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Bienvenue chez les Sartoris, dans cette chronique douce et amère, Faulkner nous emmène chez une famille sudiste à la fin de la première guerre mondiale.
Cette saga familiale sortie tout droit "d'autant en emporte le vent" un peu comme ces vieux albums photos ou le sépia côtoie le noir et blanc , drôle de parallèle pour cet état du sud des Etats-Unis le Tennessee où malgré l'abolition de l'esclavage les relations maitre serviteur n'ont pas évolué.
Le grand-père, Bayard Sartoris dit le "vieux" banquier grincheux gère la propriété familiale. Tante Sally veuve de John Sartoris, le fils de Bayard le vieux. Ce bout de femme sorte de furie s'occupe de manière énergique de la maison. Ensuite Bayard le jeune, petit fils de Bayard le vieux, il a combattu en France, aviateur il a vu son frère se faire abattre dans un combat aérien.
Enfin le personnage que j'ai le plus aimé Simon le fidèle serviteur noir, sorte de Falstaff, curieux, insolent....
Le trait d'union de ces personnages Sartoris outre le prénom c'est la fâcheuse tendance qu'ils ont à mourir de façon violente.
L'histoire en elle même n'a rien d'extraordinaire, le personnage principal Bayard le jeune, casse-cou que rien n'effraye s'ennuie. désoeuvré il passe son temps dans son auto à côtoyer la mort au grand désespoir de sa tante Sally.
Le style de Faulkner peut dérouter, c'est vrai s'est ce qui fait son talent.
J'ai adoré sa façon de décrire ces paysages ces fleurs, ces jasmins en fleurs qui le soir venu libèrent ces parfums, ou encore ce fameux oiseau-moqueur, sorte de rossignol qui a le don d'imiter d'autres oiseaux.
Je me suis vu assis dans un rocking-chair, un verre de thé glacé à la main entrain d'écouter ces bruits, respirer à plein poumon ces parfums enivrants.
J'ai aimé ce roman, ce son et lumière qui nous donne envie d'ailleurs.
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Tout le monde connaît cette célèbre phrase de Proust: « Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même ».
Mais Proust a aussi écrit: «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère ».
Et il nous faut, me semble-t-il, apprendre ces langues.

C'est le sentiment que j'ai eu en lisant avec, cette fois, un immense bonheur, ce roman dont je n'avais pas su comprendre la langue il y a plus de trente ans, l'abandonnant au bout d'une cinquantaine de pages, dérouté, dans mon souvenir, par la lenteur du rythme et la complexité de l'écriture.
Et donc,si je reste toujours le lecteur de moi-même, les années, les lectures m'ont bien changé, au point de ne pas me retrouver dans celui qui n'a pas aimé ce livre il y a trente ans.

Car ce roman est beaucoup moins complexe dans sa construction que Lumière d'août, lu il y a quelques mois, à l'incitation de belles critiques d'ami.e.s babeliotes, et donc plus facile à aborder.

Je l'ai trouvé riche de tant de thèmes différents, où passent cruauté, désespoir, tendresse et amour; et de tant de personnages inoubliables, attachants, émouvants, déroutants, irritants.

Tout d'abord, le récit raconte un moment de l'histoire des Sartoris, situé juste après la première guerre mondiale, qui illustre la déshérence, la décrépitude, de ces grandes familles aristocratiques du Sud des Etats-Unis, abaissées, appauvries par leur défaite lors de la Guerre de Sécession, mais qui refusent de se soumettre, d'accepter la volonté et la puissance de ceux du Nord, de ces yankees qu'ils détestent.
Et les Sartoris, comme, sans doute, bien d'autres familles de cette époque, revivent, ressassent leur passé glorieux, leurs faits d'armes.

Et puis, ces grands propriétaires terriens devenus un peu moins grands, moins prospères en tout cas, restent sans égards pour la communauté noire, les nègres, comme ils les appellent, qui, d'esclaves sont devenus des travailleurs exploités ou, au mieux des domestiques, telle Lenora s'occupant de la cuisine et de la lessive, tel aussi le vieux Simon, serviteur négligent, roublard et retors. Tous ces « nègres » sont traités comme des incapables qu'il faut diriger, surveiller, soumettre, voire humilier..

