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Alain Sarrabayrouse (Traducteur)
EAN : 9782851841810
274 pages
Gérard Lebovici (13/11/1987)
4.32/5   11 notes
Résumé :
Beppe Fenoglio, che cosa è questo ? Une marque de fringue italienne, un fromage transalpin, une recette ultramontaine ? Que nenni, Beppe Fenoglio est un écrivain italien. Bien davantage : c’est une étoile filante géniale de la littérature al dente.

Autant vous le dire tout de suite, La guerre dans les collines (Il partigiano Johnny dans la langue de Dante) publié en 73 par les éditions Gallimard est épuisé, ratissé, vidé, out of stage. Bref, vous ne l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Vingt-trois jours et quatorze nouvelles.

Quatorze nouvelles avec les mêmes points communs: la ville d'Albe, la région des Langhe, et la guerre sur les collines - la guerre des partisans, badogliani et garibaldini, les bleus et les rouges, unis dans le même effort désespéré: bouter hors de leurs villages et de leurs (petites) montagnes les « repubblicani », ces fascistes qui leur ont repris, après 23 jours seulement d'occupation triomphale, la ville d'Albe et qui les traquent de colline en colline, sans répit, quand ce ne sont pas les Allemands qui les déciment en expédition punitive…

Beppe Fenoglio est un partisan, mais il parle de sa guérilla avec une lucidité âpre et critique, une ironie désenchantée, un humanisme amer qui n'a rien de ...partisan, justement.

Quatorze nouvelles, quatorze tranches de vie terribles, quatorze éclairages - intimes, cruels- sur la condition humaine, sur l'homo bellator, l'homme en guerre. Avec ses fiertés et ses peurs, ses remords et ses regrets, sa solitude profonde et sa quête naïve de fraternité, ses pulsions de mort et son instinct de vie.

Ce sont ces jeunes partisans de quinze ans qui se réveillent en fanfare et partent pour une expédition dangereuse comme on va à la fête, pleins d'insouciance avec tant de hâte qu'ils prennent les raccourcis pour aller plus vite à la catastrophe.

C'est le vieux Blister, un peu filou, un peu voleur, si sûr qu'on ne peut se passer ni de sa gouaille, ni de son expérience qu'il ne doute pas un instant de la mansuétude de ses vieux copains bien décidés à juger sévèrement sa conduite...

C'est un tout jeune étudiant pas très sûr de sa vocation tardive de guerillero qui s'est choisi un nom de guerre magnifique mais sans lendemain..

C'est un jeune prisonnier qui attend son exécution auprès d'un vieux briscard plus aguerri qui fait, à toutes brides, son éducation : celle, implacable, de la solitude et de l'indifférence du monde.

C'est ce jeune « garibaldino » , caché des Allemands qui raflent méthodiquement les bois et les collines pour tuer les derniers partisans, qui s'enferme dans un caveau sans savoir si c'est la bonne cachette ou un piège effroyable.

Ce sont aussi des silhouettes moins engagées : un usurier, un amoureux trahi, un apprenti maffieux, une mère ulcérée, une fille d'une autre époque, un candidat au suicide qui ne se réadaptent pas à la vie nouvelle, après la période sans foi ni loi de la guerre, et traînent leur nostalgie, leur désespoir, leurs remords…ou leur pistolet sans emploi…

Mais ce qui fait l'unité du recueil, plus encore que les thèmes ou la tonalité critique, c'est l'étonnante alacrité du style : non-conformiste, vif, pudique, elliptique. Incroyablement moderne.

Jamais Fenoglio ne s'abandonne à de longues introspections : il s'en tient toujours aux gestes, aux détails matériels, au factuel…et pourtant tout est dit, l'émotion est atteinte, le nerf est touché. On sourit parfois, on rit rarement mais c'est l'empathie surtout qui nous étreint le coeur, même pour les plus sombres crapules –Ettore va au travail ou Vieux Blister sont à ce titre deux nouvelles particulièrement bouleversantes.

De Beppe Fenoglio, j'avais déjà lu , il y a bien longtemps , La guerre sur les collines, que j'avais trouvé extraordinaire, rompant complètement avec les codes du « récit de guerre ». Les vingt-trois jours de la ville d'Albe est un recueil tout aussi étonnant et attachant.

Un romancier original ne fait pas forcément un bon nouvelliste – et l'inverse est également vrai : Maupassant est, pour moi du moins, un assez piètre romancier, mais ses nouvelles sont ciselées, vivantes, légères- parfaites. Fenoglio réussit la double performance d'être excellent et original dans ces deux formes, si différentes !

Plus encore : pour moi, après cette lecture, je mets Fenoglio dans le panthéon des nouvellistes de choc, avec Maupassant, bien sûr, mais aussi Kazakov, Cortàzar, Buzzati et Carson Mc Cullers. Excusez du peu !

