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De moments douloureux aux bonheurs les plus simples sur fond de recettes de cuisine toutes plus délicieuses les unes que les autres, le pays aux longs nuages, de Christine Féret-Fleury, m'a emporté de Syrie en Italie.
Acia et Kamar s'expriment chacune à leur tour, à un rythme régulier. Si la première est un peu paumée, parle italien mais rêve en français, l'autre vit de terribles journées après avoir connu les horreurs de la guerre que les hommes s'ingénient à créer ou à entretenir.
Kamar n'est pas seule. Elle est avec sa fille, Hana, qu'elle protège avec le plus grand soin. Toutes les deux, elles ont fui un pays bouleversé par les bombes, les snipers qui sèment la mort. Assâad, le mari de Kamar, parti chercher de l'eau, n'est jamais revenu.
Maintenant, à Izmir, en Turquie, Kamar et Hana cherchent à fuir pour gagner l'Europe de l'Ouest. Elles qui n'ont jamais vu la mer, sont effrayées, ont peur qu'elle les avale.
De son côté, Acia se trouve à Naples où le restaurant qui l'employait, a fermé. Elle qui rêvait de s'exprimer en cuisine, ne le pouvait pas à cause du patron, Fabrizio, un macho de première catégorie. À 37 ans, elle se retrouve au chômage depuis trois semaines. Alors, elle décide de partir à l'aventure avec sa Fiat, accompagnée d'un Chat qui a imposé sa présence.
À Izmir, Kamar et Hana vivent ce que des milliers de réfugiés ont vécu ou vivent encore : les passeurs qu'il faut payer grassement, un bateau peu sûr où elles sont entassées avec d'autres hommes, des femmes et des enfants.
Hélas, l'aventure n'est pas un succès car un garde-côte les intercepte et les voilà enfermées dans un camp. Une cuillère en bois sculptée par sa grand-mère est l'objet le plus précieux qu'elle préserve jalousement. Pour survivre, elle a son amour pour sa fille, pour Assâad et les recettes de cuisine de cette même grand-mère qu'elle se répète inlassablement.
Je ne peux dévoiler la suite mais simplement dire que le roman de Christine Féret-Fleury est plein d'une sensibilité à fleur de peau. C'est aussi un bel hommage aux femmes qui font preuve d'un courage extraordinaire tout en accomplissant les actes les plus simples.
L'alternance entre Kamar et Acia m'a attaché au sort de ces deux femmes qui… Leurs confidences, leur récit, leurs souvenirs sont complétés par une certaine Nebbe. Elle vit sur fauteuil roulant, à Palazzo, près d'Assise. Son osteria se trouve dans un état lamentable. Vivant seule, elle a rangé quantité de souvenirs dans une chambre, à l'étage.
Avec un sens du suspense bien maîtrisé, par petites touches révélatrices, Christine Féret-Fleury me conduit peu à peu vers un dénouement que j'espère positif et toujours avec quantité de recettes de cuisine italienne et orientale qui m'ont bien mis l'eau à la bouche. Qu'est-ce que j'aurais aimé déguster cette salsiccia, saucisse sèche, spécialité des Pouilles ! Il y a aussi les carciofi alla giuda (artichauts à la juive) qui doivent être servis dès qu'ils sortent de la friture ou encore le mutabel shawandar (purée de betteraves syrienne) qui rappelle à Kamar ses journées d'anniversaire ou ses pique-niques d'étudiante…
Quant au vin, le trebbiano d'Abruzzo, bien frais, serait le bienvenu en ces temps de canicule. Dans le pays aux longs nuages, il y a bien d'autres recettes mais aussi quantité de souvenirs souvent malheureux que Kamar et Acia font remonter à la surface.
Grâce à Babelio et aux éditions La Belle étoile que je remercie, j'ai pu découvrir un roman très actuel aux péripéties souvent décrites dans l'actualité mais avec des surprises et une tendresse parfaitement écrites. Bref, comme les vieux de Palazzo, je me suis régalé !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Je ne vais pas m'étendre sur ce roman plus que de raison, je suis passée à côté. Une histoire polyphonique où s'entremêle le destin de trois femmes : Kamar migrante qui fuit la Syrie, Acia fraîchement sans emploi et Nebbe à son fourneau.

