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Une petite voix tendre m'a dit un jour : « Tu as commencé Scott Lynch ?! Alors maintenant tu vas lire Wastburg !! » Et moi… (*ton humoristico-épique à la François Rollin*)… pauvre fou d'amour… je me suis lâchement exécuté ! M'aurait-elle commandé de lire L'Épée de Vérité de Terry Goodkind, d'une traite, seul et en deux jours, que je me serais aussitôt lancé dans la bataille !

Dans tous les cas, je peux le dire maintenant : il fait bon vivre à Wastburg !... enfin, si vous aimez la bière, la vinasse et les catins… … … Vous êtes encore là ? Parfait, moi aussi j'ai choisi mon camp. En effet, avec Wastburg, autant le dire tout de suite, Cédric Ferrand se place nettement dans la nouvelle orientation à la mode, la « crapule fantasy ». Scott Lynch en est un de ses représentants les plus connus grâce à sa magique saga des Salauds Gentilshommes, Brandon Sanderson le suit de près avec le premier tome de sa trilogie Fils-des-Brumes, Cédric Ferrand complète logiquement la liste. Il s'agit, dans un monde de fantasy, de suivre des protagonistes en lien avec la vermine criminelle, les bas-fonds les plus crasseux et le quotidien des tire-laines des plus habiles aux plus insignifiants. Tout un programme donc !
On pourrait avoir l'impression, au départ, que nous sommes devant une accumulation de petites nouvelles, sous forme de chapitres, qu'on pourrait hâtivement juger indépendantes les unes des autres, mais, au fil de ces chapitres de plus en plus longs, l'histoire se met en place et on devine plus facilement les ressorts scénaristiques habilement utilisés par l'auteur. Celui-ci semble bien souvent s'éloigner de sa trame principale en voulant détailler moult aspects significatifs du monde qu'il crée sous nos yeux ébahis ; pourtant, de digressions en digressions, le récit se fait précis, voire calculateur, et tout devient utile. Je regrette la faiblesse des scènes d'action qui, sans être rares, vont souvent trop vite et j'ai dû relire les passages les plus importants au niveau du devenir de certains personnages.
En revanche, quel style ! Qui dit « crapule fantasy » doit s'attendre à visiter des endroits guère reluisants et c'est bien le cas ici : tout est crade au possible. L'auteur n'a pas son pareil pour rendre certaines scènes descriptives totalement infectes à l'imagination (à la vue comme à l'odeur, d'ailleurs…). Certains moments sont véritablement dantesques, notamment un affrontement indescriptible au fin fond d'une maison de passes aux toilettes plus que douteuses, et dont tous les détails nous sont donnés, à la texture et au fumet près ! Bref, c'est magique !
Je crois pouvoir dire que Cédric Ferrand a réussi son pari, comme le suggérait China Miéville dans sa préface, celui de ne pas dorloter son lecteur, mais bien de le confronter aux affres de la vraie vie, joyeuse et entraînante parfois, mais souvent crade et déprimante. C'est certain, nous ne sommes pas dans un conte à la Tolkien !

Wastburg, de Cédric Ferrand, s'affiche donc comme une nouvelle preuve que la fantasy française (et/ou francophone selon si on considère cet auteur comme français, canadien ou même franco-canadien, car il a grandi en France, il me semble, mais vit désormais pleinement à Montréal) n'a rien à envier à ses homologues anglo-saxons, bien loin de là !

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Putrescence !
Alors comme ça on est allé faire du tourisme dans ma ville hé ? Un petit selfie avec la tour des majeers en fond, la bouffe typique, les filles pas chères, hé ? Tu croyais quoi, qu'tu s'rais à Rome ? Foutrepaille, c'est Wastburg quoi ! le trou du cul du monde, c'est Versailles à côté. Même le fleuve qui lui tourne autour, il a qu'une envie, c'est se barrer. D'ailleurs, la magie, dès qu'elle a pu elle a mis les voiles…

Comment ? T'y es pas allé, t'as juste lu l'bouquin de Ferrand ? Poutremolle ! C'est pareil à moins cher, mon gars. T'as aimé au moins ?
Comment ça « moyen » ! Elle pue ma ville ? Facemorve, Wastburg c'est pas une ville pour les bobos à eau de Cologne comme toi p'tit' tête. Tu croyais quoi, qu'les gars de la Garde avaient l'honneur chevillé à la verrue comme Captain America ? C'est des bougres qu'ont juste la chance de mener leurs p'tits traficotages du bon côté de la loi. Y'en a c'est des crétins, y'en a d'autres sont plus roublards que moi, et c'est pas peu dire ! Pue-la-bile, à Wastburg, t'as intérêt à savoir escamoter l'portefeuille de ta mère dès qu'tu nais si tu veux t'en sortir.

