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EAN : 9782864327516
310 pages
Verdier (06/02/2014)
4.76/5   19 notes
Résumé :
Rien ne destinait Franz Michael Felder (1839-1869) à laisser une trace de sa brève existence. Paysan pauvre d’une vallée perdue d’Autriche occidentale, il eut à vaincre mille obstacles, à commencer par les préjugés de son milieu, pour accéder à la littérature et à la poésie, objets précoces de son ambition. Auteur de romans, de poèmes, d’essais et d’une ample correspondance,
il laisse surtout un chef-d’œuvre, publié au lendemain de sa mort : son autobiographi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
On doit en grande partie la diffusion de ce livre hors d'Autriche à cette courte préface du prix Nobel Peter Handke, écrite à l'occasion d'une énième réédition de cette remarquable autobiographie d'un de ces oiseaux rares — que l'on aimerait voir plus nombreux, hélas… — plébiscités en Russie comme au Mexique, en leurs temps révolutionnaires : le poète-paysan.

Felder en est un remarquable exemple au XIXème siècle ; floraison spontanée dans un environnement dont rien ne prédisposait… rendu très jeune infirme d'un oeil par l'un de ces médecins buvant même leur désinfectant ( mais dont le statut de notable dans ces sociétés rurales protégeait alors de réelles confrontations, les diplômes enfonçant l'ignorance… ), perdant par la suite assez vite son père, grand travailleur et pilier de cette communauté, élevé par une mère aimante et toute dévouée, endossant alors les lourdes responsabilités d'une exploitation agricole…

Sa personnalité fait de ce livre un morceau d'universel ; forcément différent, attiré dès le plus jeune âge par les livres, Franz Michael n'a eu de cesse de tenter de se conformer, malgré un inévitable poste de franc-tireur, aux normes et valeurs de son entourage, ne voyant point de salut hors de ce cadre, malgré les nombreuses tentations d'en sortir.
C'est même parfois à son corps défendant, face à ces grenouilles de bénitier, derrière le lourd voile des commérages — toutes ces mesquineries que l'humanité ne sait éviter — qu'il se retrouve trop souvent pointé du doigt.

Son art littéraire, passé la naïve poésie de sa jeunesse — dont il n'a presque rien conservé — s'est étalé des vers jusqu'à l'étude de moeurs, alors qu'il écrivait presque tous les jours, toute forme ayant grâce à ses yeux.
Cette autobiographie, publié de manière posthume, est considérée comme son chef-d'oeuvre, seule à traverser notre frontière. Son intérêt évident, passant outre sa seule provenance sociale, a convaincu un éditeur aux aguets tel Verdier à nous le rendre disponible.

On ne saurait que trop le conseiller, à l'heure où la « différence » est élevée au rang de valeur cardinale…
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Ce devrait être un livre beaucoup plus connu. Dont chacun aurais du au moins avoir entendu parler. C'était sans doute la première fois dans l'histoire qu'un homme ordinaire, un homme du peuple, un simple paysan, prenait la plume pour raconter l'histoire de sa vie.

Franz Michael Felder a vécu une vie fort différente des nôtres. Il ignorait ce qu'était l'électricité, l'eau courante, le moteur thermique. Il mit longtemps avant de savoir qu'il vivait dans un pays, quelque chose de plus grand qu'une vallée, et que le sien s'appelait Autriche. Il n'aurait jamais pu imaginer quelque chose comme un ordinateur, mais il avait une fureur de lire si grande qu'il y sacrifiait le peu d'argent qu'il avait, et qu'il allait parfois jusqu'à mettre sa santé en péril pour l'assouvir. Il était encore enfant quand son père disparut ; il vit aussi mourir brutalement la première jeune fille qu'il ait aimé, et lui même trépassa à trente ans, peu après son épouse.

Et nous, nous vivons sans fatigue au milieu de ce qui lui aurait paru un luxe et une abondance extraordinaire ; et nous ne croisons la mort que de loin en loin, quand elle le suivait pas à pas.