Cet écrivain rare dont Calvino disait qu'il était l'auteur « le plus solitaire » de sa génération, romancier d'un style nouveau et nouvelliste plein de verve romanesque, vaut absolument d'être découvert- ou relu.

Je viens d'ailleurs de me racheter La guerre sur les collines – autrefois emprunté et rendu à un ami d'Albe qui y tenait comme à la prunelle de ses yeux : relire Fenoglio est presque encore plus délicieux que le découvrir, c'est un plaisir anticipé, on le savoure deux fois !

Comme Pavese, lui aussi originaire des Langhe et qui a si mal supporté d'en être séparé, Fenoglio fait revivre dans ces nouvelles et dans son roman ces petites collines surmontées d'églises ou de châteaux de brique, couvertes de bois et de vignes, le paradis des chasseurs et des maquisards…

Si cette critique ô combien …partisane, avait le mérite de vous donner l'envie de lire tout ce qu'on peut encore trouver de Fenoglio, je serais la plus heureuse des chroniqueuses !

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Aucun écrivain n'avait fourni sur la Resistenza des faits et des traits aussi impitoyables et cruels, ni ne l'avait jamais représentée dans sa plus dure réalité humaine et historique, l'interprétant comme une révolte de quelques uns destinés par la suite à la désadaptation civile.

Fenoglio cherche à pénétrer au plus profond d'une condition humaine douloureuse et s'attache aux détails par souci de vérité.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Un autre mur
" Moi aussi j'avais des amis et des camarades sur les collines mais, en huit jours, ils n'ont rien fait. Peut-être qu'ils pensent à nous mais, tu sais, comme les gens bien portants pensent aux tuberculeux. D'ailleurs , je me souviens que moi aussi j'étais comme ça , quand j'étais libre et que j'entendais dire que la repubblica avait pris un partisan; j'y pensais un moment, puis la vie continuait et je ne faisais rien. C'est comme ça, on s'en fait pas tant que ça arrive aux autres. Mais cette fois, c'est à nous que c'est arrivé. Et sais-tu ce que je vais encore te dire? Je parie que les nôtres , en parlant de nous, disent que nous avons été des idiots de nous faire prendre."
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L'eau verte
Restant à genoux et faisant glisser vers l'avant une jambe, puis l'autre, il alla dans l'eau et y introduisit un doigt. Elle était chaude, plus loin elle le serait moins, mais pas de beaucoup. Il y avait avec lui, sur la rive, six ou sept mouches étranges dont le dos lançait des éclairs bleus, elles escaladaient les pierres et les détritus, elles se promenaient sur le sable et semblaient ne pas avoir peur de lui. Il agita une main et les mouches se retirèrent, mais pas très loin.
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Vieux Blister. P. 115

Set repartit d'un mouvement violent et, poussant Blister en avant, il dit d'une voix rauque:" Moi, si j'étais toi, je laisserais Dieu en dehors de tout ça."
Blister allongea le visage comme s'il avait un soupçon, mais ensuite il se remit à sourire et, regardant Set du coin de l’œil: "Tout ce que vous faites, c'est du cinéma, dit-il, et jusque-là vous l'avez bien fait, mais vous devriez déjà en avoir un peu marre,"
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"Ettore va al lavoro "
Je ne me retrouve pas dans cette vie, tu le comprends mais tu n'y es pas. Je ne me retrouve pas dans cette vie parce que j'ai fait la guerre. Rappelez-vous toujours que j'ai fait la guerre, et la guerre m'a changé, elle m'a cassé l'habitude de cette vie.
Et maintenant je reste tout le jour à ne rien faire parce que cherche à retrouver l'habitude, j'en suis tout concentré;
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incipit
Alba la presero in duemila il 10 ottobre e la persero in duecento il 2 novembre dell'anno 1944.
Alba, ils la prirent à deux mille le 10 octobre et ils la perdirent à deux cents le 2 novembre de l'an 1944.
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Video de Beppe Fenoglio (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Beppe Fenoglio
Il se passe quelque chose entre la philosophie et le design. D'un côté, Antoine Fenoglio, de l'agence Les Sismo, en quête de réflexion sur le sens de sa profession. de l'autre, Cynthia Fleury, psychanalyste et philosophe, professeure au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), créatrice d'une chaire de philosophie à l'hôpital et auteure du Soin est un humanisme, dans la collection « Tracts », chez Gallimard. Ensemble, ils viennent de lancer un séminaire commun au Cnam. Que signifie, aujourd'hui, se soucier de la vulnérabilité de la vie ? Comment la philosophie du soin peut-elle renouveler la pensée sur l'environnement, le numérique, voire l'économie ? Comment modifier les pratiques dans le système hospitalier, mais aussi dans le monde des objets et des services ? Antoine Fenoglio et Cynthia Fleury feront le point sur leur passionnante démarche et expliqueront leurs projets.
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