Quoi, c'est pas la crasse que t'as pas aimé ? T'as pas réussi à t'accrocher à un gus qui traîne dans l'bouquin et au bout d'un moment t'en as eu marre de les voir crever ? Crèvefiotte, t'aime pas les vrais gens quoi ! On t'offre de mordre dans des tranches de vie estampillées par un ISBN régulier et tu fais la fine bouche ! Mais merde-de-sang-bleu, t'as qu'à aller lire Ivanhoé si t'es pas content.
Quoi le fil rouge ? Comment le fil rouge ? T'aurais voulu voir « le fil rouge » plus développé plutôt que les détails sur des gonzes qui passaient par là ? Putain mais qu'est-ce qu'y t'faut ? le fleuve même est tout rouge de sang – bon un peu marron de merde aussi – tellement ça bute à tout va. Morneplaine, tu fais chier avec ton fil rouge. L'bouquin, c'est une visite, les bonhommes on s'en fout.

Tu dis ? Tu t'es quand même souvent marré à cause de l'argot. Tu t'es foutu de nos gueules en plus. Crèvemouche, mais je vais te le faire bouffer l'argot, moi. J'vais t'prélever des bactéries directement dans l'intestin si t'insistes. Mon gars, j'compte jusqu'à trois. Si t'es encore là après, j'te donne à bouffer aux clebs du burgmaester.
Attention… Trois !
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Premier roman de Cédric Ferrand, « Wastburg » nous propose une plongée au coeur d'une cité apatride d'inspiration médiévale que l'on découvre par le biais de certains de ses habitants qui nous la dévoilent sous toutes ses coutures. Et quelle cité ! L'auteur nous dresse ici le portrait d'une ville fascinante et crédible que l'on arpente de fond en comble, de ses bas-fonds à ses riches demeures en passant par ses bordels, son port, son cimetière... Mais attention, on est ici bien loin de la merveilleuse cité pleine de beauté et de majesté qu'on peut habituellement rencontrer en fantasy. A Wastburg, ça se castagne dans tous les coins, ça n'a pas son pareille pour trouver des combines histoire d'entuber la Garde, niveau esthétique ça ne casse pas franchement des briques, ça pue, c'est sale..., bref, il y règne un joyeux bordel auquel se mêle gaiement le lecteur. Impossible de ne pas se prendre d'affection pour Wastburg, comme pour les nombreux personnages qui défilent au fil des chapitres, parfois l'espace d'une dizaine de pages seulement, mais que l'auteur parvient à rendre consistants et convaincants. Tout juste pourrait-on regretter de n'avoir le point de vue d'aucun personnage féminin (une fille de joie ou une commère de quartier n'aurait pas dépareillé...), mais je chipote.

Et attention, en ce qui concerne les personnages, ne vous attendez pas non plus à trouver un grand et beau héros à la destinée exceptionnelle et ses fidèles compagnons! Ici, c'est aux côtés de la populace, de la canaille que l'on arpente la cité et que l'on découvre ses secrets plus ou moins bien gardés, ses combines et entourloupes, et surtout ses traditions, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Qu'il s'agisse de la porchaison, lâché de porcs au sein de la ville donnant lieu à une compétition conviviale mais salissante, ou encore de la bouscotte, mélange typiquement wastburgien composé au petit bonheur la chance par les teneurs de bistrots qui y refourguent tous leurs fonds de bouteilles, ce sont ces petites trouvailles originales qui font une grande partie du charme de la ville. En ce qui concerne l'intrigue, bien que le roman se compose d'une alternance de points de vue et de protagonistes que l'on ne retrouve jamais deux fois en tant que narrateur, l'auteur possède tout de même un fil conducteur lié à la disparition de la magie dans la cité et, si cette intrigue plus générale passe souvent au second plan au profit de l'originalité de tel personnage ou de la cocasserie de telle situation, on ne l'en suit pas moins avec un intérêt grandissant au fur et à mesure que les pièces du puzzle se mettent en place.