Et pourtant. Et pourtant, à lire ses mots, je me suis senti plus proche de lui que de bien des gens. Car il y a une chose qui n'a guère changé : le mépris pour les « intellectuels ». le mépris de ceux qui parlent fort, boivent sec et marchent en troupe pour ces pauvres rats solitaires confits dans leurs livres. La méfiance envers celui qui, soudainement, exprime une idée qui sort du cadre local de pensée. le dédain pour qui n'a pas l'activité physique au sommet de son pinacle...

Un écrivain qui fut reconnu grand de son court vivant, et qui devrait l'être bien plus. Si vous le lisez, vous découvrirez à quel point le monde c'est complexifié, et combien l'homme ordinaire est resté grossier.
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Au milieu du 19e siècle, au fin fond de la campagne autrichienne, Franz Michael Felder découvre contre toute attente le plaisir de la lecture, de la poésie et de l'écriture. de nos jours, ce brave petit gars aurait été encouragé à développer ses penchants intellectuels mais, autres temps et autres moeurs obligent, Franz Michael Felder est né dans un contexte où quiconque manifeste des ambitions intellectuelles supérieures à celles de sa classe sociale est considéré comme un individu suspect. Il sera d'abord découragé dans son enfance par un prêtre selon qui l'étude « détourne l'âme de Dieu », plus tard par ses proches qui croient que cet engouement exprime le mépris pour la classe paysanne à laquelle il appartient.

Encore une fois, ce témoignage nous rappelle que la littérature n'est pas une activité sociale et si aujourd'hui, nous pouvons éventuellement nous en tirer grâce à la légitimité dont elle s'est parée, ce n'était pas le cas pour Franz Michael Felder. Toute sa jeunesse, il s'est torturé pour savoir qui, de sa personnalité sociable et terrestre ou de sa personnalité solitaire et imaginative, devait remporter le combat du bien et de la moralité.


« Il devait être possible de réconcilier malgré tout la lecture et la vie, la pensée et l'action. »


Comme l'exprime Jean-Yves Masson dans la postface, « sa condition sociale n'est pas celle d'un marginal. Au contraire, c'est sa volonté de se hausser au-dessus de cette condition qui le marginalise au sein même de la classe à laquelle il appartient ». Franz Michael Felder est-il un joyeux qui s'est laissé contaminer par l'étrangeté qu'il découvre dans le livre, ou est-il un authentique intellectuel qui se persuade de ne pas l'être parce qu'il a compris que le sel de la vie, c'est de partager des expériences de vie concrète avec les autres ?


On ne peut pas être insensible à l'histoire de cette lutte intérieure et à la confession sincère de cet homme. L'inconfort dans lequel l'a jeté la littérature aura finalement décuplé ses forces vitales. Il oeuvra ensuite toue sa vie contre les injustices sociales dont les paysans étaient alors victimes dans sa région. Mais la menace du prêtre ne disparaît jamais vraiment totalement, et le témoignage de ces « Scènes de vie » se justifie trop souvent, voire principalement, sur la trame exclusive de la moralité judéo-chrétienne.
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La quête de Franz
Avant de lire cette merveille de la littérature autrichienne, lisez la postface et la préface où Peter Handke et Jean-Yves Masson vous livrent quelques secrets du livre que vous avez entre les mains.
Dès les premières lignes, j'ai eu l'impression de livre quelque chose d'unique.
Franz Michael Felder est né en 1839, en Autriche, et est mort prématurément en 1869, n'arrivant même pas à ses trente ans. Mort d'épuisement.
Pas difficile à comprendre au fil de ses scènes de vie, qu'il nous livre avec fougue.
J'ai eu la sensation que Franz était près de moi, je le voyais, l'entendais, vivait comme lui dans cette fin du XIXe siècle.
J'avais en tête la voix de Jacques Brel chantant Rêver (La Quête)
« Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d'un possible fièvre
Partir où personne ne part

