Gentilles filles, braves garçons

La famille Saddeq : une fratrie de quatre, deux frères, deux soeurs dont les destins, dès l'enfance, sont déjà tout tracés. Après la Partition des Indes, dans un Pakistan ravagé, à Lahore, ils grandissent sous le joug d'une mère intraitable et autoritaire : les deux frères feront des études, les deux soeurs se marieront. Ainsi en a-t-elle décidé en harmonie avec ce qu'elle interprète de sa Culture.
Roman choral avec surtout le récit des deux frères partis étudier à l'étranger, ce roman nous conte l'histoire de la famille au fil des ans, au fil des évènements qui font une existence.
C'est un récit sur l'exil, la solitude, la différence de couleurs de peau, de langue, des habitudes culturelles, particulièrement en miroir de ces deux jeunes gens partis l'un en Amérique, l'autre en Angleterre pour suivre des études de médecine.
Quand leur propre Culture semble les approcher, elle leur donne à faire des choix d'existence lourds de conséquences, loin des traditions du pays d'origine et à réévaluer leurs propres convictions.
C'est aussi, d'une autre façon, deux voix masculines qui s'élèvent pour un réquisitoire contre la condition des femmes au Pakistan : aucun choix de vie ne leur est permis, rien de leur existence ne leur appartient vraiment, elles ne tiennent aucun fil de leur vie, dans les mains, elles ne pèsent pas sur leur destinée.
C'est enfin le récit qui d'une enfance ravagée par le caractère impitoyable d'une mère qui impose mais jamais n'écoute, qui punit mais jamais ne montre un geste d'affection, qui privilégie la sévérité et ne connaît jamais la compassion. Enfance qui va conditionner l'attitude de ces adultes en devenir. Comment construire une vie sur des fondements fissurés quand la seule façon d'avancer a été de se replier en soi, de s'oublier en tant qu'être pour occulter cette disgrâce qui les a frappés. Comme si la trajectoire des existences révélaient mieux que des mots les fêlures d'une enfance disciplinée plutôt qu'écoutée.
Bien que la famille soit aisée, le regard se pose aussi sur les autres classes sociales, pour le constat qu'aucune vie ne s'appartient en propre, qu'il y a toujours une raison qui décide.

Un magnifique roman sur la rencontre de plusieurs Cultures, une écriture qui retient au fil des pages et nous fait voler de frère en frère, de soeurs en frères, d'épouse en amant, avide que l'on est de parcourir la vie de ceux qui nous sont devenus très proches. Une belle découverte que cette plume !

(Juillet 2021)

J'ai choisi ce roman en bibliothèque pour son titre qui m'a interpellé. le sujet me semblait intéressant, une saga familiale chez des Pakistanais, c'est dépaysant !
Pourtant j'ai eu beaucoup de mal à "entrer" dans cette histoire et j'ai même failli abandonner après la première partie. Je me suis malgré tout accroché, et une fois le livre terminé, je ne le regrette pas du tout, car les personnages, devenus adultes dans la deuxième partie, se sont bien étoffés et le destin de chacun d'eux m'a beaucoup touché, j'ai ressenti une réelle empathie pour toute la fratrie éclatée par la volonté de leur mère autoritaire jusqu'à en être tyrannique.
J'ai découvert les traditions et le mode de vie des Pakistanais pendant tout le XXème siècle, avec les évolutions des mentalités dues aux mouvements des populations, ici l'un des frères parti aux USA, l'autre en Angleterre, rejoint par sa plus jeune soeur.
Finalement, cette lecture fut agréable et instructive, et je la conseille à ceux qui aiment les sagas familiales et ont envie de découvrir des univers très différents de notre mode de vie, mais confrontés aux mêmes problèmes (racisme, fin de vie, gays qui veulent fonder une famille, choix des destins selon qu'on soit garçon ou fille, et d'autres encore).

Les enfants Saddeq sont une fratrie de quatre - deux garçons et deux filles - nés dans les années 1930 à Lahore au Pendjab.
Durant leur enfance, Sulaman et Jakie ont été terrorisé par l'éducation stricte et autoritaire de leur mère, qui ne leur laissait aucune place pour l'amusement. Fière d'avoir réussi à accomplir son devoir de femme en engendrant un héritier et un réserviste, leur mère voulait que ses fils deviennent comme leur père, de grands médecins
Pour les filles, Mae et Lana, l'éducation a été différente, elles ont été traitées par leur mère comme des poupées. Exit les études, elles devront dans le futur devenir de parfaites maîtresses de maison et briller en société, ce qui rendra fière leur mère. "De gentilles filles, de braves garçons" sont ses enfants.
Après avoir passé leur enfance et leur adolescence ensemble, presque comme des jumeaux, Sulaman et Jackie sont séparés pour leurs études de médecine par leurs parents. Sulaman devra intégrer une université américaine alors que son frère une université anglaise. de nouvelles vies, de nouvelles fréquentations, la liberté. Au point, que les garçons ne prendront pas la voie désirée par leur mère. Sulaman se mariera avec une hindoue métisse et Jackie se mettra en couple avec un irlandais porté sur l'alcool.

"Gentilles filles, braves garçons" est le sixième roman de Roopa Farooki et dans lequel l'auteure nous lance dans une haletante saga familiale. C'est un récit entrelacé, d'une enfance à Lahore dans les années 1930 aux années 50, des années universitaires des garçons dans les années 1960 aux États-Unis pour l'un et l'Angleterre pour l'autre, deux retours à Lahore dans les années 1990 puis 2000.
Tour à tour, Sulaman, Jackie, puis Mae et Lana prendront la parole et nous raconteront leur vie, leurs souvenirs et même leurs déceptions. Le roman est captivant et on apprécie que l'auteur exploite ses sujets de prédilection dont le multiculturalisme. Elle sait également nous transporter d'un continent à l'autre avec une grande aisance et même d'une période de vie à une autre.
Lien : http://atasi.over-blog.com/2..