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EAN : 9782070469864
352 pages
Gallimard (05/10/2017)
3.75/5   310 notes
Résumé :
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (124) Voir plus Ajouter une critique
3,75

sur 310 notes
Une histoire dense et intense qui fleure bon la SF des années 70 comme le cinéma des années 80 (le chef militaire des pavillonnaires Laurent Lefort est-il un clin d'oeil au paladin de la SF française Laurent Genefort ?). La prose est capiteuse voire envoûtante, le style très rythmé et très visuel : un véritable nectar !
Il faut démanteler un trafic de stupéfiant organisé par un Roi-Mutant qui veut dominer Néo-Paris. C'est simple et efficace, mais le récit comporte comme les autres ouvrages d'Estelle Faye des lacunes de narration assez gênantes. Mais dans le cas contraire, cela aurait été carrément grandiose !


J'ai mis 50 pages avant de comprendre que le narrateur n'était pas une femme. Donc c'est bien joué !
Car en fait le narrateur du roman est un chanteur/chanteuse de cabaret nommé Chet, non pas en l'honneur du jazzman Chet Baker mais du Daniel Chetman du film "Rue barbare", qui fait ici office de Billie Holliday au masculin. La narration à la première personne, le style nerveux où les phrases courtes s'entrechoquent d'autant plus que le rythme du récit est très soutenu nous plonge dans la psyché de Chet, ses affres, ses espoirs, ses fantasmes…
“All the girls are monsters and all the boys are whores”
L'ambiance est clairement gay-friendly. Chet est une véritable femme fatale qui s'ignore. J'ai pensé tout du long à une version masculine de la Rita Hayworth, la sex symbol du film culte des années 1940 "Gilda".
Les autres personnages ont bien du mal à exister à côté de lui ! Car c'est toute une galerie de personnages qui traversent parfois tels des fantômes la vie de Chet : Damien le pianiste, Virgile le poète fou, Léna la démoniaque sylphide dominatrice, Paul Langlois l'ex-psionique érudit, Janosh la Lavorda le prince des gitans… Même Galaad le preux éco-chevalier du 9-2 en treillis militaire ne parvient à faire oublier à Chet sa Reine des Neiges à lui : Tess la garçonne manquée idéaliste qui voulait gagner la Sibérie…
Néo-Paris est un personnage à part entière de roman, qui aurait pu (du ?) être davantage mis en avant, mais comme le roman est court, dense rythmé et entièrement raconté du point de vue de Chet qui ne cesse de courir avant de se laisser submerger, pas facile d'avoir une vue d'ensemble de Paname après l'Apocalypse : les Planteurs de Montmartre, les écologistes de la Bordure, les ferrailleurs et les forgerons de l'Île de la Cité, les marchands de grillons morts du marché chinois, les parias freaks du Quartier d'Enfer, l'immense tour de verre de la Défense…

Le récit ne se cache pas de suivre le cheminement de "La Divine Comédie" de Dante. Après avoir échappé à l'Enfer et avoir traversé son Purgatoire, Chet va devoir affronter la tentation ultime du Paradis. Et quels sont ses guides à travers son périple à travers Néo-Paris ? Virgile, Sybil et Lucifer…


Niveau thématiques, Estelle Faye n'échappe pas à ses mentors : Mathieu Gaborit, Hayao Miyazaki, et Xavier Mauméjean.



Pour terminer j'ajouterai que j'ai ressenti un petit côté "Final Fantasy" pas déplaisant du tout, voire même un gros côté manga avec les Psys de Stonehenge semblant tout droit sortir du manga culte "Akira" (à moins que ces mutants surpuissants qui perdent leurs pouvoirs à la puberté n'appartiennent aux territoires infinis de la Science-Fiction d'antan…).
Plus qu'un nouveau talent, livre après livre Estelle Faye est en train de devenir une grande dame de la SFFF française. Heureusement que les éditeurs ont cru en elle dès le départ...