Les plus jeunes, les frères Johnny et le « jeune » Bayard, ont ajouté un autre volet à l'histoire familiale. Celle de leur participation, par goût de l'aventure et du risque, à la dernière phase de la guerre de 14-18, comme pilotes d'avions de combat. Et l'un d'eux, Johnny, y est mort; et son frère Bayard, revient chez lui, traînant en permanence le sentiment de culpabilité de n'avoir rien pu faire pour le sauver.
Mais en réalité, on comprend que cette guerre, qui fut celle gagnée grâce à l'engagement des yankees en Europe est vécue majoritairement comme la réussite du Nord des États-Unis, et à laquelle le Sud ne sentit pas impliqué.

Et puis, le roman, sur un rythme lent et envoûtant, nous fait vivre les relations complexes entre les hommes, entre les hommes et les femmes, faites de frustration, de colère et de souffrance, parfois tempérées d'instants de tendresse, et où, très souvent, les liens se tissent puis se délitent.

Au premier rang, la famille des Sartoris, et tout d'abord le « vieux Bayard », homme du passé, malade refusant de se faire soigner, propriétaire terrien marqué par la lassitude et manquant d'esprit d'entreprise, tenant à se déplacer à la Banque qu'il possède en calèche à chevaux conduits par son domestique noir, Simon.

Et puis, le « jeune Bayard », rongé par le sentiment de la culpabilité, par la tentation suicidaire, dont nous suivrons le parcours fait de frenésie désespérée, et d'une brève période de paix et d'amour, jeune homme perdu qui cherche d'abord à défier la mort par des courses folles en voiture, puis à fuir ce Sud en parcourant le monde, jusqu'à une fin tragique.

La seule personne solide dans cette famille c'est la très vieille mais très alerte grand-tante Jenny, qui fut la femme du père du vieux Bayard, John Sartoris, et qui mène la maison d'une façon pleine de rudesse mais non dénuée de tendresse, racontant sans cesse les faits et gestes légendaires des Sartoris durant la guerre de Sécession. .

Un autre personnage complexe et émouvant est Narcissa Benbow, femme indépendante, mais fusionnelle avec son jeune frère Horace, homme falot et indécis, qui sera pris dans les filets d'une femme pulpeuse et mariée. Narcissa aura une brève idylle avec le jeune Bayard, et donnera naissance au dernier des Sartoris, qu'elle prénommera de son nom de famille, Benbow, peut-être pour lui faire échapper à la fatale destinée de la lignée.

Le roman fait aussi la place à toute une série de personnages secondaires truculents,au premier rang, le vieux domestique Simon, mais aussi le vieux Docteur Peabody, ou inquiétants comme le caissier Snopes, voyeur et auteur de lettres anonymes.

La beauté unique de ce roman,qui préfigure, je pense, les futurs chefs-d'oeuvre d'architecture romanesque de Faulkner, vient de la narration elliptique et complexe, au rythme lent, parfois même lancinant, et de la description incroyablement belle de la nature, des paysages et des bêtes, une nature que l'on croit voir, sentir.

En conclusion, je me suis fait cette réflexion: à quoi sert cette critique? Si j'en avais lu une du même tonneau il y a trente ans, cela n'aurait rien changé à mon avis, à ma perception de l'oeuvre, je n'étais pas prêt à lire Faulkner. Et donc, je crois qu'elle ne peut s'adresser qu'à celles et ceux qui aiment déjà ce genre de littérature….et donc qui n'en ont pas besoin. Et elle ne pourra convaincre celles et ceux, qui, comme je l'étais autrefois, aiment les narrations fluides et sans mystère.
Donc, elle ne sert à rien, ou presque.


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Faulkner a conseillé de lire Sartoris avant ses autres romans, mais c'est par hasard que je l'ai ouvert, convaincu par Meps de me remettre à Faulkner (40 ans plus tard).
Sartoris est le nom d'une lignée de riches propriétaires du Mississippi, dont les derniers n'ont pas complètement digéré la perte de la guerre de sécession. le roman s'ouvre sur le retour du dernier fils, aviateur pendant la première guerre mondiale. Il s'appelle Bayard, comme son grand-père ; son jumeau s'appelait John comme son père. Rongé par la mort de son frère, dont il se persuade qu'il est partiellement responsable, il va vivre comme ses ancêtres avec pour buts le panache et l'exaltation.
On consomme beaucoup de whisky (de fabrication clandestine) dans ce roman, et manifestement la guerre en Europe a transformé en éponges bien des jeunes autrefois pleins d'énergie. Bayard me semble hésiter : est-il un homme invincible ou un disgracié sans rémission possible , rempli de « son incurable désespérance et [de] la solitude de ce destin dont il ne pouvait s'évader ».

