Il est des lectures dont on ne sort pas indemne. Des lectures qui questionnent le monde, au delà de l' histoire, pourtant tragique, des personnages.
Dans
le navire obscur il est question d'enfermement.
Kerim est un jeune kurde d'Irak ; il n'a d'ailleurs pas de nom de famille, c'est vous, c'est moi.
Il est un peu universel : on pourrait le rencontrer partout où l'horreur de la guerre déverse ses flots d'injustices : chez
Ahmadou Kourouma ou Manuel
Dongala, en Afrique, chez
Jean Hougron ou Denis Jonhson en Asie, chez
Daniel Chavarria ou
Rolo Diez an Amérique du Sud…Balloté entre deux eaux, subissant sans pouvoir tenir le gouvernail.
Kerim traverse sa courte vie en tenant la mort à la main. de son enfance à sa vie de jeune homme c'est une compagne qui ravi ses proches, son univers et son futur.
Il surnage, se demandant si un ailleurs est possible.
Son existence est une succession d'épreuves douloureuses qu'il subi porté par le hasard des rencontres, des montagnes poussiéreuses du Kurdistan à une ville Allemande humide.
Peut de rayons de soleil dans ce parcourt. Peut-être son professeur d'anglais qu'il réussira à épargner alors que les barbus lui ordonnent de le tuer : il s'en sortira par un mensonge. Peut-être Sonja qui l'initie aux délices du désir et de la volupté. Pourtant c'est plutôt la compagnie d'un religieux qu'il recherche, béquille d'une quête spirituelle pour un jeune homme solitaire. Plutôt que d'aller de l'avant Kerim s'enfonce dans une lente descente aux enfers, tiraillé entre une vie à vivre et le dévouement aveugle à une cause.
Tenté par sa nouvelle vie et bridé par son passé, Kerim est un résumé d'une jeunesse perdue : tout à tour enrôlé chez les fous de Dieu, passager clandestin sur un cargo, naufragé sur une île déserte, demandeur d'asile en Europe. Un destin banal pour des centaines de milliers de migrants fuyant la violence et la misère et désireux de trouver un refuge pour commencer à vivre ; enfin.
L'écriture de
Sherko Fatah, sobre et précise, accentue la malaise : on sent Kerim pris ai piège. Malgré ses efforts pour évoluer, la lassitude le gagne. Il se résigne au fil des pages malgré notre envie de lecteur de le pousser en avant. S'en dégage une atmosphère pesante mais pas l'idée de refermer le livre et de l'abandonner dans un coin. Au contraire on dévore les pages à la recherche d'un fol espoir.
Mais le conte de fée n'a pas lieu. Kerim n'a plus son destin en main : d'autres vont tirer les ficelles. Il subit les événements plutôt qu'il ne les provoque, trouve refuge dans une foi moyenâgeuse et s'enferme peu à peu avec ses doutes. Et c'est sans doute pour cela que
le navire obscur est un grand livre. Il parle de la vraie vie. Une fois le livre terminé persiste un sentiment d'injustice, une colère sourde : comment l'humanité peut-elle en arrivée là ?
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