Lien : http://www.portesdumultivers..
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Après « Porcelaine » récompensé en 2013 par le prix Elbakin et qui m'avait laissé un excellent souvenir, Estelle Faye revient cette année avec un tout nouveau roman paru chez Les Moutons électriques. Un bel ouvrage au charme duquel je me suis complètement laissée prendre. Après une histoire de fantasy inspirée de la culture et des légendes chinoises, l'auteur opte cette fois pour un roman post-apo dans lequel on découvre une ville de Paris méconnaissable et un monde profondément marqué par la disparition de nos modes de vie actuels.

C'est dans cet univers glauque mais néanmoins fascinant que le lecteur fait la connaissance de Chet, chanteur de jazz rendant par-ci par-là de menus services à des gens pas toujours fréquentables afin d'arrondir ses fins de mois. Seulement lorsqu'on vient le chercher pour démanteler un réseau fournissant une toute nouvelle sorte de drogue, les choses ne tardent pas à se gâter. L'intrigue n'a, au premier abord, rien de très complexe mais l'auteur parvient efficacement à tenir son lecteur en halène du début à la fin et réussi même parfois à le surprendre (mention spéciale au début du roman qui parvient pendant un certain temps à maintenir l'ambiguïté quant au sexe du protagoniste). Rien à redire non plus du côté des personnages, qu'ils soient essentiels à l'intrigue ou plus secondaires, tous bénéficiant d'un traitement soigné et d'une personnalité tour à tour intrigante ou attachante. Difficile de ne pas rapidement se prendre d'affection pour Chet, notre héros, dont on découvre peu à peu les fêlures et aux misères duquel on ne manque pas de compatir.

Mais au-delà de la qualité de l'intrigue et des personnages, le principal atout du roman tient à son décor. Estelle Faye nous fait découvrir les coins et les recoins d'une ville dont le nom et les quartiers sonnent familiers mais que l'on peine pourtant à reconnaître : l'île de la Cité y fait désormais figure de cour des miracles, des sirènes élisent domicile dans les piscines de riches demeures, une véritable forteresse dans la ville abrite les âmes perdues et les amateurs d'opérations esthétiques d'un genre un peu particulier... Autant d'éléments qui font de cette ville de Paris un endroit aussi dépaysant que repoussant, la totalité du récit baignant dans une ambiance glauque et légèrement oppressante qui ne fait que rendre l'immersion du lecteur encore plus intense. Toute la galerie de créatures plus ou moins monstrueuses mises en scène par l'auteur est également saisissante, des mutants de l'Enfer aux enfants Psys possédant de puissants pouvoirs mentaux et dirigés par une très étrange fillette en passant par les consommateurs de cette fameuse nouvelle drogue aux effets indésirables foudroyants.

Avec « Un éclat de givre » Estelle Faye témoigne à nouveau de son habilité pour mettre en scène des récits et des univers captivants et originaux, le tout porté par des personnages atypiques et complexes mais néanmoins très attachants. C'est avec avidité que l'on se plonge dans ce monde post-apo bien éloigné de ceux que l'on a l'habitude de rencontrer dans ce type de récit. Voilà décidément une auteure que j'apprécie davantage à chaque nouvelle lecture !
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DU GIVRE EN RECHERCHE D'ÉCLAT.

Soyons honnête, voici une petite incursion dans un genre que nous connaissons aussi mal que nous l'apprécions généralement peu : la Fantasy.
Car sous ses dehors de roman qualifiable de post-apocalyptique, par la peinture d'ambiance dont Estelle Faye a élégamment revêtu d'oripeaux un Paris digne d'un monstrueux lendemain de cuite éco-destructrice et qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il est aujourd'hui, nombre de ressorts narratifs et descriptifs s'apparentent moins à un Mad Max francilien qu'à une espèce Niourk en devenir, Niourk, ce si beau roman de Stefan Wulf.