Outre la répétition de deux prénoms à travers au moins cinq générations, Faulkner ne facilite par l'identification de ses personnages : de nombreux paragraphes commencent par un « il » et le lecteur doit reconstruire peu à peu le réseau de relations. Si je comprends bien, lire ce roman avant les autres oeuvres de Faulkner permet d'y voir apparaître de nombreux personnages ou familles, mais je témoigne qu'à travers une seule oeuvre l'auteur brosse beaucoup de portraits vraiment intéressants et variés : aristocrates, noirs libérés mais restant attachés à des familles, paysans pauvres, médecins, femmes fortes même dans l'ombre.

J'ai été rebuté au début par l'accumulation des descriptions, la profusion des adjectifs et des adverbes, qui accompagne la lenteur du récit. Je me suis demandé si la traduction n'en était pas responsable, elle date de 1949, avec un vocabulaire parfois désuet, et l'usage permanent du mot nègre par exemple*. Mais je crois maintenant que c'est vraiment le style de Faulkner, qui s'attarde sur les descriptions d'une nature qu'il admire, de ce Sud qu'il aime et qu'on comprend peu à peu. Quel contraste avec sa façon de décrire par de brèves allusions les sentiments de ses personnages taiseux et leur évolution ! Finalement : tout en me demandant assez tôt de quelle façon tragique le récit allait se clore, j'ai été surpris et amusé par l'humour parfois féroce de l'auteur : par exemple dans des remarques franchement anti-religieuses qui ont dû mal passer à l'époque de la publication.

* Savez vous ce qu'est un cache-poussière ?
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Sartoris
Traduction : R. N. Raimbault & H. Delgove

ISBN : 9782070369201


Sartoris ... Nom de grandeur, nom de folie, nom de l'une de ces grandes familles de l'aristocratie sudiste si chères à Faulkner parce que, jusque dans leur dégénérescence, leurs membres refusent de s'incliner devant le vainqueur yankee. Pour eux, le Sud, avec ses toddies que l'on déguste sur les vérandas en regardant le soleil se coucher, ses immenses champs de cotonniers blanchis par la saison, ses Noirs d'abord esclaves, puis domestiques, mais toujours liés aux familles blanches par des chaînes dont le Yankee primaire ne comprendra jamais l'étonnante et sulfureuse complexité, le Sud avec tous ses rêves et ses fantasmes, tous les siens et tous ceux que l'on projette sur son Histoire - ce Sud-là n'a jamais capitulé et il convient de continuer à le célébrer.

Car même s'il ne fait pas l'impasse sur les défauts et les excès du système dans lequel il naquit - voyez par exemple "Absalon ! Absalon !" - c'est bien à une célébration que nous invite le grand romancier américain. Une célébration amère, nostalgique, et pourtant fière, fière de tous ses Sudistes, depuis les rescapés de la bonne société de jadis que sont les Sartoris ou les Compson jusqu'aux "pauv' blancs" de "Tandis Que J'Agonise" ou encore la famille Snope en passant par les Noirs, domestiques, ouvriers, silhouettes à peine entrevues et pourtant si vivantes. Tous, il les dessine, les peint, les habille, fait naître en eux vertus et défauts, espoirs et désirs, tristesses et échecs. Et puis il les lâche dans ses pages, les laisse s'y pavaner, s'y déchirer, s'y tuer afin qu'ils l'aident à rendre au Sud l'un des hommages les plus grandioses qu'ait jamais connus la littérature américaine.

"Sartoris" - parfois publié sous le titre "Etendards dans la Poussière" - est le premier vrai roman de Faulkner sur le Sud et l'on peut y voir le point de départ de la saga qui aura pour décor le comté de Yoknapatawpha. L'action se situe à la fin de la Grande guerre, quand le jeune Bayard Sartoris, qui a vu son frère John, pilote de chasse comme lui, mourir au combat, revient dans la grande maison familiale. le caractère déjà difficile de Bayard ne s'est guère arrangé, d'autant que, n'ayant pu rattraper son frère, qui venait de sauter de son appareil en flammes, dans son propre avion, il se sent coupable de sa mort.

