Encore un premier roman découvert grâce aux 68 premières Fois. Une belle découverte !
L'Attrape-souci de
Catherine Faye revisite le roman d'apprentissage et nous dépayse à Buenos Aires au début des années 2000. Son roman évoque la perte, l'abandon, la quête des origines, la reconstruction et le rapport au passé.
Les codes du genre sont là : le parcours initiatique et formateur, la confrontation avec un milieu hostile, une série d'expériences et de rencontres, une évolution positive, un cheminement, la quête de réponses et une acceptation du passé.
Le rapprochement avec le roman d'apprentissage s'arrête cependant là car le récit ne s'étale pas sur plusieurs années, mais, au contraire, se limite à quelques mois dans la vie d'un enfant.
Transposé par exemple à Paris à la même époque, ce roman serait un conte, à l'intrigue improbable, et ce manque de crédibilité nuirait à la lecture. Ici, il y a un réel effet de dépaysement qui, non seulement, ravira les lecteurs, mais surtout donnera corps et réalisme aux aventures de Lucio, perdu dans Buenos Aires.
Personnellement, même si je ne connais pas l'Argentine, j'ai passé quelques mois, à peu près à l'époque où se situe l'action, à Bogotá, capitale de la Colombie, et je ne suis dons pas étonnée qu'un enfant puisse perdre sa mère sans que cela inquiète les gens autour, que ce même enfant traine dans les rues, jongle pour gagner quelques pesos, vole pour se nourrir et subsiste tant bien que mal, surtout si sa mère ne le recherche pas… Dans ce contexte, l'histoire du Lucio est plausible, réelle, parlante… touchante, captivante, addictive.
Je ne connais pas l'univers référentiel de
Catherine Faye, mais je retrouve dans les rencontres de Lucio des protagonistes qui me rappellent ceux de
Gabriel García Márquez, notamment les prostituées au grand coeur, des personnages cabossés, meurtris, exploités, des belles personnes qui ne posent pas de questions, qui accueillent sans à priori.
L'écriture à la première personne est magique car c'est la voix d'un enfant de douze ans, naturelle, spontanée, logique, pragmatique, papillonnante et résiliente, entre imaginaire et détermination… Sans mièvrerie inutile, ce JE passe du constat au découragement, du rire aux larmes, du jeu au danger, de la confiance à la terreur, du mensonge effronté à la demie vérité constructive… et nous vivons tous ces moments de l'intérieur à ses côtés. le rappel des souvenirs, les retours en arrière, relèvent d'un procédé souvent utilisé pour donner une certaine densité à l'intrigue ;
Catherine Faye s'en sert pour construire une étrange relation mère-fils qui interroge tout au long du récit.
L'action de
L'Attrape-souci se situe en pleine crise économique en Argentine et, bien que racontée par le prisme du point de vue enfantin, la situation politique, financière et sociale transparait dans le récit, forme comme un écrin, tenu à distance et présent en même temps. L'auteure maîtrise son sujet, crée une véritable ambiance.
Sans dévoiler la fin, je peux dire qu'elle m'a plu ; elle n'était pas annoncée, ne pouvait pas être simple ni couler de source… Ce n'est ni rose, ni bleu, ni violet et pourtant il y a un peu de tout cela.
Un magnifique roman, qui a su me toucher, m'émouvoir. Merci
Catherine Faye.