Projetons-nous loin vers notre futur, aux alentours des années 2360. Nous allons ainsi suivre Chet, un jeune homme ambigu, ambivalent, queer dirait-on aujourd'hui, effrontément bisexuel, incapable de se fixer sur le moindre amant, la moindre maîtresse, mais amoureux impénitant d'une jeune femme, Tess, qui ne sait rien des sentiments de son ami d'enfance. Chet est une diva dégingandée mais sans peur des clubs noctambules et bluesy dès que la nuit tombe, rendant toutes sortes de services plus ou moins légaux, le jour.
Chet, c'est pour l'hommage au Daniel Chetman du film "Rue barbare", mettant en scène, dans une veine très esthétisante, la violence des banlieues du début des années 80 ; incidemment, sans doute, est-ce aussi un hommage au jeune - beau -et talentueux Bernard Giraudeau, dont ce fut l'un des grands rôles, plus qu'en l'honneur du jazzman, trompettiste génial et chanteur de talent que fut Chet Baker (son "Almost Blue" est un must absolu de ce jazzman au lyrisme délicat et fragile). C'est en tout cas ce que nous affirme le narrateur omniscient (lorsque ce n'est pas Chet lui-même qui s'exprime), et nous sommes bien forcés de le croire, même si ce personnage équivoque tient au moins autant du beau gosse pommé mais bon Samaritain de "Rue Barbare" que de la gueule d'ange cocaïnomane, géniale et instable des bas fonds et des clubs de jazz interlopes. Les références sont cependant de premier ordre... Et ce ne sont pas les seules.

Toujours plus ou moins à court d'argent pour régler le loyer de son studio à son proprio, un pharmacien maniaque de propreté dans un monde de plus en plus sale et peu ragoutant, Chet va se retrouver mêlé à la recherche d'un trafiquant de drogue, un certain Echo, agissant pour le compte d'un étrange maître es-complot. Mais ce qui ne devait d'abord être qu'une chasse à l'homme emprunte de moult dangers et autres coup de force va s'avérer devenir une véritable quête, des derniers cercles de l'Enfer à un éventuel Eden dominé par un hybride, un genre de Roi-Mutant, un véritable Lucifer - comme son prédécesseur biblique, il porte des moignons d'ailes ; comme celui des textes, il est le porteur de lumière, mais d'une lumière intenable et maudite, dont la vérité finale est dans la soumission totale et l'oubli de tout.

Dante et son chef d'oeuvre, La Divine Comédie sont, on l'aura compris, convoqués à cette fête médiévo-futuriste. On y retrouvera même un avatar de son Virgile, tout aussi poète que le plus célèbre des auteurs latins, mais sans doute bien plus fou et éthéré, beau comme un jeune pâtre grec, qui aura été jadis l'accompagnateur de Chet au sein de cet enfer de maniaques cliniciens dézingués, et jusqu'à sa fuite... Mais pas la seconde fois dans cet antre des démons... Quant à la fameuse Béatrice du texte du florentin, si la Tess de ces années futures en est proche, ce n'est pas dans ces bas-fonds sordides et mortifères que notre aventurier va la retrouver.

Le purgatoire n'est pas oublié, où s'entremêlent une vision d'un Paris du dessous se référant autant aux lumières crues qu'à la violence souterraine de ce grand roman feuilleton du XIXème siècle, Les Mystères de Paris, du trop oublié Eugène Sue qu'à la fuite si connue de Jean Valjean à travers la puanteurs morbide des égouts dans Les Misérables de Victor Hugo. Victor Hugo que l'on retrouve ailleurs, sur cette Île de la Cité et surtout sa grandiose Cathédrale Notre-Dame tant décrite, atmosphère comprise, dans le fameux Notre-Dame de Paris, avec son lot de Gitans, d'"Egyptiens", de coupe-jarrets et autres tranche-bourses. Et de son Roi des Gypsies, bien entendu.