A partir de là, on peut dire que, sauf durant le bref intermède de sa passion pour Narcissa Benbow, qu'il finit par épouser, Bayard le Violent, Bayard le Casse-cou, Bayard le Hanté va tout faire pour mourir avant l'heure.

Son entourage le regarde faire sans pouvoir lui imposer de frein. Miss Jenny, son arrière-arrière-grand-tante, l'une de ces femmes du Sud au dos plus rigide qu'un cierge et au tempérament d'acier, vous le dira - mais peut-être pas en ces termes : chez les Sartoris, les mâles ont tous un grain. Depuis le Grand Ancêtre, le colonel John Sartoris, qui combattit vaillamment les Nordistes et fut assassiné pendant la Reconstruction, après avoir lui-même froidement abattu deux politicards yankees qui voulaient faire élire des Noirs, c'est à qui, parmi ses descendants, sera le premier à mourir de mort violente et inattendue.

Peut-être est-ce pour cette raison que Miss Jenny, grande, sèche, tourmentée mais aimante, veille sur le vieux Bayard (le grand-père de notre Bayard suicidaire) comme une poule sur le dernier de ses poussins. Avec un peu de chance, celui-là finira dans son lit.

Mais c'est sous-évaluer l'adversaire, ce Destin omniprésent dans l'oeuvre de Faulkner ...

Par delà la traduction, le style est riche, d'une poésie colorée et puissante qui nous fait voir, humer, sentir, entendre le Sud de Faulkner au début des années vingt. Comme l'a chanté quelqu'un, le temps y dure longtemps ; les après-midis au soleil s'y étirent indéfiniment ; dans le jardin, Miss Jenny se chamaille avec Isom, le jeune jardinier noir, puis, aussi vexés l'un que l'autre, chacun part de son côté, un outil à la main, et n'en fait qu'à sa tête ; dans l'office, Elnora, la mère d'Isom, prépare le repas et chantonne ; Simon, le majordome et cocher, grand-père d'Isom, attelle les chevaux pour aller chercher le vieux Bayard à sa banque ; et la petite voiture de Miss Benbow se profile à l'horizon, venant de la ville aux rues poussiéreuses et endormies ; là-bas, le vieux docteur Loosh Peabody, qui demanda jadis la main de Miss Jenny, attend paisiblement ses clients en lisant et relisant des romans de quatre sous, allongé sur son canapé ; son confrère et néanmoins ami, le jeune Dr Alford, fait des projets de mariage dont Miss Benbow est le centre ; comme elle est le centre des fantasmes de Snope, l'employé de banque, qui lui envoie des lettres anonymes qu'elle s'en vient régulièrement montrer à Miss Jenny ; et puis, il y a encore le vieux Falls, qui a connu l'époque de la Sécession et qui, tous les mois, se rend dans le bureau du vieux Bayard, à la banque, pour y évoquer le bon vieux temps, un bon vieux temps que Faulkner brosse avec panache et mélancolie dans un long récit d'ouverture qui ressuscite Jeb Stuart, la plume au chapeau, fonçant avec ses troupes, tel un diable gris et or, au beau milieu d'un camp de nordistes au repos et y faisant prisonnier, avec une si exquise courtoisie, un major ennemi confondu par tant de politesse ...

Et malgré tout cela, il y en a pour prétendre que, dans "Sartoris", il ne se passe rien. J'espère bien que vous lirez ce livre à votre tour et que vous vous joindrez à moi pour affirmer que celui qui affirme pareille chose ou n'a pas bien lu, ou ne sait carrément pas lire. ;o)
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Dans l'Amérique du sud qui lui est familière, William Faulkner narre une nouvelle fois les thèmes qui lui sont chers: les grandes familles du Sud déchues par la guerre de Sécession, les communautés et la ségrégation, les drames familiaux et leurs lots de confusion, la passion des hommes qui leur donne ardeur et ambition, et leur folie, qui les en éloigne. Pour beaucoup, « Sartoris » est le roman le plus « représentatif » de Faulkner, s'il n'est pas son plus brillant.

A côté d'un « Tandis que j'agonise« , d'un « Absalon!Absalon! » ou d'un « Lumière d'août« , « Sartoris » est un roman certes plus discret, mais il n'en n'est pas moins aussi fort et intense que les autres titres de l'écrivain. « Sartoris » est d'ailleurs son troisième roman, écrit en 1929, on dit que Faulkner eut du mal à le faire publier et reconnaître, alors qu'il le présentait comme « le » roman qui présageait tous les autres. Et pour cause. Matrice même de la conception familiale de la vieille Amérique aristocratique, les Sartoris sont le type de la famille réputée, renommée, mais au destin tragique, turbulant et surtout poussiéreux.