Telle est ma quête. »
Né dans la famille Felder, paysans durs à la tâche.
Deux ans plus tôt, son frère aîné Joseph, est mort à la naissance.
Il en sera de même pour son cadet.
Très tôt on décèlera une tache blanche dans son oeil droit. Problème qui sera aggravé par un charlatan qui interviendra et détruira son oeil gauche.
Dans leur maison, la solidarité joue, sa tante souffrante sera là pour veiller sur lui, pendant que les parents travaillent très dur.
C'est la tante qui avait entendu parler de ce soi-disant docteur miracle, elle est revenue aussi malade qu'avant et Franz plus amoché, elle en gardera une grande culpabilité.
Si la vie est rude, ses parents se distinguent des autres par une éducation bienveillante.
« Aujourd'hui encore, tous ceux dont la chemise s'orne de l'initiale F — tous les Felder, donc — passent en quelque sorte pour de drôles d'oiseaux, des originaux par naissance. »
Les garçons sont censés aller travailler dès leurs onze ans.
« Mais ils ne calculaient pas du tout, ou alors au seul profit de leur enfant unique. Ils firent de moi un fils à sa maman bien joufflu, et m'entourèrent simplement, peut-être, d'un peu trop de soins. »
La vie à la ferme consiste en travaux des champs, l'élevage des vaches qui sont amenaient en alpage, le lait est transformé en beurre et fromages. Seuls revenus commerciaux.
Franz est en enfant curieux de la vie et des autres. Il est et restera différent par sa façon de voir plus loin.
Les vieux du village ne lui paraissent pas séniles mais sources de mémoire. Il est attentif.
« Sitôt qu'il commençait à raconter, je ne voyais plus ni les fenêtres calfeutrées de papier, ni les vieux murs tout couverts d'étranges images pieuses ; l'horizon s'ouvrait, vaste et dégagé. »
1848 Franz a neuf ans et il attend l'almanach avec une réelle impatience, car il est avide de lecture, mais livres et journaux sont réservés au curé et au maire. Les paysans n'ont pas besoin d'en savoir trop.
Mais cette joie de la lecture à la chandelle où il peut échanger avec ses parents et leur montrer sa passion pour le savoir.
« Je passais à la maison les plus belles heures qui soient. Je parlais beaucoup de mes lectures avec mon père et Marraine. »
Mais en février son père meurt brutalement.
Chagrin d'enfant mais attitude d'une grande dignité, inspirée de celle de son père exemplaire, que tous estimaient pour ses qualités et la justesse de son attitude en famille comme dans la vie du village.
Il continue à aller à l'école et à soulager sa mère de certains travaux.
C'est là que sa détermination à ne pas trahir cette vie de paysan, s'est ancrée.
Mais sa soif de connaissances est toujours là, à quatorze ans il termine sa scolarité, Certificat et Prix d'excellence en poche.
Cette soif inextinguible fait jaser, on le culpabilise en lui disant que ses aspirations seraient offensantes vis-à-vis de sa mère qui s'est sacrifiée pour tenir la ferme et lui transmettre.
Il économise en travaillant encore plus pour pouvoir s'abonner à un journal. C'est un évènement majeur, il est le seul à être abonné au village.
De l'enfant à l'homme, ces scènes de vie nous montrent combien il s'est consumé, entre sa loyauté pour le monde s'où il est issu et le monde de la culture qui l'aspire.
Il rogne sur son temps de sommeil.
C'est troublant voire envoûtant, ces scènes dans leur précision, dans chaque détail, chaque paysage, il y a une âme, un souffle, de la beauté.
L'écriture est magnifique et la traduction aussi, l'imparfait du subjonctif y souffle avec force.
Franz oscille constamment entre son devoir et ses aspirations, ayant sans cesse cette crainte de n'être qu'un propre-à-rien.
Mais il a une conscience aigüe de son époque, c'est un homme éclairé.
« Comment les choses pourraient-elles s'améliorer, si chacun courbait l'échine devant les traditions.
C'était un défaut, d'avoir des connaissances et d'user de son libre-arbitre. »
Il rencontrera son âme soeur, et c'est pour elle qu'il rédigea ce livre, un an seulement avant sa mort.
Pour sa Nanni, celle qui « ennoblissait tout ce qu'elle approchait ».
Une vie très courte mais d'une richesse exceptionnelle.
Quelle chance d'avoir eu accès à ce chef d'oeuvre.
Une lecture aussi intense par le contenu que par l'écriture.
Un livre vraiment rare, et d'une grande actualité, il y a de l'intemporel et une application au monde paysan quel que soit le pays.
A lire et à conserver précieusement, car il restera en nous un peu de Franz.
©Chantal Lafon