Cependant, Chet, qui n'en peut plus mais, se trouve accompagné d'une incarnation post-chaos de l'archétype absolu du chevalier parfait, celui qui, dans le cycle breton, est le seul à atteindre et regarder dans le Saint Graal : Galaad, le chevalier pur, absolument. Sauf qu'ici, sa pureté va en prendre un sacré coup - merci Chet et son désir permanent de séduction - d'où son absence relative dans les derniers moments de cette quête. Si Galaad se met à planter l'affaire comme son père Lancelot, où va-t-on ?

On croise aussi un "Sorbon", sorte de lointain descendant de nos actuels sorbonnards. Mais comme si l'apocope était cause qu'une partie du savoir de notre monde avait disparu, Paul, le Sorbon est certes savant mais les destructions des deux siècles passés ont laissé d'immense failles dans les connaissances de ces temps à venir. On rencontre une fillette aux pouvoirs très spéciaux, la demi-soeurette de Tess, prénommée Sybil, aux pouvoirs "psioniques" inquiétants, même s'ils sont a priori dédié au bien, tant ils sont démesurés. Elle est accessoirement cheffe du gang des enfants Psy qui contrôlent les tours de ce qui est désormais appelé "Stonehenge" dans lequel ont pourra aisément reconnaître les tours de la bibliothèque et de l'esplanade François Mitterrand.



Ainsi, les références sont innombrables à la littérature classique, aux contes, à la Mythologie (je passe rapidement sur l'aspect Odyssée de l'aventure de Chet, Ulysse d'un nouveau genre ayant perdu son Télémaque/Virgile et cherchant sa Pénélope/Tess, sauvé autant qu'il failli être dévoré par d'étranges et monstrueux hybrides aux beaux corps de Sirènes et à la faim de Piranhas (notons tout de même que les Sirènes de l'antiquité grecques étaient ailées, non pisciformes), survivant dans les bassins de la piscine Molitor.

Estelle Faye fait aussi profiter son lecteur de ses excellentes (et judicieuses) connaissances en matière de Jazz (Ah ! Ce moment où l'on évoque la douloureuse, la fascinante, l'inimitable Billye Holliday. Comment ne pas y être sensible ?). Et si l'écriture n'est pas ce moment de perfection stylistique que d'aucuns semblent décrire ici et là, il faut cependant reconnaître à l'autrice un charmant brin de plume, un grand sens du mot et du rythme de la phrase, une plume claire, vivante, souvent lumineuse (même dans les lieux les plus sombres de son histoire), toujours efficace - bien que l'on relève une petite chute de tension, de niveau parfois, dans une large seconde moitié du livre. Comme si l'autrice s'était momentanément lassée de son sujet, avant que d'en retrouver le souffle.

Avec tout ceci, et bien d'autres références (voir l'excellente analyse d'Alfaric donc les lumières en matière de cinéma et de culture manga sont des plus judicieuses) nous aurions dû être emporté au septième ciel des lettres, de l'art et de l'imagination. Pourquoi cela ne prend-il pas à hauteur de ce que cela devrait ?