Descendant de soldats héroïques, les Sartoris sont des braves, des travailleurs, des valeureux…mais on dit qu'aucun d'eux n'est mort de fin naturelle. Dans cette confusion des générations qui est propre à Faulkner, les hommes se prénomment John et Bayard de père en fils, et ainsi semble descendre d'enfant, en petit-enfant, ce goût du risque et de la démesure. Car l'ubris est bien le propre de ces héros d'une autre époque, des héros qui ne seraient plus d'une réalité nouvelle, qui les rejette, et les fait paraître désuet.

Le vieux colonel Sartoris voit son petit-fils Bayard revenir après la guerre en Europe. Ce dernier, passionné d'aviation (comme Faulkner lui-même) fait face au deuil de son frère John, avec une attitude désinvolte et dangereuse, notamment en s'enivrant de la vitesse des nouvelles automobiles alors disponibles. Dans un engrenage douloureux, Bayard essaie de s'auto-détruire pour noyer sa culpabilité, entraînant malgré lui le colonel, et ceux qu'il aime.

Telle la Cassandre de la famille, Miss Jenny, la tante des Sartoris, prévoit avec pessimisme et rancune la fin de cette lignée de garçons d'un autre temps. Mais alors qu'une nouvelle ère s'ouvre, elle s'attache malgré elle à parler à ces fantômes, des hommes que l'on n'aime finalement mieux sur les portraits que l'on chérit, sur leurs tombes que l'on fleurit, que dans une réalité où ils sont finalement insupportables.

Faulkner dépeint avec intensité cette époque de mutation pour l'Amérique, qui peine à se dessiner une nouvelle cohérence sociale après la guerre de Sécession, et qui entre en guerre de l'autre côté de l'Atlantique. Les rapports entre les différentes communautés Noires et Blanches sont encore terriblement marqués par les ravages de l'esclavage, et la cohésion sera effectivement plus lente dans les Etats du Sud.

Figure d'une Amérique vieillissante, hésitante, « Sartoris » est la poussière d'une époque, la nostalgie poétique de grandes figures devenues détestables, la déchéance d'une classe qui n'en n'a pas moins marqué l'imaginaire américain.

« Sartoris » est donc sans conteste le roman d'un déclin douloureux, une fresque sociale juste et puissante, qui nous rappelle que bien souvent, la société préfère ses héros lorsqu'ils sont morts, sans quoi elle ne les assumerait pas.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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Sartoris, c'est d'abord une porte d'entrée. Porte d'entrée vers l'oeuvre de Faulkner, porte d'entrée surtout vers un monde, ce Sud américain qui ne cesse de se décomposer.
Nous sommes en 1919-1920, les boys sont rentrés de la guerre, victorieux peut-être, mais portant le poids de leurs morts. Sauf pour les noirs qui ont pris leur part aux combats et découvert qu'ils pouvaient compter, la victoire de 1918 n'efface pas le traumatisme de la défaite des confédérés, celle des anciens qui font encore la loi dans ce Mississipi profond. le Sud de Faulkner est un monde de loosers et de nostalgiques; le péché de l'homme blanc esclavagiste y devient un fardeau, qui se fera d'ailleurs de plus en plus lourd (mais ça, d'autres que Faulkner se sont attachés à le montrer, plus tard). Alors quand la mauvaise conscience vient tarauder, à tort ou à raison, les vivants, il est dur de trouver un peu de sens à sa vie. On la subit ou on provoque le destin.
Sartoris, c'est donc cette atmosphère crépusculaire, dans une famille où la mort n'est pas souvent celle qui vient naturellement au bout d'une longue vie. Chaque personnage est lourd de son passé et du passé d'autrui. L'alcool ronge ce qui n'est pas encore détruit. Les événements et les péripéties romanesque sont présents, mais toujours au second plan. du coup on a le sentiment d'une longue description, sauf qu'on ne s'embête pas.
Pour moi qui découvre Faulkner, ce livre est un chef d'oeuvre, plein de fulgurances. Je retiens par exemple une incroyable page sur le rôle des mulets dans le Sud…
Magnifique et sombre.
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Aussi bizarre que cela paraisse, je n'ai jamais lu de Faulkner alors qu'il fait partie des grands écrivains américains, nobélisé. Quand on lui demandait par quel roman commencer son oeuvre, il conseillait Sartoris, roman qui contient les différents thèmes et personnages de ses romans.