L'histoire certainement a de quoi séduire mais je suis restée hermétique tant au fond qu'à la forme que j'ai trouvée anormalement mielleuse et poétique malgré la gravité des thèmes abordés. Je ne suis pas parvenue à m'attacher à aucun des personnages. Ce fut pour moi, trop enrobé, trop rempli de phrases un peu bateau (bateau pour moi, sûrement magnifiques pour d'autres).

« Les petites joies ne font pas de bruit, elles ne s'annoncent pas à grand fracas de cuivres comme les réussite éclatantes, mais elles sont là, blotties dans les interstices, entre deux échecs, une rupture et un licenciement, une humiliation et une gifle, au revers de la vie, en quelque sorte. Si discrètes qu'il faut les débusquer, les prendre contre soi, les protéger du vent. Si fugaces qu'elles nous laissent dans la mémoire qu'une ombre de douceur. Mais c'est avec ces douceurs-là qu'on réussit à survivre. »

Que ce passage vous inspire ou vous séduise. Certains rendez-vous littéraires se ratent, il ne faut pas se formaliser ni se fier à un avis mitigé. Car tout est question de sensibilité, de timing, d'humeur.

Merci à Babelio et aux éditions La belle étoile de m'avoir adressé ce livre dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
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Un grand merci à Babelio , à l'auteure , Christine Féret- Fleury et aux éditions " la belle étoile " pour l'envoi de ce livre qui, recu dans le cadre d'une masse critique privilégiée ....Bon , stop ! Pas de " bla - bla " ,y'a pas MMA mais .... Débuté dés le passage du courrier , j'avais terminé cette lecture AVANT le passage du courrier du lendemain ..c'est dire . Me débarrasser pour écrire ma critique et passer à autre chose ? Mais ça va pas ? Non . Bien que " plongé " dans une période plutôt moyenne au niveau de la lecture , ce livre a su me séduire au point de ....Ah , ça faisait longtemps .....Ben oui , amies et amis , j'ai aimé. Adoré ? Peut être pas , mais , vraiment , il n'est pas mal ce bouquin . Il y a Acia , une femme qui , obligée de quitter son emploi , trouve un livre de cuisine sur un banc et ...un chat , plus loin .
. Oui , un chat dont on va entendre parler , croyez - moi .Ça, c'est en Italie mais ça aurait pu être ailleurs .... Bon , ensuite , il y a Kamar et sa fille Hanna : Syrie , Bachar , péril , fuite "grâce " à de " généreux " passeurs ( ordures ....mais j'assume , vous aussi bientôt ) vers l'Europe salvatrice .Deux récits parallèles. Pas larmoyants , non , dignes ....Et puis , Nebbe ...Alors là , difficile à définir, hein , Nebbe . Tantôt vachement désagréable, tantôt vachement sympa mais , dans sa cuisine , c'est l'odeur du bonheur qui va s'installer ....Des histoires , des drames, et trois femmes réunies par une passion sous le regard de la petite Hanna , frappée l'aphasie jusqu'à....Compliqué ? Raconté par moi , pas de problème, c'est pas terrible , je reconnais et j'assume ....Mais raconté par Christine Féret-Fleury , c'est beaucoup , beaucoup mieux : touchant , émouvant , sans pathos et la fin , sans vous laisser sur votre faim ( ça fait longtemps que je la cherchais , celle - là ) , laissera travailler votre " moi intérieur " .Beaucoup de femmes dans cette histoire .Trop ? Ben non , voyons . le contexte l'exige . Et puis, l'un des ( rares ) hommes cités disparaît avec....la caisse du magasin . Livre pour " filles " ? ( j'ai du mal à accepter de vieillir ) , non . Une sorte de " beau , très beau conte " qui vous retient dans ses filets , pour moi , une belle découverte, facile à lire , plus profonde qu'elle n'en a l'air.....Je me suis laissé porter et j'ai dérivé vers ....un monde que l'on dit disparu ... Ou en voie de disparition ..
On peut voir ce que l'on veut , ce que l'on regrette , ce que l'on espère. Présent, passé, futur constituent une trame multicolore qui fait ...le sel de la vie.
J'ai beaucoup aimé. Que dire d'autre ? Mon avis ne représente que moi mais je pense que ce livre pourrait " embarquer " nombre de mes amies et amis babeliotes. Quels beaux portraits de ....femmes . " Femmes, je vous aime " chante Julien Clerc .Celles de ce roman , sans aucun doute ,vous allez vous lier à elles , les aimer , elles sont ...sublimes ( pas faciles non plus , hein , faut pas exagérer ) et , forcément on les aime ...pardon ...on les adore , vraiment .
Encore merci à tous pour cette belle découverte et ...ce bon moment de lecture et d'évasion.
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Le pays aux longs nuages, c'est l'Italie, plus précisément l'Ombrie : « ce pays où les nuages ressemblent à de lents vaisseaux, peu pressés d'arriver au port. », et en Ombrie, le village de Palazzo, non loin d'Assise, Assise où un certain François parlait aux oiseaux, ceux-là même que l'on retrouve sur les assiettes de l'osteria, du village. C'est là que vont se trouver réunies trois femmes venues d'horizons bien différents., par le hasard, ou par le destin, ou plutôt par un chat, le Chat « Un chat des bas quartiers, qui en a vu des vertes et des pas mûres, qui trône sur la pierre lézardée comme si celle-ci avait été le socle d'une statue antique ».