Il y a cette intrigue, d'abord. Menée tambour battant sans nul doute, mais souvent cousue de fil blanc.
Il y a ce Chet, qui subit plus qu'il ne semble véritablement acteur de ce qu'il décrit. Presque toujours en retard d'un coup sur son présent. Presque toujours à dire oui tandis qu'il pensait non. Pour le déroulé de l'intrigue, c'est préférable. Pour la psychologie du bonhomme, c'est assez désastreux.
Il y a ces nombreux personnages - non qu'ils soient trop nombreux : on a toujours besoin de second, voire de troisième couteaux dans le fil une bonne intrigue - mais à l'exception de Chet, aucun auquel vraiment s'attacher, aucun pour lequel on parvient à ressentir de l'empathie pas plus qu'une véritable détestation ni rejet pour les "méchants". L'un après l'autre, ils sont tout juste esquissés, comme si, finalement, aucun d'entre eux n'avait de réelle importance tant ils demeurent quasi tous en creux. du coup, Chet lui-même s'en trouve affadi.
Il y a ce Paris que l'on parvient à reconnaître sous sa gangue de saleté, d'ordures, d'herbes GM, de destructions et de transformations désordonnées, qui aurait sans aucun doute pu être bien plus un personnage qu'il n'est là un intrigant, fascinant mais cependant simple décors. Il n'est bien entendu pas dans le propos d'Estelle Faye de faire de ce roman le portrait amoureux d'une ville, dans la lignée de James Joyce avec son Dublin ou de la forme d'une ville d'un Julien Gracq nous contant sa Nantes, mais il est dommage de ne pas avoir poussé un peu plus loin dans cette direction trop irrégulièrement esquissée.
Il y a les conditions qui ont crées ce monde désolé, cette Bordure, ce Paris ghettoïsé, ces innombrables bandes se référant à des savoirs plus ou moins oubliés, s'affrontant encore pour on ne sait quelle antique guerre. Rien qui permette de comprendre vraiment comment on en est arrivé-là. Comment tout ce petit monde parvient malgré tout à survivre. L'amateur de dystopie s'en trouve assurément frustré et même s'il faut bien convenir que ce n'est pas là l'objet principal de ce texte, il est regrettable de ne pas s'y être un peu mieux arrêté.
Il y a peut-être, aussi, cet excès référentiel. Comme si l'idée et les intentions d'Estelle Faye ne pouvaient être intéressantes et dignes par et pour elle-mêmes sans en appeler à toutes ses connaissances et à un nombre imposant de "grands anciens" reconnus. Un manque de confiance en ses capacités et son génie créateur...?
Il y a ce final, en deux temps, qui semble passablement bâclé aussi. Comme si la veine était alors sur le point de se tarir, que l'amusement à écrire ce qui n'est pas un mauvais texte, soyons honnête, mais plutôt un ouvrage où l'on sent que l'on est passé "à côté", comme si ce plaisir de raconter n'avait cessé de s'amenuiser au fil des pages, qu"'il avait fallu, à toute force, achever l'ensemble.

Il y a des textes - dans ce genre comme ailleurs - mille fois moins bon que cet "Un éclat de givre", assurément, et nous tenons à le préciser.
Pour autant, quel sentiment de vrai loupé éprouve-t-on en refermant un tel roman qui avait non seulement tout pour plaire, mais aussi tous les ingrédients pour satisfaire le plus irréductible des lecteurs, y compris de ceux explorant peu ces rivages littéraires. Tout y était, ou peu s'en faut, pour aboutir à un grand moment de lecture. On en ressort pourtant transi (un peu comme après le supplice de la douche écossaise...), désappointé et, indéniablement, déçu. Un certain manque de "bouteille", peut-être ? Seul l'avenir saura le préciser !
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Je n'ai pas pour habitude d'acheter un livre pour sa couverture et pourtant c'est bien la magnifique illustration qui ornait celle de "Un éclat de givre" qui m'a incitée à en savoir plus. La 4ème de couverture, très prometteuse, a fini de me convaincre d'alléger mon porte-monnaie pour l'acquérir.
Je n'ai pas été déçue du tout. Comme on dit, qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Et bien, à l'image de son sublime contenant, 'un éclat de givre" est un délicieux nectar.