Rien ni personne n'est donc là par hasard et c'est ce brillant jeu de chassé-croisé qui témoigne de la grande maîtrise de l'auteur qui possède également un style redoutablement efficace, mélange d'argot, de patois et de langage cru qui n'est pas sans rappeler celui utilisé par J-P. Jaworski dans « Gagner la guerre » mais aussi, dans une moindre mesure, par Scott Lych et ses « Salauds Gentilshommes ». N'hésitez pas, ce roman est un vrai petit bijou !
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Wastburg : La cité où il ne fait pas bon vivre ! Et pourtant. On saigne, on meurt et on castagne dur pour elle.

"Wastburg (...) était simple à vivre. Pas de passé trouble, pas d'avenir faussement prometteur : la cité n'offrait que du présent. Et ça, (on) pouvait le toucher du doigt."

La tour des Majeers est l'ultime vestige qui reste de Magie entre les murs de la Cité. La déglingue a tout emporté avec elle. Alors, on évolue dans ce monde de soudards où Cédric Ferrand fait la part belle aux personnages masculins (j'ai pas souvenir d'avoir vu pointer ne serait-ce que l'ombre d'un minois féminin sur plus d'une page), entre déglingue et filouterie, trahison et fraternité, secrets et mensonges..., avec dans les narines l'odeur du sang et de la merde. Car Wastburg, c'est avant tout, cela : un univers de crasse et de violence porté par toute une galerie d'hommes d'armes et de guerre, de pouvoir ou de rien, plus prompts à sauver leurs peaux et leurs combines que préserver la cité et ses habitants.
Voilà ce à quoi je m'attendais et que j'ai eu plaisir à découvrir tout du long de ma lecture.

Par contre j'ai eu plus de mal avec ce qui, sans le style de l'auteur, aurait été clairement une déception : la structure du roman. Elle est complètement déstabilisante les cent premières pages, et là je crois que, soit on s'accroche et continue la lecture, soit on referme le livre. Il n'y a pas dans Wastburg, vous savez, ce ou ces quelques personnages qui vous accompagnent tout du long du roman, à qui il arrive "des choses" (appelez cela comme vous voulez : aventures, drames, ...) et que vous pouvez suivre de façon plus ou moins linéaire, dans ce qu'on serait tenté d'appeler "une histoire"...
Nenni ici. Rien de tout cela. Vous commencez à vous accrocher au premier larron venu, quelques pages plus loin, il est rétamé : "Circulez, y a (plus) rien à voir !" Vous vous dîtes "c'est pas bien grave, en vlà un autre, tout juste là dans le début du second chapitre" et puis, mine de rien, celui-là aussi il se fait la malle. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout ce petit monde, qui n'a pas bien l'air décidé à vous laissez lire tranquilou, ceci dit en passant, vous offre l'image d'une Wastburg qui se délite et essaie de sauver les meubles, croquée par une plume qui ne laisse pas indifférent.

Passée la surprise des premières pages, je l'ai lu un peu comme un recueil de nouvelles qui aurait un thème commun : Wastburg ! Et la 4ième de couv accrocheuse, limite racoleuse pour les amoureux de la plume et l'univers de Jaworski, n'est pas non plus pour rien dans ce sentiment mitigé.
Il aurait fallu le laisser venir à nous avec humilité, ce premier roman de Cédric Ferrand, sans vouloir orienter notre lecture à grand renfort de comparaison, qui à mon avis, le dessert plus qu'autre chose.
(Cela se veut flatteur, mais c'est carrément "casse-gueule" !)

Alors, je me dis que je n'en resterai pas là et que cet auteur mérite qu'on continue à faire un brin de chemin avec lui, quitte à prendre le risque de le laisser continuer seul. Et peut être serais-je séduite par le prochain au point d'oublier cet arrière-goût de "filouterie" qui nous reste à la dernière page refermée, quand nous nous trouvons de nouveau nez à nez avec la 4ième de couv ?
Affaire à suivre donc !
Lien : http://page39.eklablog.com/w..
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Mais qu'est-ce donc que ce bout de terre situé entre Waelmstat et Loritanie où tout le monde se tape dessus ? Cette cité où on casse sa pipe plus vite que son ombre ? J'étais confiante au début, ne sachant pas dans quoi je me lançais exactement, tel personnage a l'air bien sympa… ah ben mince alors, il est mort ! Après m'être habituée au procédé et au vocabulaire truculent du lieu, cette cité m'est apparu un peu plus clairement. Wastburg est assez particulière et recèle plein de singularités et de mystères. A travers les différentes histoires des habitants de cette ville, la difficulté des rapports entre Waelmiens et Loritains devient, assez vite, évidente. D'autres interrogations auront aussi leurs réponses… L'écriture de Cédric Ferrand est assez enchevêtrée, tortueuse, un peu de concentration ne fait pas de mal ! Et puis, il y a de l'humour, souvent noir. Une deuxième lecture m'aiderait bien pour comprendre les petits subtilités qui m'ont échappée… Par contre, j'ai adoré la fin ! Assez rare pour le souligner. (Un épisode qui m'a plu également, celui de l'impôt sur les fenêtres !)
Ce bouquin est en fait, l'occasion d'observer à la loupe une communauté, d'en faire une sorte d'étude sociale. L'auteur se moque des allégrement des hommes politiques, des rapports humains, du pouvoir… Si c'est ça, la crapule fantasy, j'ai bien envie d'en relire !
(J'hésitais entre 3 et 4, je suis plus proche du 4 au final)
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Bon, je suis sortie assez mitigée de cette lecture.
Le style populo-argotique est plutôt sympa, se laisse lire facilement et on rit pas mal.