L'ancienne, c'est Nebbe, la patronne de l'osteria. Elle est en fauteuil roulant. Blessée au bras, elle ne peut plus cuisiner et l'auberge se délabre. Je l'ai tout de suite imaginée, cette vieille femme, sèche, un peu rabougrie, au fond de son fauteuil, mordant plus souvent qu'à son tour, pour cacher sa bonté. C'est sans conteste celle que j'ai préférée.
Celle qui arrive ensuite, c'est Acia. Plus de travail, elle ne sait où aller. C'est elle que le chat adopte en premier, pour la mener à ce mystérieux cahier de recettes, qui la conduira à Palazzo, dans l'osteria de Nebbe.
La dernière, Kamar, n'est pas seule. Elle est accompagnée de Hana, sa fille qui ne parle plus, pas par timidité, mais parce que les mots ne veulent plus sortir, après trop de malheurs. Elles sont syriennes, ont connu la guerre, la mort, l'exil, les passeurs, la traversée de la mer dans une embarcation de fortune, un camp de réfugiés, qu'elles ont pu fuir par miracle.

Il y a beaucoup de hasards dans ce livre, ou devrait-on dire à l'égal de Paul Éluard, des rendez-vous. Ces trois femmes vont ensemble redonner vie à l'osteria et se redonner de l'espoir. Elles y avaient rendez-vous, il faut croire.
Elles sont toutes les trois cuisinières, chacune nous livre quelques-unes de leurs recettes fétiches, qu'elles vont réaliser pour les vieux de Palazzo. J'aurais aimé être petite souris pour gouter à ce repas, quoique petite souris avec ce chat qui trône, ce n'est peut-être pas une bonne idée.
Cuisiner, c'est se souvenir des recettes apprises, c'est réveiller en soi l'enfant qu'on a été et qui léchait les plats, c'est retrouver l'héritage de sa famille et de ceux qui nous ont croisé, avec qui on a partagé des repas. Cuisiner, c'est donner de l'amour.
Un immense merci à Babelio et aux éditions La Belle Étoile pour ce beau cadeau reçu lors d'une masse critique privilégiée.
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Deux jeunes femmes, l'une syrienne qui fuit la guerre avec sa fille de 9 ans désespérément mutique, l'autre en errance en Italie après avoir perdu son emploi dans une osteria à cause d'un patron indélicat. Un chat obstiné, un livre de recettes écrit par de multiples cuisinier(e)s, une cocotte, une cuillère en bois sculpté, une Fiat hors d'âge qui va nous emmener jusqu'en Ombrie, au pays de Saint François d'Assise, celui qui parlait aux animaux. Voici quelques-uns des ingrédients de ce roman où les saveurs orientales vont croiser les petits artichauts italiens, où les herbes aromatiques méditerranéennes vont emporter nos sens et accompagner les voyages bien différents d'Acia l'italienne et de Kamar la syrienne.