"Un éclat de givre" se démarque des autres romans post-apocalyptiques (genre semble-t-il très en vogue depuis quelques années) par une tonalité particulièrement originale. Empreint d'une poésie étrange, le monde dépeint par Estelle Faye a des accents d'univers de conte de fées pour adultes. Certains passages évoquent presque de la dark-fantasy.
L'immersion dans le Néo-Paris imaginé par l'auteure est totale. Estelle Faye nous fait visiter ce Néo-Paris de fond en comble. Et la visite est variée et riche, chaque quartier ayant une identité propre. On sent bien que l'auteure a imaginé le moindre recoin de son Néo-Paris tant les descriptions lui permettent de prendre vie sous sa plume. Mais elle a également la subtilité de ne pas alourdir des descriptions, laissant une grande place à l'imagination du lecteur. Je pense que chaque lecteur se fait ses propres images du Néo-Paris.

L'écriture est à l'avenant de l'univers créé. Riche, foisonnante, subtile. Estelle Faye sait mener des séquences d'action efficaces, l'écriture se faisant alors nerveuse, vive. Elle sait aussi jouer sur la subtilité et l'émotion. Et comme je l'ai dit, les passages descriptifs sont exemplaires, remplissant leur rôle explicatif dans une langue belle et poétique. Si je devais définir le style d'Estelle Faye en un seul terme, c'est le mot "élégant" qui me viendrait à l'esprit.

L'auteure nous fait rencontrer de nombreux personnages, tous intéressants, même s'ils ne font parfois que passer dans un récit très resserré (250 pages). Bien sûr, le personnage de Chet efface un peu les autres protagonistes. Mais Chet est un personnage tellement réussi que je ne peux pas voir là un défaut. Créer un héros bisexuel, chanteur-travesti est déjà un choix joliment gonflé. Rien que pour cette audace, Estelle Faye mérite des louanges. Mais en plus d'être un protagoniste original par nature, Chet se révèle un personnage complexe, dense et immensément attachant. Loin d'être lisse et parfait, il est parfois agaçant, parfois irresponsable mais il est aussi terriblement séduisant, irrésistiblement émouvant. Emotion qui culmine lors du magnifique passage où, pour la première fois, il chante, sans fards ni perruque. Un passage magique qui m'a fait vibrer, m'a mis la chair de poule. Je mets au défi quiconque de ne pas tomber sous le charme de Chet.

Challenge Monopoly 1 (case 4 : un livre qui se déroule dans le futur)
Challenge Variété 23 (catégorie "un livre choisi pour sa couverture)
Challenge Petits plaisirs 25
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Ce n'est pas souvent, pal monstrueuse oblige, que je me dis qu'un jour, je relirai ce livre que je viens à peine de refermer... Estelle "Fée" et la magie de ses mots y sont arrivé !
Car ce livre est un livre "d'ambiance". Ambiance jazzy mélancolique formidable avec une B.O à tomber. Pas un page-turner, pas un bouquin qu'on reprend quand on a 5 minutes. Par contre, une fois plongée dedans, je n'y étais pour personne.
Entre M. Fazi et E. Faye, mon bouquiniste pourra se vanter de m'avoir fait découvrir quelques jolis fleurons de l'écriture "à la française" !

Le style est impeccable. Hyper-visuel (suis-je la seule à me dire que ça pourrait faire un jeu d'exploration fabuleux ?), on s'immerge avec Chet avec un mélange de fascination et de répulsion dans ce Paris totalement ravagé. Ayant visité un peu Paris récemment, cela m'a peut-être aidée à visualiser davantage, c'est vrai. Il n'empêche que même sa description des égouts (non, je les ai pas visités, eux !) est "visualisable", c'est juste un bonheur. Je pense que je mettrai un peu plus tard une citation descriptive rien que pour illustrer mon propos.

Un petit bémol : si le style est ciselé, le fond est classique. Il manque parfois quelques précisions scénaristiques, les actions se passent très, trop vite, et la fin est bien trop rapide. Je ne sais pas s'il était prévu qu'il y ait une suite, mais pour moi, une fois le livre refermé, il me reste comme un goût d'inachevé trop prononcé. "coïtus interruptus", si j'ose dire, parce qu'il est vrai que j'aurais bien pris une cinquantaine de pages de plus en rab.