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Dans Scènes de ma vie, classique de la littérature autrichienne, Franz Michael Felder raconte son enfance paysanne dans un petit village encaissé des Alpes autrichiennes, de sa naissance en 1839 jusqu'à son mariage en 1861. Dans un style poétique et précis, il évoque ses premiers émerveillements face à la magie des histoires qui lui ouvrent des mondes insoupçonnés et lui permettent de s'évader de son univers clos, physiquement par les montagnes et mentalement par le poids des traditions et de la religion. Il décrit avec justesse sa passion grandissante pour toute forme d'écrit, gazettes, almanachs, livres, achetés au prix de grands sacrifices, ses conflits intérieurs et ses efforts pour s'adapter à une communauté où la place de chacun est défini par sa naissance. Malgré quelques longueurs, on est séduit par l'honnêteté intellectuelle de l'auteur qui nous livre ici un récit d'apprentissage d'une grande profondeur humaine.
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critiques presse (1)
Liberation
17 février 2014
Scènes de ma vie est un livre «inouï», selon Peter Handke qui précise dans sa préface à propos de l’auteur, l’Autrichien Franz Michael Felder, né en 1839 et mort avant d’avoir 30 ans : «Il écrit comme on fait la cour : il courtise une chose (un paysage), une altérité (un être humain), et même, en fin de compte, lui-même.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
La lecture n'est formatrice qu'aussi longtemps qu'un écrivain est un homme de bonne volonté, je dirais presque : qu'il écrit avec son sang. Mais s'il ne fait que suivre le goût et les caprices de son époque, en un mot s'il se laisse façonner par son lecteur, à qui l'on en devra ne montrer que sa propre image - entourée d'une auréole -, alors la lecture n'est pas formatrice, bien au contraire.
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Mon humeur il est vrai changeait aussi au gré du temps. Les beaux jours - il y en eut peu cet été-là -, je me portais bien, je me sentais libre et léger. Je menais paître mes bêtes en chantonnant sur les plus hautes montagnes, je leur laissais plutôt libre cours, je rivalisais d'ardeur avec elles pour gravir les pentes. Je demeurais assis de longues heures sur les rochers que domine, pointe grise et fière dans le bleu du ciel, la Künzelspitze, et je me délectais de la forme si changeante des têtes de pierre scintillantes. J'embrassais du regard, réjoui, les profondeurs toutes entières du Bregenzerwald, et j'adressais un salut à ces habitants que le paysage montueux dissimulait dans ses recoins ; alors les hommes me redevenaient plus proches, je liais avec tous en pensée un agréable commerce, et l'ombre du soir montait des vallons plus tôt que je ne l'eusse souhaité. Mais ces journées-là, je l'ai dit, étaient fort rares, et il était beau qu'une seule d'entre elles sût me faire oublier une douzaine de maussades. (page 164)
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Marraine avait le don singulier de saisir l'essence même des gens et de la restituer en quelques traits. Pendant les longues journées d'été qu'il lui fallait passer à la maison, seule ou avec moi, elle avait tout le le loisir de réfléchir au destin, en apparence plus heureux que le sien, de ses anciennes camarades d'école et même de toutes ses connaissances. Elle disait aussi souvent qu'elle puisait sa consolation dans la contemplation des rapports humains et dans la découverte que chacun avait son fardeau à porter ou s'en appesantissait tout seul. Elle apprenait alors à endurer patiemment ses souffrances, quoiqu'il fût plus difficile de tirer bénéfice de ses propres déboires que du spectacle des calamités dont Dieu affligeait les autres. C'était pour moi un plaisir et un bienfait, que d'entendre ma petite tante aimante et clairvoyante m'expliquer les sentiments et les rapports humains.(pages 29-30)
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Si le destin semble parfois s’acharner sur l’homme, ce n’est que pour qu’il se défasse un peu du fardeau qui l’oppressait et se dirige d’un pas d’autant plus rapide et assuré vers un but qui soit digne de lui.
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A quoi me servait d’être un lettré ? C’était un fardeau, non seulement pour les autres, mais pour moi-même, et pourtant c’est tout ce que je possédais.
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