C'est avec Kamar que commence la longue route qui va nous mener d'Alep à Izmir, puis en Italie. Une route jalonnée de terreur, terreur sous les bombes qui lui ont pris son mari tant aimé, terreur dans ce frêle canot gonflable censé les amener en Grèce, mais qui n'y parviendra jamais, terreur des garde-côtes, sauveurs ou ennemis ? Puis terreur des camps où il ne faut jamais se déplacer seule, tant de prédateurs y rôdent...
Pendant ce temps, Acia poursuit elle aussi son chemin, elle qui voudrait tant se fixer quelque part et exercer ses talents de cuisinière paisiblement. Mais hélas, la vie n'a pas été tendre avec elle non plus, même si son histoire n'est de loin pas aussi tragique que celle de Kamar. le livre de recettes abandonné sur un banc qu'elle a récupéré a décidé de son itinéraire : elle ira à Palazzo, retrouver le dernier contributeur de ce mystérieux ouvrage. Et le Chat a décidé de l'accompagner, et on ne contredit pas un chat, toute personne partageant sa vie avec un de ces êtres le sait bien.

Je ne vous dévoilerai pas le reste de l'histoire, sachez juste qu'une troisième femme, surnommée Nebbe, et pas franchement amicale de prime abord, va jouer un rôle primordial dans la destinée de nos héroïnes. D'hommes il ne sera pas souvent question, mais l'Italie réserve parfois de belles rencontres !

L'écriture est primordiale dans ce roman, elle fait appel à tous nos sens et nous immerge complètement dans le vécu d'Acia et de Kamar. Je suis très sensible à cette poésie dans les évocations culinaires, certains d'entre vous l'ont peut-être déjà remarqué dans de précédentes critiques. Et ici, c'est bien souvent des souvenirs de recettes concoctées avec amour en famille qui fait "tenir" dans les moments difficiles. Il n'y a qu'à voir ce que chacune de ces femmes va emporter dans son périple : pour Kamar, une cuillère en bois sculptée héritée d'une lointaine ancêtre et donnée par sa tante. Pour Acia la cocotte en fonte de sa grand-mère qui l'a accompagnée dans toutes les épreuves. Hautement symbolique !
Les chapitres sont courts, donnant la parole à Kamar et Acia tour à tour. le rythme est soutenu, pas de temps mort. Pas de larmoiement non plus, même dans les épreuves les plus tragiques, Kamar n'a qu'une idée en tête : sauver sa fille Hana à tout prix, pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Acia connaît des moments de découragement, mais elle aussi avance sur la route comme dans sa vie, opiniâtrement.

Je n'ai pas réussi à m'attacher complètement à ces femmes, il m'a manqué un petit zeste de quelque chose, peut-être parce qu'elles sont tellement isolées des autres pendant une bonne partie du récit, sans interaction autre qu'avec Hana pour Kamar, avec le chat pour Acia. Ce qui explique l'étoile manquante, pour ce livre qui aurait pu être plus approfondi, plus marquant, comme par exemple "L'apiculteur d'Alep" l'avait été pour moi.