Ce sont quelques défauts "de jeunesse", peut-être, à travailler pour cette auteure fort prometteuse !

Je ne vais cependant pas bouder sur la note, parce que le plaisir de lecture que j'en ai tiré est tel que les défauts passent à l'as... ç'eût été un 4,5 si les demis avaient existé ici, ce sera un 5...

Et c'était le F de mon défi ABC prévu d'entrée de jeu, ce que je ne regrette pas !
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critiques presse (1)
Elbakin.net
10 juin 2014
Si le ton du roman se révèle bien différent de celui de Porcelaine ou même de La Dernière Lame, le roman Young Adult de l’auteur,
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
L'immeuble est l'un des plus éloignés de la ville, situé presque à la frontière de la Bordure. Depuis le toit, la vue porte jusqu'aux Terres Vides, au-delà des fermes et des cultures. Ce qu'est devenu le monde du dehors. Des étendues de sol stérile, craquelé, sans couleur, parcouru de fissures et de failles, d'où s'échappent des flammèches de gaz. L'air est de plus en plus lourd, l'orage refuse de crever et pourtant je frissonne. Le vent qui court sur les Terres, c'est le même qui joue dans les épis de blé vert au bas des barres. Le même qui, sans doute, a poussé un peu plus tôt l'abeille dans ma chambre.
Je fixe les flammes de gaz qui s'élèvent du sol sec. Les Frelots se racontent que chacune d'elle est l'esprit d'un de ces hommes du passé, de ceux qui ont ravagés la planète. Que le remords les lie pour toujours à ce qu'ils ont détruit. Depuis notre passé, ces flambeaux, en témoins, nous mettent en garde.
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Quand le pétrole, le charbon, toutes ces ressources encore accessibles ont commencé à manquer, l’homme s’est mis à fracturer le sol. Il a fissuré les couches profondes de la terre, y a injecté des cocktails délétères pour exploiter jusqu’aux dernières particules de gaz de schistes. C’est là que la terre a commencé à mourir. Que le sol a dépéri peu à peu, que se sont creusés les premières Fissures. Mais l’homme n’a pas voulu voir tout de suite ce qui lui arrivait.
Alors la Nature s’est révoltée. Oh, pas d’un coup. Pas dans un grand chambard général, pas comme dans les films-catastrophes étranges et exagérés qui se multipliaient autour de 2012. L’Apocalypse n’a pas eu lieu dans une immense explosion, une déflagration réduisant à néant, en quelques années une civilisation entière. Non, le monde a mis du temps à mourir. C’est ça que l’homme n’a pas compris. Mais peu à peu les tempêtes sont devenues plus violentes. Les océans montaient, en Asie l’eau saumâtre empoisonnaient les rizières. Dans les pays du Nord, certains hivers, le froid polaire descendait jusqu’aux grandes métropoles, qui jusque-là n’avaient connu que des climats tempérés. Dans les déserts du Sud, l’Harmattan, le vent des djinns, ensevelissaient les cités sous le sable, et ceux qui le respiraient se débattaient en pleine rue, pris de démence, ou sombraient en catatonie.
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La ville haute a coupé les accès qui menaient à elle. Le Gouvernement Légal a miné le Périphérique, brisé les ponts du tram aérien et bouché les tunnels du RER, et des plus longues lignes de métro, élevé des miradors aux Portes d’Orléans ou de Pantin. Pour certains Historiens, c’est là que le Chaos a vraiment commencé, dans ces décennies troubles qui ont suivi la fin du monde, ces années de violence ou le XXIIe siècle est né. La suite, tout le monde la connaît. La Résistance est née des banlieues, vers les années 2160. Rassemblant tous les codes, toutes les techniques des résistances et des révolutions qui l’avaient précédée dans l’Histoire, dans un fatras anarchique se structurant peu à peu. Les pains de nitro rouvrant de force les tunnels condamnés, d’autres se creusant en