Crime Cristal
à Mitsou Ronat
1.
Je suis Viendrait je suis Vient je suis Venue
je suis elle qui
Vint
mais elle met hier dans le maintenant
elle vient le bord de la journée
elle maintenant le temps d’avant
hier
elle est le disait que c’était violence
et que le sortir est le sera violent
je suis elle me disant le sera demain
je suis elle me voyant je suis elle la disant
j’étais celle me fuyant je suis la regardant
elle est la Vient à moi elle est la disant
que cela est le faire bien
2.
les constellations sont parties du
monde et les noms
parties de la pensée
le premier geste de la femme
entre l’envers et l’endroit
val entre
deux miroirs
mouvements des lettres
entre les parcelles
jusqu’à la jointure
que tu sais
3.
il s’agit de rendre
immobile la vérité
comme on épingle
le singe en cage
la vie n’entre
en ligne de conte
que lorsqu’il est
trop tard
Dans un monde
de lanternes
4.
l’événement du blanc descend sur un paysage
et s’écrit en noir et sanguine sur le blanc
et par ceps sarment épieu écorce
la lumière va s’éteindre par surfaces
le contour se retourne dans le repli
le fond de la robe attend le cri
5.
le val du noir l’accès au blanc
et le poudroiement de l’un dans l’autre
nous mènent jusqu’au bord
où respire la
nuit la désirable
l’eau en puissance
de vinaigre et de
vin
6.
la courbe tranche au noir
la fine lame de cohérence
découpe sur le fond un pan d’éclat
le point lumineux auprès d’elle
est amour éclats venus
d’un soleil et de l’éclaboussure
jaillie du fond et de la plus dense
force qui illumine et condense
7.
ce qui divise les feuillets du livre du corps
passe aussi par l’égard du visage
même entrant dans l’obscurcissement
et la plénière épaisseur et son vide
je regarde le fond de cela
entre regard en entreval
où vrai se livre
8.
je mange ce miel qui avec toi a disparu
et qui avant même a été mutilé
coulé dans la cire ciblé et incriminé
giclé dans la bouche avec le goût et dénudé
avec le rouge de la mer en forme de bouche
veillée avec bienveillance qui est due
l’amande à chair si blanche et à écorce
convexe miroir de ventre qui se couche
à celle qui est en bas et n’oublie jamais
demandez un peu l’impudeur qu’il faut pour le faire
9.
à celle qui est au secret. au-dedans
et au sommeil. à celle qui est
en voie de dire ce qui est mesuré
peut-on lui dire ce qu’elle a rapporté
la blessure approchée peut-elle. soufflée
le feu gravé se pourra-t-il. scellé
et la chair. elle très douce. connue
le visage. enseveli. en cheveux
le corps. lui. en protection. rapprochée
lui elle. corps vivant. jamais mesuré
10.
la relation qui va des seins aux mots
et monte du ventre à la vérité
dont la possession jette
la figure noyée
dans le monde de la chambre
la relation va et monte du ventre
et condense un mouvement nu et noyé
et jette la figure de possession
dans l’étroite chambre de vérité
11.
la possession étroite monte et vient
elle jette et figure les mots et les seins
elle monde le nu et noie la chambre
elle condense la vérité au ventre
elle mouvement elle noyée
elle est venue relater ce qui va
monter depuis la vérité jusqu’à la chambre
et danse et jette ce qu’elle condense
elle monte les mots jusqu’au nu des seins
elle a noyé l’étroite montée dans le monde
elle émonde et jette qui elle a figurée
et condense la nue danse vérité
12.
l’événement surprenant
se produit, on croit voir
un bandit dans le survenant
vent souffle sur la montagne
au-dessus du lac
est le vent
image de la vérité
13.
en haut le vent
au centre
elle est libre
en bas le lac
14.
hexagramme de vérité
traits pleins en haut
et en bas
prémice ou mémoire
chant plain illimité
meut la surface de l’eau
l’effet visible
ainsi manifesté
15.
en exil
l’éclipse
l’irréparable
façon
et l’ivre
crime
cristal
à l’arête
blessée
16.
et ainsi mort vient réparer
et ce qui se brise est ce qui répare
il ne suffira point
de réparer l’attache des bras
et de réparer la jointure des jambes
si le geste des hanches
n’est point réparé
ce qui vient restituer
retient le sang
que renverse le métal
blessure au bord
de la bouche
17.
si remède précède le mal
alors même la bouche est réparée
étincelle et tessons de métal
sont lien et novation qui est narrée
dans le très quotidien et le trivial
ces bris qui altérés et chavirés
du cœur de la fidélité qui libère
la convulsion qui enfante et profère
18.
la strate la roche la mer
le métal de la fatigue et le soleil
je les conte à mi-voix
dans la descente de lumière longue
pendant qu’est suspendue celle
celle au temps qui s’est rompu
et qui a parlé dans la vue de l’une
et la terreur de l’autre
ou le rêve plein de sang
et je l’appelle car je n’ai aucune
certitude que cela
au moment où la nuit est pesante
et colle à la bouche et aux yeux
le relief est strié et brûlé
la vitesse cahotée et noircie
je vous appelle pour que vous soyez
je t’ai demandée pour que tu sois sujet
je demande souveraineté pour toi
et que la lumière longe longtemps la montagne
tirant même la nuit
et que le doux animal de pensée soit vivant
son épaule chaude
Jean-Pierre FAYE – Portrait dans le miroir à trois faces (France Culture, 2006)
L’émission « Surpris par la nuit », par Christian Rosset, diffusée le 16 mars 2006 sur France Culture.