Alors tu surgissais…
Alors tu surgissais
les bras levés en arc
dans de grands rugissements
L’assaut était terrible
mêlait rires et cris
Nous avions l’avantage
du nombre
Mais tu restais debout
solide comme un chêne
un enfant suspendu à chacun
de tes poings
ÉLISA
Man’za
avait toujours été vieille
C’est ce que je croyais
Pourtant
face à son lit
cette photo jaunie
un jeune homme
aux yeux clairs
en tenue militaire
Man’za
avait été belle
Elle avait reçu les baisers
les avait donnés aussi
Aujourd’hui …
Aujourd’hui
qu’ils reviennent
sortent de leur tiroir
pirouette souris verte
Je les écoute doucement
traversés des chansons
que les enfants chantent
lorsqu’ils sont heureux.
MAN’ZA
Man’za avait
toujours été vieille
sa main droite appuyée
sur ses reins courbés
Parfois nous grimpions
sur ses maigres genoux
Son tablier de tergal
crissait sous les ongles
Nous passions
des heures entières
à feuilleter
des catalogues
Nous aimions
le papier glacé
son odeur vernis frais
admirions
les dents parfaites
des mannequins
Man’za n’en avait plus
depuis longtemps
Dans tes yeux…
Dans tes yeux
les terrils
ce n’étaient pas
ces déchets
montés du fond
ces débris en collines
plus tristes que le ciel
C’étaient
des seins d’ébène
de la poudre de volcan
soufflée d’un sablier brisé
Partage de poèmes de " Les chevaux de Tarkovski", Pia Tafdrup, éditions Unes, par Estelle Fenzy.