secret sous les barres d’immeubles et les quatre-voies. Les slogans tracés en vert vif sur les murs, dont certains ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Les guérilleros du 9-2 scellant l’alliance avec la cité du sous-sol. L’immense bataille des égouts, qui ébranla jusqu’au siège du pouvoir. La répression qui s’ensuivit. Les Ligues de Vertus, de sinistre mémoire. Les chefs de la Résistance en rupture de ban tentant tant bien que mal leurs familles des purges. Les premiers Frelots de la Bordure sauvant les animaux des zoos du centre par les anciennes voies de métro. Le nouveau sursaut de la révolte, le bon, celui-là. Le renversement enfin, en 2185, du Gouvernement Légal, le dernier hérité des instances de l’Ancien Monde.
Puis le temps. Le temps, les années passant, et les générations se succédant se transmettant cette Histoire. Changeant les événements en légendes. Voilà notre Geste à nous, notre Genèse, nous les enfants du nouveau siècle. Voilà quels récits nous ont modelés.
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- Parce que tu es l'être le plus solitaire de cette ville. Aujourd'hui, tous, nous vivons ou survivons en communauté, en famille, en groupe, depuis les faubourgs de Monceau jusqu'aux Renégats de la Bastille, en passant par les Planteurs de Montmartre, les Clercs de Jussieu, les sorbons... Alors que toi, tu traverses ce monde seul, sans attache, sans jamais te livrer complètement à un autre. Te rapprocher vraiment de quelqu'un.
Elle me sert cela comme une évidence. J'ai mal et je refoule aussitôt cette douleur. Je me défends en attaquant. Je ricane :
- Regarde mieux dans ma tête, princesse, par exemple les passages interdits aux mineurs. Tu découvriras qu'en matière de solitude, on a vu plus convaincant.
- Oh, Chet... s'exclame-t-elle avec une commisération très "grande dame". Si tu étais amoureux de ceux avec qui tu couches, ça se saurait...
Je ne vais pas discuter de ma vie sentimentale avec une môme de huit ans. Autant clore cette discussion.
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[Chet à propos de Sybil] Elle ne semble pas affectée par la canicule, sans doute instaure-t-elle son propre microclimat autour d’elle. Elle en a les moyens. A deux ans, elle créait déjà des châteaux fabuleux, de véritables palais de fées, rien qu’en fixant le bac à sable ne bas de notre immeuble. C’était un spectacle fascinant, les grains jaunâtres semblaient s’agencer d’eux-mêmes, comme par magie, pour exaucer la fillette aux grands yeux sombres. La petite Sybil heureuse applaudissait, souriait…
Elle sourit de moins en moins à présent. Ou plutôt, elle sourit autant mais plus aussi large, plus aussi franc. Elle a dans les yeux un sérieux d’adulte, de femme âgée, responsable. Avec, en fond, la sagesse blasée de ceux qui trop vécu. Elle est la chef incontestée des Enfants Psys. Une bonne partie du destin de la ville repose entre ses mains.
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Reprendre corps
Réécrire l'Histoire et les histoires, se réapproprier le corps du texte. Si le langage forme notre façon de penser, les légendes et mythes fondateurs façonnent notre perception du monde. Et si nous avons les mythes en commun, c'est bien pour les questionner, les interpréter et faire un lieu où l'imaginaire peut influencer le réel.
Animé par Willy Richert.
Avec les auteur·rice·s Estelle Faye (La Dernière Amazone, Rageot), Murielle Szac (L'Odyssée des femmes, L'Iconoclaste et L'Odyssée d'Homère, RMN), Stéphane Bientz (Le Goût du sel, Espaces 34) et Nicolas Jaillet (Frater, In8).
Avec la participation de Faustine Aynié-Yvinec et des élèves de 3eA du collège Valmy - Paris (75). Un grand merci à Eva Mouillaud, professeure.
Et la voix de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
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