur est un romancier somalien reconnu (sa trilogie romanesque – Territoires, Dons, Secrets – est également publiée au Serpent à plumes). Il donne à son enquête au sein de la diaspora somalienne, qui l'a mené du Kenya en Afrique du Sud, en passant par l'Italie, la Suisse, le Royaume-Uni et la Suède, un tour très personnel. Il décrit à l'envi les tracasseries administratives qu'il doit endurer pour chaque obtention d'un visa, pour chaque franchissement de frontières. Il montre de quels a priori racistes les Somaliens sont victimes : une de ses amies kenyanes affirme sans sourciller « les Somaliens sont des vagabonds indisciplinés … ils parlent comme des rustres … ils se donnent des airs, ils exaltent leur identité raciale avec un toupet impressionnant, ils arborent leur physionomie comme si c'était un privilège aristocratique … » (p. 77).
Nuruddin Farah a la dent dure. A l'égard du HCR, dont les rares visites à Mombasa, sur la côte kenyane, où affluaient les réfugiés somaliens fuyant la guerre civile, « n'étaient en fait qu'un prétexte pour passer un week-end de vacances, descendre dans des hôtels luxueux qui donnaient sur la plage, nager tout leur saoul et sortir en boîte » (p. 74). A l'égard des Etats européens dont la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers cumulerait cynisme et inhumanité. Mais – et c'est plus intéressant – à l'égard aussi de ses propres compatriotes.
L'auteur décrit en des termes apocalyptiques la situation qui prévaut dans son pays. « Mogadiscio est devenue la proie de bandits qui ne valent pas mieux que des hyènes », témoigne son père, réfugié au Kenya (p. 29). « On a proscrit les comportements civilisés, la ville a été pillée, avec le désordre pour seul loi, pour unique mot d'ordre … le monde est devenue la proie des vauriens » dit plus loin une parente d'Aideed (pp. 68-69).
Sa critique vaut pour les bandes claniques qui se disputent les dépouilles de l'Etat somalien. Elle vaut aussi pour les réfugiés eux-mêmes, les hommes surtout, qui ne savent rien faire d'autre que de s'apitoyer sur leur sort, pleurant l'Age d'Or d'une Somalie fraternelle, rêvant à un hypothétique retour vers cette Terre promise. le meilleur chapitre du livre est sans doute celui qui décrit ces réfugiés en Italie. Là, les hommes s'entassent dans un HLM miteux, vivant sur le salaire de leurs soeurs, qui acceptent de travailler comme domestiques chez des Italiens : « Ils mangent mal, car ils veulent profiter au maximum du peu que leur donnent leurs soeurs et préfèrent dépenser leur argent pour se procurer du qaat [drogue hallucinogène] … Ils mènent une vie malsaine … Ils dorment beaucoup et passent un temps infini au téléphone » (p. 130). L'une de ses Somaliennes, qui s'épuise à travailler, tout en conquérant, fût-ce dans les tâches les plus avilissantes, un statut social qui lui était refusé dans son pays natal, est lucide sur le comportement des hommes de sa famille : « de toute leur vie, ils n'ont pas gagné un sou vaillant … des hommes entretenus, pour qui les femmes font la cuisine, la lessive et le repassage … des hommes qui vivaient aux crochets de leur père ou de leur frère aîné quand ils vivaient à Mogadiscio et qui sont désormais dépendants du travails des femmes employées comme domestique » (p. 142). La conclusion tombe, sans indulgence : « Ce sont des fainéants, voilà tout, ils n'ont pas d'autre ambition que d'aller à l'étranger pour toucher une allocation réservée aux réfugiés » (p. 143).
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Nuruddin Farah est un écrivain nomade. Mais c'est de la singularité de ses terres somalies qu'il tire des leçons et des vérités universelles.

Les éditions le Serpent à plumes, toujours sur la brèche pour défendre et illustrer la diversité de la création littéraire africaine contemporaine, éditent en format de poche le roman Territoires, de l'écrivain somalien Nuruddin Farah, premier volet d'une trilogie qui se poursuit ensuite en deux volumes : Dons et Secrets. La traduction de l'anglais a été assurée, et réussie, par Jacqueline Bardolph.

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Toute histoire humaine est d'abord une histoire de terres, de racines, de périmètres familiers soigneusement arpentés pour y camper son existence. D'où l'importance primordiale de l'expérience de l'arrachement, de l'exil, celui surtout qu'impose la guerre, l'absurde déchirement des hommes qui ne cesse de se dénouer et de se renouer, dans la Corne de l'Afrique, et à nouveau aujourd'hui entre Ethiopie et Erythrée.

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Le pays natal de Nurrudin Farah est l'Ogaden, et c'était la Somalie, avant que l'Ethiopie ne le lui enlève : réfugié à Mogadiscio, il devra là encore s'en éloigner, après l'indépendance. C'est donc en écrivain nomade roulant à travers l'Afrique qu'il a construit toute son oeuvre, avec comme principaux ports d'attache le Nigeria, d'où sa femme est originaire, et l'Afrique du Sud, où elle enseigne. Mais toute son oeuvre parle de la Somalie, et donc de ce seuil redoublé des territoires de l'enfance.

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Et c'est dans l'intimité de ce lieu unique où s'ancre son écriture que l'auteur tire, paradoxalement, des leçons qui valent pour tous les hommes et toutes les terres. "Cet enracinement donne du sens, et peut-être, une certaine universalité à mon écriture. Je suis aussi un Africain, un musulman, un cosmopolite et un exilé. " Enfin, et surtout, un exilé.

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Le regard du conteur est chargé de poésie et cela peut le faire paraître détaché : pourtant chaque mot est porteur de son lot d'interrogations irrésolues. Les attitudes des hommes, d'abord, guidées par la bêtise, les bas instincts, la volonté d'imposer leur pouvoir ou le plaisir de l'exercer. Comment se fier à eux ? La place des femmes, battues, ou marginales, peu enviables dans une société qui les défavorise. La valeur de l'enfance, enfin, qui se joue des frontières sociales et des limites politiques, de toute sa juste et sereine inconscience.

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Tout cela permet à Nurrudin Farah de dire avant toute chose, sans hésitation, mais sans hausser le ton, toutes ses révoltes. La force de son écriture est dans une forme de colère calme qui prend le masque de l'incompréhension et a la délicatesse de cacher le scandale sous l'étonnement. La condamnation en est d'autant plus forte, et de page en page le lecteur se retrouve plus proche des deux héros principaux, l'enfant Askar, narrateur, orphelin, et la femme qui l'élève et le protège, autant qu'elle le peut, Misra.

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En obligeant chacun à voir ce monde absurde et déglingué par leurs yeux, peut-être le roman contribuera-t-il à ouvrir ceux des hommes qui, du Nord au Sud de la Corne de l'Afrique, s'évertuent à défaire régulièrement l'ouvrage patiemment retissé par les enfants, les femmes et quelques marginaux de la paix et de la fraternité humaine. Afrik.com

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Articles de presse :
http://www.republique-des-lettres.fr/815-nuruddin-farah.php
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http://www.africultures.com/index.asp?menu=revue_affiche_article&no=1031
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http://nfrance.com/~eq10357/P10_magazine/11_litterature/11021_nuruddinfarah.html
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http://www.cafebabel.com/fre/article/20976/nuruddin-farah-la-guerre-est-une-autodestruction.html
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