Sartoris, version aboutie d'un romain qui devait s'appeler Etendards dans la poussière, se passe dans une petite ville du Mississippi. L'action se déroule à partir de 1919, avec le retour du front de l'aviateur Bayard Sartoris mais fait appel en permanence à l'histoire de la famille marquée par les hauts faits du général John Sartoris pendant la guerre de Sécession. La spécificité des Sartoris est qu'aucun homme n'est mort dans son lit, ce qui les fait traiter de têtes brulées et de solennels imbéciles par la Tante Jenny, véritable pilier de la famille sur plusieurs générations.

Le jeune Bayard Sartoris revient dévasté du front où il a vu mourir John, son jumeau, sans être capable de le secourir et il développe une tendance suicidaire en parcourant à toute vitesse la campagne au volant de sa voiture. Son grand-père, nommé aussi Bayard, l'accompagne dans le but de calmer ses ardeurs mais en vain. Bayard a perdu sa femme et son fils pendant la guerre et va séduire Narcissa Benbow mais l'abandonne peu après le mariage pour parcourir les Etats-Unis et finit par mourir en essayant un avion.

A côté de cette histoire de héros désespéré et suicidaire, il y a toute la vie de cette famille et de cette ville du Sud. Pour chacun, la guerre de Sécession est encore présente avec son histoire et ses héros, la haine des Yankees et de l'État fédéral. Les Sartoris sont servis par une famille de Noirs, plus tout fait esclaves pas mais loin, avec le vieux Simon qui cherche à en faire le moins possible et le jeune Isom, jardinier attitré de Tante Jenny, pas très futé.

Faulkner rend parfaitement l'atmosphère de cette ville, les petites histoires des uns et des autres, la vie du Sud éternel mais j'ai été un peu perdu par certains passages où il place des personnages, les Snopes et les MacCallum, et en parle comme si nous connaissions tout de leur passé et de leurs histoires. J'ai parfois eu l'impression d'être invité dans une conversation où les gens parlent de proches qui leur sont intimes mais nous sont inconnus, pas très confortable.

Ce roman n'est pas d'accès aisé ; le style est ample, très travaillé avec des descriptions admirables mais les digressions, la lenteur du récit rendent son abord un peu compliqué, nécessitent une concentration importante. Il faut être tout à fait disponible pour entrer dans cette histoire et ce style, je m'y suis repris à plusieurs reprises mais j'avais très envie d'aller au bout car il y a un monde particulier à découvrir dans ce roman.
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Le premier livre par lequel il faut commencer la "petite comédie humaine" du comté de yopkhanapatha selon Faulkner. le quatrième livre de l'auteur que je lis pour ma part, car j'ai cette envie a présent de lire toute son oeuvre, et donc de l'attaquer par le début.

Sartoris ou étendart dans la poussière raconte la chute des Sartoris, une famille autrefois de riche propriétaire terrien qui suite a la guerre de sécession "se détruit" peu a peu.

Ce n'est pas le roman le plus connu de faulkner et pourtant les thèmes chers a l'auteurs sont déjà ici. Pas de technique d'écriture aussi novatrice que dans le bruit et le fureur, et une narration "plus simple" que dans sanctuaire ou Absalon Absalon, mais déjà une plume qui m'a transporté dans ce sud de l'aprés première guerre, lorsque les esclaves noires sont devenue domestiques, avec leur rapport complexe qu'ils entretiennent avec les propriétaires blanc. J'ai été happé par le récit du jeune bayard revenant de la guerre avec le deuil de son frere mort dans un combat aérien. Fou de mécanique, il s'ennivre dans ce sud en deliquescence au volant de son bolide, a traversé le comté de yopkhanapatha en soulevant la poussière de ses routes cuites au soleil.

