Après la Dark Fantasy façon Renaissance, la magie de la Chine éternelle et le post-apocalyptique écologique, l'auteure française continue avec ce 2e tome de "La Voie des oracles" son peplum onirique et fantastique. La jeune Thya, héritière des savoirs païens dans un Empire romain devenu chrétien, poursuit sa quête qui va la mener des forêts germaines aux déserts iraniens en passant par Salone, Constantinople, les montagnes d'Arménie et la Route de la soie traversant l'Empire Sassanide…
Dans ce tome 2, passé un cap le récit se divisant en POVs :
- Thya poursuit sa route avec Adur en direction du Désert du Vide, en parallèle de celle suivit par Aylus et Tirésias
- Enoch, qui doit apprendre à maîtriser la magie ancestrale dont il a hérité, tente d'échapper à la cage dorée d'Hécate
- Aedon le fourbe poursuit sa conquête du pouvoir pour s'apercevoir qu'elle ne lui apporte rien de ce qu'il avait désiré…
- l'Ondine et le Sylvain se voient confier une mission par Culsans : équipés de l'ultime sortilège des Étrusques et de l'Epée d'Orion offert par Apollon, c'est à eux que reviendra la lourde tâche de sauver leur monde ou de le condamner…
Après tout n'est pas toujours très clair en ce qui concerne l'intrigue général et le fil directeur, je n'ai ainsi pas compris l'obstination de Thya à retrouver les Dieux Voilés, celle-ci prenant la décision de partir au bout du monde les retrouver avant que ces derniers ne lui donnent de véritables raisons de les poursuivre…
Dans cet empire romain finissant où la magie existe encore, les dieux anciens font face aux temps nouveaux… Hécate prend exemple sur le Christ Blanc en voulant devenir une Déesse Unique régnant de Rome à Samarcande, Dionysos mime les bacchanales des temps jadis, Apollon profite de son nouvel anonymat pour s'adonner aux joies simples du théâtre, Janus ambivalent comme toujours ne sait lui à quels saints se vouer… Ces divinités désenchantées m'ont bien rappelé les anciens dieux perdus dans les villes et les campagnes du Nouveau Monde du roman de
Neil Gaiman intitulé "
American Gods".
Le désenchantement est aussi de mise pour les hommes et les femmes puisqu'aucune des rencontres de Thya ne survivra, tous et toutes mourant vainement sans rien avoir accompli de leurs rêves ou de leurs ambitions : Waudur ne réveillera jamais les siens, Sethre ne pourra jamais apporter son aide à sa nièce, Orodès ne sauvera jamais son roi, Adur ne sauvera jamais son peuple, le Faune et le Sylvain ne sauveront pas leurs amis… Culsans tant qu'Aelon ne sont plus que les marionnettes d'Hécate, et je ne parle même pas du pauvre Enoch !
Et pour la 5e fois en 5 livres
Estelle Faye continue son exploration du thème de la mémoire :
- Thya vend les souvenirs d'Enoch pour venger son ami qu'elle pense défunt
- en souhaitant retrouver Thya, Enoch finit par être obligé de l'oublier
Difficile de ne pas penser au conte d'Andersen où la courageuse Gerda partait à la recherche de Kai complètement vampé par la Reine des Neiges…
Quelqu'un qui a tout perdu a donc tout à gagner, et c'est avec détermination que Thya tente le tout pour le tout…
Elle remonte le temps pour tout recommencer et sauver ceux qu'elle a perdu, pour se retrouver à Brog juste avant que Mettius ne tue son oncle sur les ordres de son père…
Toutes les cartes sont redistribuées pour troisième et dernier tome ! C'est bien vu et c'est bien joué, et c'est même un soulagement que d'apporter une lueur d'espoir dans l'océan de désespérance sur lequel nous avons vogué…
C'est original, c'est intéressant, bien écrit et bien construit. Derrière une plume agréable, en dépit des nombreuses ellipses,
Estelle Faye nous offre une joli prose et un travail de fond qui fait la part belle aux légendes celtiques, romaines, grecques et iraniennes, ici joliment maîtrisées, où apparaissent ménades, goules, simurghs, phénix et licornes… Mais au final je ne suis vraiment pas persuadé que les ambiances sombres et amères de l'auteur se marient très bien avec les codes de la littérature YA. Si l'auteure choisi le parti pris de quelque chose de définitivement plus ambitieux en terme de public cible, on tentait carrément un incontournable de la Fantasy française !
Sur le livre objet, encore un travail très propre des poulains des éditons Scrineo : magnifique illustration d'
Aurélien Police, cartes très utiles et très réussies de F. Legeron, couverture solide, papier épais, mise en page claire et aérée… et le tout 100% « made in France » s'il vous plait. (Au grand dam des dézingueurs du dimanche made in France)