Julian Fellowes met ses origines aristocratiques au service de romans dans lesquels il pourfend avec humour les codes, manies, traditions, de ses pairs. Comme dans Passé imparfait, il donne la parole, dans Snobs, à un narrateur sans-nom, de noble extraction, mais qui a dévié de sa trajectoire bien-née en devenant acteur. Le narrateur sert de passerelle entre les deux mondes, celui de l'aristocratie dont il est issu, et celui de la roture, dans lequel il vit.
Parmi ses amis, le Comte Charles Broughton, timide, gentil mais surtout célibataire, est un parti convoité par bon nombre de mères, qui le verraient bien épouser l'une de leurs filles, n'importe laquelle, c'est juste pour le titre. C'est Edith Lavery qui remporte la mise. Jeune femme bourgeoise et arriviste mais sans grand avenir, elle utilise ses qualités naturelles, beauté, aisance, jeunesse, pour séduire puis épouser Charles. Mais c'est bien connu, les princes charmants n'existent pas, et l'ambition sociale ne remplace pas l'amour. Rapidement, la vie de comtesse l'ennuie. Coincée entre ses bonnes oeuvres, la paroisse, le derby d'Epsom, les repas pétris d'hypocrisie et de bienséance, Edith étouffe et ne trouve pas de compensation au lit, puisque Charles est un amant incompétent.
Aussi, lorsque Simon Russell entre dans la vie d'Edith…
Julian Fellowes possède une plume agréable, leste, et sait décrire dans leurs moindres détails, avec un humour pince-sans-rire, les travers d'une caste qui s'accroche avec l'énergie du désespoir à ses privilèges, perpétue un mode de vie passéiste, et organise sa propre extinction à force d'immobilisme et d'auto-satisfaction. Il s'agit d'un roman léger et distrayant, qui se lit avec plaisir. Malgré ces qualités, j'ai éprouvé quelques difficultés à m'intéresser aux destins de personnages anachroniques, même dans les années 90, décennie dans laquelle s'inscrit l'intrigue. Enfin, sous couvert de satire, je me demande si Snobs n'entretient pas une sorte de nostalgie, de rétro-utopisme, pour un monde conformiste et socialement dominant, même si avec talent, Julian Fellowes rend les nouveaux riches qui singent vulgairement les aristocrates, encore plus antipathiques que leurs modèles.
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