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Critique de Pecosa


Il était posé là depuis des semaines, je l'ai ouvert dans un moment d'égarement et je ne l'ai plus lâché. Pourquoi n'ai-je pas lu ce Gardien de la Joconde plus tôt? Ce puissant roman noir argentin restera dans ma mémoire, et ce pour maintes raisons.
Jorge Fernández Díaz a fait de son personnage principal l'unique narrateur. L'exercice est périlleux, le résultat bluffant, et la traduction d'Amandine Py y contribue sans aucun doute.
Je ne sais par quel miracle je suis parvenue à m'identifier au protagoniste de cette sombre histoire, manipulée par ce choix narratif. Parce qu'au départ, le thème du Gardien de la Joconde semble (mais semble seulement) empester le cliché à plein nez.
Rémil (« hijo de remil putas », de son petit surnom) est un orphelin recueilli par le mystérieux « Colonel ». Vétéran de la guerre des Malouines souffrant de stress post-traumatique, il reste fidèle à ses anciens compagnons d'arme, et travaille dans l'ombre au sein d'une agence pro-gouvernementale secrète dirigée par son mentor, l'Annexe. Son boulot est celui de tous les barbouzes: ramener dans le droit chemin les femmes infidèles ou les gamins rebelles des huiles du pays, secouer, espionner, voire tuer. Solitaire, il passe son temps libre au freefight, a quelques maîtresses, peu d'attaches et un rapport aux femmes assez basique. Bref, Le gardien de la Joconde s'annonce comme un énième polar violent ambiance « avec sa bite et son couteau », mais car il y a un mais, il n'en est rien.
Car Rémil , qui a grandi à l'ombre tutélaire du Colonel, bibliophile féru d'histoire, est un lecteur compulsif, un homme doué d'une grande curiosité intellectuelle. Et sa vie va changer lorsqu'il se voit chargé par l'Annexe de protéger une mystérieuse et belle avocate espagnole, venue à Buenos Aires non pas pour plaider, mais pour mettre sur pied un trafic de drogue totalement inédit et à grande échelle. Bon, on oublie Bodyguard, l'histoire d'amour gnangnan entre le garde du corps et la femme fragile à protéger. Nous sommes en Argentine, pas à Hollywood. La relation entre Rémil et Nuria prend une tournure des plus complexes, et des plus fascinantes avec pour toile de fond un portrait glaçant du paysage politique argentin.
Et c'est là tout le talent de Jorge Fernández Díaz, de donner à voir au lecteur à travers le prisme du roman noir, l'état déplorable du système péroniste, la corruption institutionnalisée, et surtout l'ampleur du narco-trafic dans le pays. L'Argentine autrefois lieu de transit est devenue zone de trafic. Elle n'est pas dans le viseur de la D.E.A, contrairement au Mexique ou à la Colombie, ses 10.000 kms de frontière sont pain béni pour les trafiquants. Tout le monde en croque, à commencer par les hommes politiques et les différents corps de police. Le Gardien de la Joconde déploie son intrigue sur une surface pyramidale, avec à la base les cartoneros et crève-la-faim et au sommet, l'élite élégante et raffinée, composée de fiscalistes, hauts-fonctionnaires, ténors du barreau, rejetons de politiciens, plus dangereuse et nocive que tous les sicaires réunis.
Le roman doit beaucoup à son personnage principal, assez fascinant il faut le reconnaître, à sa critique politique et sociale sans appel, ainsi qu'à un savant mélange de violence sauvage, de cruelle lucidité, d'érudition et de tension sexuelle. Sans compter l'ombre de la guerre des Malouines qui plane sur les vies de Rémil et du colonel. Se plonger dans Le Gardien de la Joconde c'est revoir des scènes de Celda 211, de Mémoire d'un saccage. Argentine, le hold-up du siècle, de El Bonaerense , et de Soldado argentino solo conocido por dios. C'est simple, il ratisse large et bien. Une véritable friandise hardcore pour tous les amateurs de noir. Et en plus, il y a une suite. On retrouve Rémil dans La herida.
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