Une belle découverte cependant, dont je remercie Babelio et La Belle Etoile.
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Un roman choral à trois voix, trois femmes, trois portraits émouvants, Acia, Kamar et Nebbe.
Ils sont nombreux entassés dans la fourgonnette, dont Kamar et sa fille Hana. Ils fuient leur pays ravagé par les bombes. Les passeurs n'ont aucune pitié. La traversée dans un canot, la peur de se faire arrêter par les gardes-côtes.
À Naples, le patron du restaurant où travaille Acia est parti avec la caisse, à 37 ans elle se retrouve sans emploi, sans domicile fixe avec pour seul bien une vieille Fiat et pour seul compagnon d'infortune un chat rencontré par hasard.
Nebbe, dans son fauteuil roulant est une vieille restauratrice. Un vrai cactus, ses épines sont longues, mais en dessous c'est doux et sucré.

Un récit magnifique porté par une écriture très douce et belle malgré l'évocation de sujets difficiles. La guerre en Syrie, les tortures, les viols, l'exil. le camp de réfugiés, les bâches en plastique pour abri, la boue, la puanteur. La douleur de la perte d'un enfant né non viable et dont les cendres ont été mélangées aux déchets de l'hôpital. Une fille dont la mère est sans nouvelles depuis trop longtemps. Un roman sur la destinée où un livre abandonné sur un banc, un simple recueil de recettes va changer le cours de la vie de ces trois femmes écorchées. Ces moments où le simple fait de préparer un repas panse les blessures, apaise la tristesse, sont tout simplement sublimes tant l'auteure sait parfaitement décrire les ingrédients, les couleurs, les odeurs mais aussi les états d'âme. Une bien jolie histoire très bien écrite.
Merci infiniment aux éditions la belle étoile et à Babelio pour leur confiance.
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Les recettes de plusieurs vies

Dans son nouveau roman plein de saveurs, Christine Féret-Fleury imagine la rencontre entre deux femmes qui espèrent conjurer un sort qui leur est défavorable et se construire un avenir plus serein avec l'aide de leur patrimoine culinaire.

Acia erre dans les rues de Naples sans vraiment savoir de quoi sera fait son lendemain. Elle a perdu son emploi dans le restaurant qui l'hébergeait également et ne dispose que d'un petit pécule pour voir venir des jours meilleurs, d'une vieille Fiat et un chat trouvé qui va devenir son compagnon d'infortune. Et si la misère est moins pénible au soleil, elle n'en demeure pas moins un lourd boulet à traîner.
À des milliers de kilomètres de là, Kamar fuit sa Syrie natale. Après avoir perdu Assâad, son mari, tué par la guerre fratricide qui a embrasé le pays, elle s'est résignée à prendre la route avec sa fille Hana, sans toutefois pouvoir préjuger des difficultés rencontrées le long de ce chemin vers l'exil. Après avoir laissé une grande partie de sa fortune aux passeurs et avoir été entassée dans une embarcation de fortune, elle va voir son périple stoppé net par une patrouille qui intercepte les migrants et les mène dans un camp de rétention avant de décider de leur sort.
Pour tenir, elle s'attache à l'espoir d'offrir un avenir à Hana et s'accroche à cette cuillère en bois sculptée par son grand-père, symbole de l'héritage familial également fait de valeurs et de…saveurs qui ont accompagné l'enfance de Kamal et des recettes de cuisine de sa grand-mère qu'elle récite comme une incantation : «Dans un grand bol, tu mélangeras l'oignon, le bourghol et le sel, l'eau et la viande, et tu travailleras le tout jusqu'à ce que tu obtiennes une pâte souple, n'oublie pas de mouiller tes mains, ma fille.»
Un patrimoine culinaire qui va constituer le lien entre Acia et Kamar qui, vous l'aurez compris, vont finir par se retrouver après leur errance respective dans un petit village près d'Assise joliment baptisé Palazzo. C'est là que vit Nebbe, dans une Osteria qui tombe en ruine.
En vous laissant découvrir par quel subtil jeu de piste elle sont atterri dans la campagne de l'Ombrie, j'aimerais souligner combien l'écriture de Christine Féret-Fleury est riche d'odeurs, de couleurs, de saveurs, en communion avec le savoir-faire de ces trois femmes qui n'auraient, à priori, jamais dû se rencontrer. Sensible et sensuelle, cette écriture accompagne trois destins que la vie n'a pas épargnés. Les amateurs de cuisine italienne et orientale y trouveront aussi quelques délicieuses recettes, même si la plus importante d'entre elle est bien la recette pour conduire son existence, comme un doux soleil au bout du tunnel.


