Le second volume de cette édition du cycle du Fleuve débute par un intermède réunissant trois nouvelles jusque-là inédites en France : Franchir le sombre fleuve (Crossing the Dark River, 1992), Remonter le fleuve étincelant (Up the Bright River, 1993) et Coda (Coda, 1993). Elles sont toutes les trois un hommage à
Alfred Jarry, écrivain français créateur d'Ubu et de la pataphysique, que l'on peut considérer comme l'une des principales sources d'inspiration du surréalisme.
Et surréalistes ces trois nouvelles le sont. le personnage du docteur Faustroll, librement inspiré d'un personnage de Jarry, se retrouve sur les rives du Fleuve en compagnie de Vikings qui, contre toute attente, l'acceptent dans leur groupe parce qu'il semble touché par les Dieux. Cela donne alors au récit un ton décalé du meilleur effet qui, sans apporter grand chose au cycle lui-même, apporte un grand plaisir de lecture et finit de nous convaincre que
Philip José Farmer est décidément un auteur original.
Suite directe du Noir dessein, le labyrinthe magique réunit enfin, mais de manière tragique,
Richard Burton et
Samuel Clemens, ce qui n'empêche pas la longue quête des sources du Fleuve de se poursuivre.
Comme cela était à craindre, cette quête est empreinte de longueurs. D'une part à cause des longs passages rétrospectifs sur la vie terrienne des personnages, d'autre part à cause des scènes de combats assez difficiles à suivre, et malgré tout sans grandes suprises, en dépit du décès prématuré de personnages centraux.
Même le dénouement final n'a pas la force que l'on pouvait espérer en entamant ce cycle.
Philip José Farmer nous donne pourtant des réponses au pourquoi et au comment de l'existence du Fleuve, mais elles sont noyées dans la lenteur du rythme narratif et achevées par une dernière phrase en queue de poisson qui laisse augurer que, tout compte fait, le cycle n'est toujours pas achevé.
Ainsi meurt toute chair est une nouvelle publiée pour la première fois en 1966 et remaniée plusieurs fois pour être publiée dans sa forme définitive en 1979, à peu près en même temps que le labyrinthe magique.
C'est donc plutôt l'ambiance des deux premiers volumes du cycle qu'on y retrouve, lorsque le lecteur n'avait pas encore eu l'ombre d'une réponse au pourquoi et au comment des mystères du Fleuve. On y retrouve le personnage de Tom Mix, déjà rencontré dans le noir dessein, et sur Terre au début du XXème siècle dans la peau d'un acteur américain très populaire. On y croise également un certain Yeshua qui n'est rien de moins que la réincarnation de Jésus Christ.
Philip José Farmer laisse alors libre cours à son côté provocateur qui, sans apporter quoi que ce soit à l'intrigue globale, n'en est pas moins très agréable à lire.
Les dieux du Fleuve commence là où le labyrinthe magique s'est achevé. Alors qu'un petit groupe de protagonistes était semble-t-il arrivé aux sources du Fleuve,
Philip José Farmer s'était ménagé une porte (la fameuse dernière phrase du Labyrinthe magique) lui permettant d'aller au-delà des explications tant attendues…
Malheureusement ce sursis est empreint du même défaut de lenteur que les deux précédents romans et l'histoire n'apporte vraiment rien de nouveau par rapport à ce que l'on avait enfin appris dans le labyrinthe magique. En d'autres termes, cette lecture donne réellement l'impression que Farmer a eu du mal à quitter son cycle du Fleuve…
Cette édition du cycle du Fleuve s'achève par deux nouvelles jusque là inédites en France : Un trou en enfer (A Hole In Hell, 1992) et Chute dans le Fleuve (Riverworld War, 1980).
La première est consacrée à
Dante Alighieri et à sa passion pour Béatrice Portinari. Très provocatrice, elle est très agréable à lire mais malheureusement trop courte. La seconde est un passage supprimé au moment de la scission du Noir dessein et du Labyrinthe magique (ces deux romans devaient initialement n'en former qu'un). Il s'agit d'une scène de bataille peu agréable à lire et malheureusement trop longue.
Bilan du Cycle du Fleuve :
Comme l'explique Gérard Klein dans sa préface à la présente édition, le cycle du Fleuve était pour
Philip José Farmer son opus magnum (que l'on peut traduire par grande oeuvre). Indéniablement, il est évident que son nom est très fortement attaché à ce cycle et que pour bon nombre d'amateurs de SF, le cycle du Fleuve est un classique du genre, qu'ils l'aient lu ou non.
Dans les faits, il s'agit d'un cycle extrêmement long et très inégal. Si les deux premiers romans ont de grandes qualités et se lisent un peu comme de purs romans d'aventure, les trois autres s'essoufflent bien trop souvent pour que le lecteur ne ressentent pas ici ou là un ennui certain. Seuls certains passages, et quelques unes des nouvelles présentées ici, retiennent et relancent toute l'attention du lecteur. Il est d'ailleurs remarquable de constater que c'est quand l'auteur est le plus provocateur qu'il semble trouver toute la mesure de sa plume…