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Critique de JIEMDE


JIEMDE
31 décembre 2021
Jérémy Fel, c'est un peu le Pierre Gasly de la littérature française : il roule depuis quelques années dans la cour des grands, mais tu sens qu'il en a encore sous la pédale et que son meilleur reste à venir. Et viendra. À coup sûr. À chacun de ses trois livres, il m'aura à la fois étonné – beaucoup - et agacé – un peu -, mais je sais qu'à son prochain, j'y retournerai !

Parce que comme souvent les Normands, le p'tit gars du Havre est plutôt du genre brillant et il le prouve encore dans Nous sommes les chasseurs : 710 pages particulièrement ambitieuses, à la construction chiadée comme dans ses deux précédents romans.

Fel, c'est d'abord une facilité à raconter des histoires, restituant et coordonnant toutes celles qui lui traversent l'esprit à longueur de journées ou de nuits. Ça bouillonne, ça foisonne et parfois, avouons-le, il me perd un peu au passage, notamment dans ses lâchages fantastiques. Pour me rattraper un peu plus loin.

Dans Nous sommes les chasseurs, il nous plonge dans une histoire impossible à raconter ici, tourbillon littéraire entre fantastique et réalité, machine à laver asphyxiante destinée à essorer son lecteur pour lui faire perdre ses repères et mieux jouer avec lui. Et ça fonctionne !

En dix – très – longs chapitres, il nous embarque dans une faille temporelle où ses personnages vont se croiser et se recroiser, traversant les époques, soumis aux forces du mal et de la peur : « Un équilibre s'était brisé, une brèche avait été ouverte, le monde était maintenant la proie d'entités malfaisantes ».

Vous l'aurez compris, âmes sensibles s'abstenir ! le monde de Fel est sombre, cruel et violent : ça blesse, ça tue, ça saigne, ça étripe, ça maltraite, ça torture. Mais ça aime aussi. Beaucoup. Damien, Gabriel, Ambre, Lucas, Thomas, Natasha, Mabel… Tous ses personnages sont bourreaux ou victimes, parfois bourreaux et victimes. Sauf Gregory.

Gregory, le double, l'absent, le jumeau défunt, dans le livre comme dans la vie. Jérémy Fel en joue et s'en amuse. Pour ne plus en souffrir ? Il le met en scène pour mieux se mettre en scène. Qui est Jérémy ? Qui est Grégory ? Et il y ajoute sa mère Dominique, dont chacune des apparitions est un moment de grâce dans ce déferlement de violence.

« Je pense que même les romanciers qui écrivent de la pure fiction comme moi, parlent d'eux, d'une façon ou d'une autre. D'ailleurs je ne suis pas loin de me dire que c'est par la fiction qu'on le fait de la façon la plus honnête, quand justement on n'en a pas trop conscience… ».

Alors on se laisse porter : le style est efficace et même parfois trop ; les repères habituels – loups, cinéma, famille – sont convoqués ; Natalie Wood, Heinrich Himmler, Les mémoires d'Hadrien traversent les chapitres sans que l'on s'en étonne ; et le château de Valdenaire intrigue un peu plus à chaque chapitre.

Il y a du Lelouch chez Jérémy Fel, dans cette façon de mettre en scène des personnages qui se croisent et se recroisent, dans ce tourbillon sans fin, laissant le lecteur spectateur d'une intrigue qu'il ne comprend pas toujours complètement, mais qu'il apprécie néanmoins.

Un dernier mot enfin, pour souligner la beauté du dernier chapitre, bienvenu, nécessaire atterrissage en douceur, qui nous abandonne sur une question : et si Natalie Wood n'était pas morte noyée au large de Catalina au siècle dernier ? Elle aurait dans ce cas et à coup sûr, tourné dans le prochain film de Jérémy Fel
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