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Reçu le 18 juillet 2022

Déjà 10 jours depuis la belle découverte de ce livre et de cette auteure-éditrice, que je lisais pour la toute première fois...

Un immense Merci à Babelio et aux éditions La Belle Étoile, jeune maison d'édition créée en 2019....pour l'envoi de ce beau roman, en vue d'une rencontre avec l'auteure, Christine Féret-Fleury, le 7 septembre prochain !

Une lumineuse lecture, m'ayant toutefois mise à plusieurs reprises, les larmes au bord des yeux...

Deux personnages féminins centraux: Acia et Kamar...

Acia, jeune femme célibataire, vivant en Italie dans une situation professionnelle et sentimentale, proche du néant!

Elle finit par se retrouver dans une situation des plus précaires, après le départ de son patron avec la caisse du restaurant, où elle travaillait....Elle n'a pas même reçu son salaire; il lui faut donc trouver au plus vite trouver une idée pour sortir de cette mauvaise situation..
Elle erre dans la rue , en réfléchissant, elle tombe à la fois sur un gentil matou, aussi perdu qu'elle et sur un cahier manuscrit de recettes, déposé sur un banc.Elle y trouve le nom d' un village: Palazzo...Elle n'a plus grand-chose à perdre...et puis elle y voit un signe; elle-même adorant " cuisiner", elle se donne comme but de tenter de se rendre dans ce village pour rendre ce précieux cahier de recettes familiales à son ou sa propriétaire ...

Et voilà notre première héroïne et son nouveau copain, le Chat, en partance pour une nouvelle vie; Acia l'espère très fort !

Parallèlement, très loin de là, en Syrie, une autre femme, Kamar, veuve, avec une petite-fille de huit ans, Hana, doit tout quitter pour survivre et fuir la guerre . La voilà, quittant son oncle, sa tante, son pays, tout ce qui lui était familier...et si cher !

Le récit, dans un premier temps, va alterner entre les deux voix, celle d'Alicia et celle de Kamar....
Puis la narration va se fondre dans le point de rencontre de ces deux femmes dans le fameux village de Palazzo...et une autre femme va s'adjoindre à elles-deux, Nebbe, la propriétaire de ce cahier- trésor de recettes où on imagine aisément, les femmes de sa famille se transmettant leur savoir-faire "aux fourneaux"....Car la Cuisine, pouvoir préparer des recettes, un bon repas sont bien au-delà des mots et du quotidien.C'est retrouver un espace de PAIX, d'échanges, de convivialité, de partages de saveurs et de souvenirs d'enfance( le plus souvent), etc.

Et ces trois femmes, aux parcours différents, mais chacune bien malmenée, surtout Kamar, qui a vécu l'assassinat de son mari et la guerre...terrible, vont "renaître"..!

Ces trois- là vont s'épauler .À travers l'auberge de Nebbe et différents projets liés à ce lieu qu'elle ne peut plus tenir seule, chacune va trouver grâce à leur solidarité, leur union dans les difficultés et leur amour de la cuisine, le chemin pour se reconstruire et "se réparer"...

Stop ! Je n'en dis pas plus, pour laisser la surprise des rebondissements et des aventures de notre trio irrésistible !

Sans oublier Hana, la petite fille de Kamar, retrouvant après les traumatismes de la guerre et de l'exil, son enfance et la diminution de la terreur qui la submergeait....et enfin, l'ange- gardien de tout ce petit monde: Monsieur le Chat !

Ce livre, en dépit de la narration des épreuves très lourdes de ces trois femmes, offre, par leur rencontre , leurs projets, leur affection grandissante un vrai moment de lumière, de bienveillance de couleurs, de saveurs et d'odeurs jubilatoires, avec pour chacune , l'espoir d'une vie meilleure et enfin plus sereine !

