Où qu'il se trouve, où qu'on le trouve il est le même, dans son atelier, dans la rue, à la terrasse du café. Est-ce assez dire qu'il est simple ? Non. Il est si massif, il semble si endormi qu'on s'étonne, quand on ne le connaît pas encore, qu'il puisse y avoir tant de jugement essentiel dans ce colosse négligé, tant de sagesse malicieuse sous ce masque un peu pâteux de César débonnaire dont l'oeil ne brille que par éclairs très courts. Il sue l'équilibre certes, si je puis dire, mais quel?
Il fait songer à quelque mastodonte, jamais pressé, jamais inquiet, sûr de sa force, sûr de sa masse. Sûr de son droit, que lui assurent cette force et cette masse. Il a des mouvements paisibles, lents. De lents réflexes. Il est comme tous les peintres, bons ou mauvais. Il ressemble à sa peinture. Je pourrais dire — ce serait plus naturel — que- sa peinture lui ressemble. Mais non.
Quand on connaît un homme, on ne connaît pas sa peinture.
Nous sommes restés romantiques, que nous le voulions ou non. C'est-à-dire chrétiens. Que celui-là, dont l'oeuvre spirituelle est puissante et s'épure chaque jour aille à la pêche et à la chasse, conduise son auto, aime la marche, l'escrime, la boxe, le grand air, il faut, pour ne pas le très bien comprendre, que nous soyions fâcheusement habitués à considérer comme solidaires l'un de l'autre l'ascétisme et la méditation.
Suzanne Flon lit Elie FAURE
Suzanne FLON lit une page de
Elie Faure.