“Tu verras” de Nicolas Fargues est un magnifique roman. Sur un père bouleversé par la mort de son fils et qui s’interroge sur sa vie.
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« Par respect pour ses premiers secrets d’adolescence, (…) je me suis abstenu de (…) lui dire tout le mal que je pensais des Maria et des Rania, affublées de jeans bien trop moulants pour leur âge et grimées comme deux petites putains. Je me suis retenu de lui démontrer que, d’ici vingt ans, la morgue de leur jeunesse et de leurs seins fermes passée, elles auraient cessé de faire la fine bouche sur les pistes des dancings et patienteraient comme tout le monde dans la queue au supermarché, avec leur cul bas et leur air quelconque, avec des mouflets à nourrir à la maison, avec les problèmes de fric, de boulot et de mari, comme tout le monde. Et qu’alors elles n’auraient même pas l’imagination suffisante pour rêver, tout à leur caddie plein de courses tristes qu’elles seraient, tout à leur Bacar, Kevin ou Saïd de mari qu’elles seraient, elle n’auraient même pas le privilège de se remémorer l’intensité du regard d’un Clément. Et mesurer par là que, vingt ans plus tard, une fois poussé le poil au zizi et débarrassé de ses joues rondes et trop humbles, débarrassé de son gros cartable et de la stupide influence des Jasons et des Bacar, une fois canalisés les affres de son excessive émotivité, eh bien l’incarnation de la délicatesse, de l’humour et du bon goût, bref, le Prince charmant, ce serait lui, mon Clément. » p16
Un peu plus tard, moi qui ai toujours craint l'avion par hantise de rendre mon fils orphelin, moi qui me suis toujours crispé lors des décollages, j'avais passé une main parfaitement détendue sur les cheveux de Clément bien arrimé au siège mitoyen du mien lorsque les réacteurs avaient poussé et que l'avion s'était mis à accélérer sur le tarmac. Sans doute avait-il pensé que, par ce geste, je manifestais ma joie de l'emmener à Londres seul avec moi. En vérité, je le caressais parce que je pensais alors que l'appareil pouvait bien aller s'écraser en bout de piste, ou ses deux réacteurs tomber en panne au moment de l'ascension de la carlingue dans le ciel, peu m'importait de mourir puisque ce serait en même temps que lui.
Parce que, à l'âge de Clément, je la détestais tout autant que lui, l'école, et j'en ramenais tout autant que lui à la maison, des sales notes en maths et des mots des professeurs sur mon carnet de correspondance. Moi qui, un peu moins de trente ans plus tard, à bientôt quarante ans, constatais qu'être père d'un garçon, c'est non seulement ne pas supporter de reconnaître chez son fils ses propres défauts, mais également reproduire avec lui exactement les mêmes erreurs commises avec vous par votre propre père, et ce malgré toute votre volonté de bien faire et de déjouer les mauvais atavismes. J'ai pensé que j'avais passé un temps fou à vérifier les cahiers de Clément et à lui crier de bien se tenir à table, mais sans être fichu de découvrir qu'il écrivait des poèmes.
« Est-ce que tu était au courant, pour le Facebook de Clément ? » elle m’a demandé d’une voix exsangue mais néanmoins déterminée à ne pas flancher en ma présence. « Facebook ? » Evidemment non, je n’étais pas au courant. De Facebook, d’abord, je ne connaissais à peu près que le mot. Contrairement à la plupart des gens de ma génération, je n’avais pas eu la curiosité de m’y inscrire dans le seul but d’éviter de devenir trop vite un vieux con, préférant m’en tenir avec Facebook, comme avec les MSN, MySpace et autre Twitter, aux mêmes préjugés que je nourrissais vis-à-vis du rap, des émissions de téléréalité et des baggies portés pas comme il faut.
Je suis devenu à ce point intolérant de l'insouciance et de la jeunesse que j'ai fini par me persuader moi-même qu'être un homme, c'était un père, point. Qu'être un homme, c'était se montrer capable de faire bravement une croix sur sa liberté et ne plus envisager l'avenir qu'à travers celui de ses propres enfants.
"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L.
Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
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