J'ai abondamment souligné ce livre, mais je me contenterai de finir ce billet par un seul extrait significatif de ce " noyau protecteur" que ces trois femmes ont réussi à créer, à travers " leur cuisine"...

"-Ce que je raconte, Hana, se passe dans une cuisine. Un soupir de soulagement m'échappe. Si "guerre" est un arche d'acier, "cuisine" chante comme un oiseau perché sur le rebord d'une fenêtre ouverte.C'est un mot rouge, joyeux et chaud; on peut s'y loger et laisser la tempête se déchaîner au-dehors."( p.159)
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Lorsque Kamar, une veuve syrienne qui a fuit le régime de Bachar El Assad avec sa fille Hana, parvient en Italie et pense "Ici, la chaussée est lisse, sans cratères laissées par les bombes", elle croit être sortie de son cauchemar, mais non, l'aspect lisse de la route, l'horizon de ce pays nouveau, ses très longs nuages, provoquent chez elle un déchirement.
"L'horizon. Qui ne l'a pas perdu ne peut savoir ce que renferme ce mot."
Le pays perdu, sa douceur détruite, l'incompréhension de ce qui lui est arrivée résonne et résonnera en elle à jamais, plus que la traversée périlleuse dans des embarcations surchargées, l'appât du gain des passeurs ou l'inhumanité des camps de transit.
Christine Feret Fleury a fait le choix de nous parler de l'émigration subie sans faire référence aux dimensions géostratégiques, politiques ou au marchandage européen autour des quotas de migrants.
Elle souligne l'inhumanité des solutions mises en oeuvre en racontant le parcours individuel de trois femmes dont les histoires finissent par se croiser.
Kamar la Syrienne et sa fille, Acia une italienne paumée qui rêve dans une société où le rêve n'a plus sa place, Nebbe une veille femme survivant dans le village italien de Palazzo.
Pour autant, même si au début de la lecture j'ai pu être sceptique voire désarçonné par l'approche retenue, l'auteure évoque, au détour de l'histoire de Kamar, les agissements mortifères des états prédateurs "Les pierres taillées et assemblées par la main de l'homme, si belles, se sont effondrées elles aussi, alors qu'elles avaient résisté au passage des siècles, aux pillards, aux éléments."
De la même façon, Nebbe évoque le sort réservé aux vieux par le maire du village, il a "(...) fermé la salle où ils se réunissaient. Une question de normes de sécurité - un prétexte (...). Les vieux ne lui rapportent rien. le profit avant tout. Bande de vautours !"
C'est autour de leur amour commun de la cuisine que les trois femmes vont se retrouver échangeant Mutabal shawandar contre Alliciotti coll'indivia.
"Si "guerre" est une arche d'acier, "cuisine" chante comme un oiseau perché sur le rebord d'une fenêtre ouverte."
J'ai hâte de rencontrer l'auteur le 7 septembre pour lui poser toutes ces questions et lui demander si, comme je le pense, le message que délivre son roman est celui d'une révolte contre les clichés des nationalités et la recherche de la dimension universelle de l'humain dans sa relation à l'autre fut-il étranger.
Une belle découverte. Merci Babelio et les éditions Marabout.
Je ne saurai terminer cette chronique sans mentionner la différence entre une ratatouille et une bohémienne, telle que la donne Nebbe à la page 135 :
"Pas une ratatouille, une bohémienne (...) Tu n'as pas mis de poivrons, et tu as tout jeté dans la cocotte en même temps ! Pour la ratatouille, chaque légume doit revenir dans une casserole différente (...)"
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Tout commence par les paroles de Kamar. Elle ne trouve pas de mots ni de gestes pour l'adieu à son oncle. Pas de larmes non plus tellement le vide de ce départ, de cette fuite avec sa fille Hana semble abyssal et assèche tout son corps.
De la petite gourde dans laquelle l'eau du puits a été parfumée par sa tante avec une feuille de menthe, l'auteure a magnifiquement su y faire jaillir l'attachement de Kamar à cette maison qu'elle doit quitter. L'image est superbe, très poétique et d'une douceur poignante.
La préoccupation de Kamar est de soustraire sa fille à ce pays, à cette Syrie de douleurs, de peurs, de guerre. Elle doit s'armer de courage pour ne pas reculer, ne pas renoncer à monter dans cette embarcation qui fait davantage penser à un tombeau qu'à une bouée de sauvetage providentielle vers un là-bas plus sécurisant pour elles deux. Les mots du cahier de recettes de sa mère appris par coeur défilent dans sa tête, la soutiennent, en éloignant l'angoisse.