On ressent cette nostalgie du sud, notamment dans la quatrième partie qui pour moi fut le paroxisme du roman. C'est dans cette partie que le jeune bayard, retourne "comme avant" chez les freres MacCallum pour une partie de chasse. le recit devient envoutant, et malgrés la beauté du décor, malgrés la chaleur du feu de cheminé et l'amitié des frère MacCallum, bayards n'est plus présent. Mélancolique, la nuit glaciale le recouvre. Et puis l'hebergement chez des domestique noires, qu'il trouvera sur le chemin du retour, chez qui il se refugiera et sera l'occasion d'une scène de repas ou la culpabilité du passé sudiste éclatera. Cette partie est remarquable et puissante et vaut a elle seul la lecture de ce roman.
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Ce troisième roman de Faulkner est, en effet, caractéristique de l'oeuvre magistrale à venir du futur Nobel. Des fictions aux antipodes des contes de fées, où aucun prince charmant n'apparaîtra pour sauver les âmes perdues et ou les personnages accomplissent des actes dont la réussite est hypothétique ou même impossible. Dans Sartoris, Faulkner peint une famille patriarcale de têtes brûlées ne tenant encore sur ses pattes que par la main ferme et tenace de l'énergique Tante Sally, seul personnage majeur à prendre des décisions raisonnées. Ce roman annonce aussi ces magnifiques peintures de la bêtise et de la cruauté des grands romans faulknériens comme le Bruit et la Fureur, Sanctuaire ou Tandis que j'agonise.
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Voilà un excellent titre pour pénétrer l'univers de Faulkner sans être rebuté par la complexité narrative qui rend la lecture de ses romans parfois difficile.

Mississippi, au lendemain de la première guerre mondiale. Bayard Sartoris, petit-fils du "vieux Bayard", rentre d'Europe, sans son frère jumeau John, dont l'avion a été abattu par les allemands. Il retrouve le domaine familial sis dans le comté de Yoknapatawpha (que l'on retrouvera, ainsi que certains de ses habitants, régulièrement dans l'oeuvre de l'auteur), où cohabitent, hormis son aïeul, sa tante octogénaire l'inflexible et dévouée Miss Jenny, et la famille de domestiques noirs qui sert les Sartoris depuis des années.

Les Sartoris constituent une légende dans ce coin du Sud. Fanfarons, orgueilleux, on prétend qu'aucun de ses membres mâles n'a connu de mort naturelle. La figure la plus célèbre de la lignée est sans doute le père du vieux Bayard, John, tête brûlée et héros de la guerre de Sécession, dont les exploits alimentent encore la mythologie familiale.

Le jeune Bayard ne fait pas exception à la règle. Depuis son retour au bercail, il met toute la bourgade en émoi, en conduisant son bolide à travers les rues de Yoknapatawpha et les chemins alentour, au grand dam notamment de Narcissa Benbow, qui éprouve pour le jeune homme un sentiment trouble, mêlé de fascination et de répulsion. C'est sa manière à lui de réagir au traumatisme de la Grande guerre et de la mort de son frère, qu'il n'exprime jamais, mais qui le hante à coups de cauchemars et de crises de désespérance, et qu'il noie aussi, en compagnie de divers compères, dans l'alcool de contrebande.

"Sartoris" évoque le déclin, entamé avec la Guerre de Sécession, d'une dynastie dont le premier conflit mondial sonne le glas. C'est aussi la fin d'une époque, celle de la domination incontestée de ces grands propriétaires blancs sudistes, à la mentalité ancrée dans la tradition esclavagiste. A l'image de certaines pièces endormies de leur domaine où les tentures éternellement fermées et les housses sur les meubles semblent constituer un temple à la mémoire des fantômes familiaux, la superbe des Sartoris s'étiole, avec l'inéluctabilité que William Faulkner, suivant son goût pour la tragédie grecque, imprime à leur chute, soumettant les individus à la tyrannie de leur destinée.

Si sa structure narrative est moins complexe que ce à quoi l'auteur a pu nous habituer par la suite, on retrouve tout de même dans "Sartoris", son troisième roman, certains des éléments qui constitueront son empreinte, notamment cette écriture foisonnante, ce lyrisme qui convoque les images d'un sud aux collines "à l'infini mystérieux et serein" ou les sons nocturnes de la campagne, lyrisme auquel se mêle naturellement la rudesse truculente et énergique du jargon rural ou du parler "nègre", qui rend le récit si vivant.

Et bien que l'intrigue prenne parfois des chemins qu'elle ne suit pas jusqu'au bout, les lecteurs de William Faulkner, en reconnaissant parmi les personnages secondaires des figures récurrentes dans sa bibliographie, comprendront que "Sartoris" s'inscrit dans un ensemble qui dépasse le roman pour embrasser l'oeuvre.

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