Plus qu'une question de définition
« Il existera toujours des personnes extrêmement masculines. Simplement, certaines sont des femmes. Et dans mon entourage, certaines personnes des plus féminines sont bel et bien des hommes. »
L'édition en français du texte de 1993 «
Les cinq sexes » d'
Anne Fausto-Sterling permet d'en souligner à la fois la radicalité et l'actualité. Comme l'indique
Pascale Molinier dans sa préface « Sous sa forme ramassée et provocatrice, cette "utopie" demeure un puissant modèle méthodologique pour comprendre ce qu'une pensée féministe peut-faire à la science ».
La lecture de ce texte sous-titré « Pourquoi mâle et femelle ne suffisent pas » ainsi que du texte de 2000 «
Les cinq sexes revisités » ne devrait cependant pas dispenser de lire la première édition en français de
Corps en tous genres. La dualité des sexes à l'épreuve de la science, La Découverte, Institut Émilie du Châtelet 2012,qui lui même aurait besoin d'actualisation.
Je ne vais pas ici résumer les différentes analyses, juste souligner comme l'auteure que « le sexe est un continuum modulable ». Elle développera, entre autres, sur le contrôle des corps, les ré-assignations médicales et chirurgicales.
En 2000, l'auteure reprend, en les déplaçant, ses propos sur l'ambiguïté sexuelle, sur la difficulté à définir des limites séparant le féminin du masculin, sur les ré-assignations. Elle indique « il est plus juste de conceptualiser le sexe et le genre comme différents points dans un espace multidimensionnel ».
Elle cite Suzanne J. Kessler « Ce qui a la plus grande importance, c'est le genre adopté par la personne, sans rapport avec ce qui se trouve réellement sous ses vêtements ». Et propose de supprimer la case « sexe » des documents officiels…. un autre façon de rappeler l'égalité des êtres humains.
Comme je le soulignais dans ma note de lecture sur
Corps en tous genres, ce sont des débats importants contre la naturalisation des relations sociales, les fausses évidences, les dualismes primaires, les pseudo-lois génétiques ou la neutralité de la science.
Pascale Molinier fait plus que simplement préfacer le livre. Elle nous propose de multiples pistes de réflexion autour de la libération des corps de l'emprise du genre ; des savoirs, jamais neutres, mais marqués par le genre ; de la naturalisation du sexe ; de la nature/culture, « Que le corps soit construit dans un processus biopsychoculturel ne veut pas dire qu'il n'est pas réel ou matériel, mais qu'il n'existe pas un état de nature qui pourrait être saisi en dehors du social, nous vivons dans un monde genré où nous somme en permanence lus et interprétés dans les catégories de genre » ; de l'historicité ou de la fabrication du sexe ; de l'intégrité physique des personnes intersexes « sacrifiée sur l'autel de
l'identité de genre » ; etc.
Elle reprend aussi une phrase de
Claude Lévi-Strauss de 1936 pour remarquer que « le genre fait dire les pires bêtises aux esprit les plus cultivés » et « ce qui est bien plus grave, c'est la cruauté de certaines pratiques qui en découlent comme allant de soi ».
Le féminisme matérialiste offre des définitions précieuses sur le genre (
Christine Delphy), sur la division sexuée du travail (Danielle Kergoat). La préfacière parle aussi des corps « ces objets encombrants » en citant
Hélène Rouch, des apports des féministes biologistes qui ne contestent pas la réalité, « mais la naturalité des corps ».
Nous n'en avons pas encore fini avec la naturalisation et des êtres humains et de leurs relations sociales.
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