Acia, elle, nous parle de ses larmes qui se mêlent à la pluie napolitaine alors qu'elle fait ses adieux au restaurant où elle travaillait. Trente-sept ans, une vieille Fiat 500, un sac de sport, une antique cocotte en fonte héritée de sa grand-mère, et, à la traîne, toutes les désillusions d'une vie qui ne l'a pas franchement gâtée. Elle roule pour un ailleurs, pas tout à fait seule puisque le Chat, fourrure toute rousse et allure obstinée, s'est invité pour le voyage.

Les sujets, la forme chorale du roman n'ont rien de bien nouveaux. Pourtant, Christine Féret-Fleury a su immédiatement capter mon attention de lectrice en partant souvent de petits riens, d'une goutte d'eau, d'un chat errant, d'une cuillère en bois, d'une marmite, d'un livre, de cartes postales ou d'un éclat de verre pour glisser vers des souvenirs, des sentiments, des accrocs ou des joies de la vie. Pour retracer ce qui est perdu, ce qui a manqué, ce qui fait encore avancer, en souvenir de temps meilleurs qui peuvent aussi revenir. Elle introduit poétiquement les coïncidences, les méprises, découvertes, hasards qui convergent vers un avenir différent et surtout un espoir.

Kamar, c'est la voix de l'abominable sort des migrants, de son mari défunt qui restera pour toujours son amour, d'une mère qui vit pour sa fille et ranime l'espoir, des mets colorés et parfumés de son pays.

« Je me croyais blasée, et je me découvrais fermement accrochée à la vie » Acia, c'est la voix d'un caractère docile qui ne pouvait pas s'affirmer dans une enfance chaotique, les coups durs d'une vie sans attaches, le besoin d'enfin trouver un chez-soi pour y déposer sa marmite et son amour pour la cuisine.

Comme toujours dans ce style d'histoires parallèles, on se doute dès le début que la définition mathématique ne s'appliquera pas ici et qu'une convergence va mener vers un point commun. Il viendra d'un village perdu de l'Ombrie, d'un restaurant moribond avec Nebbe, improbable vieille femme toute maigre, au teint gris, tassée dans son fauteuil roulant mais dotée d'une personnalité de cactus !

En superposant ces souffrances bien différentes, l'auteure ne juge pas, chacun vit ses propres déchirures et le temps est là pour atténuer, polir les douleurs et laisser la place à de nouveaux instants savoureux qu'il faut reconnaître et saisir dès qu'ils apparaissent.
Ici, plusieurs fils suivent leur chemin et visent une destination ; l'un, émouvant, tourbillonne sur les relations mère-fille, un autre se parfume de la cuisine italienne et syrienne, un troisième, déterminé, suit les pattes de velours du Chat alors qu'un suivant étire les nuages dans le ciel italien…

Cette lecture est à l'image du risotto et des poires au marsala préparés par Acia, savoureuse et consistante, avec sa pointe d'amertume et sa note sucrée. Et quels personnages ! Christine Féret-Fleury a su leur donner une si belle authenticité que l'on n'a aucun mal à faire ce bout de chemin avec eux. N'hésitez pas à les suivre à votre tour.
Merci à Babelio et aux éditions La Belle Étoile pour cette si belle rencontre.
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