Par contre, le fil conducteur est ténu. En tant que lectrice, j'aime les bouquins avec un début, un milieu, une fin (même ouverte, hein, je suis pas toujours fermée, mdr !), avec des personnages qu'on suit et auxquels on s'attache. Bah j'ai rien trouvé de ça ici. Alors quand il est dit sur le quatrième de couverture que Ferrand s'inscrit dans la lignée de Jaworski avec ce livre, je tique sévère et je m'inscris en faux. Teuh teuh teuh, on est loin du compte.

En fait cet écrit me fait penser à des choses qu'on trouve sur Wattpad (où je "suis" ma fillotte). Bien écrit parfois (vraiment pas souvent), sympa à lire, mais qui n'amène nulle part parce qu'à aucun moment l'auteur ne s'est demandé quel était le fond de son histoire, son début, son milieu et sa fin (et curieusement ces auteurs-là viennent souvent du RP, bref, passons). Bon, Wattpad c'est particulier, les gens écrivent "en série", et comme les séries TV ça finit par tourner en rond.
Mais publier un bouquin comme ça, bah, bof quoi. Bon j'exagère, il y a une fin. Qui n'en est pas une. Et le personnage principal du livre, c'est la ville, j'aurais pu m'en douter avec ce titre.

Il n'empêche que je suis plutôt déçue.
C'est bien écrit. épicétou. le schéma narratif consistant à nous faire découvrir un personnage, son point de vue, sa vie, puis à le faire crever, est bien trop récurrent pour arriver à surprendre longtemps. Pour le premier, j'étais surprise, au troisième (page 135), j'en avais déjà marre, et avec celui qui passe entre les mains du bourreau, ça a été le pompon... (Si vous me connaissez un peu, vous savez que je déteste les bouquins où tous les personnages auxquels je m'attache crèvent. J'ai été gâtée, ici !).

La pléthore de personnages fait qu'on ne peut pas lire ce bouquin avec un autre à côté. On s'y perd, il faut bien le dire. Finalement heureusement qu'ils crèvent, on n'a plus à s'en préoccuper. D'un autre côté, on finit par ne plus s'attacher à aucun, forcément, puisqu'on "sait" ce qui va leur arriver. Aucune surprise côté personnages. C'est dommage car il aurait pu creuser un de ceux-là et en faire un héros (ou anti-héros, on s'en fout) crédible et attachant et ça aurait tout changé (de mon point de vue, qui ne reste que cela), je pense que l'auteur en est tout à fait capable, puisqu'il écrit fort bien. le hic c'est qu'il n'a pas voulu le faire, et en tant que lectrice, ça m'a lourdement manqué.

En gros, ce bouquin mériterait une note excellente sur le style, mais de mon point de vue, le "fond" n'est pas génial. Ce qui fera une note finale moyenne... (2 sur babelio, il n'y a pas de demi, et je suis trop déçue pour mettre 3).
En fait là de suite je me dis "encore un bouquin de fantasy qui doit plaire à ceux qui n'en lisent pas d'habitude, genre "des milliards de tapis de cheveux". Le genre où il n'y a tellement pas d'histoire que c'est à se demander si c'est pas écrit pour "plaire" à un max de gens. Encore qu'avec toutes les morts gore dans celui-là, c'est moins évident...
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N'y allons pas par quatre chemins, j'ai adoré ce livre. Wastburg c'est d'abord une prose, faite d'expression populaires et de mots d'argot, tous plus savoureux les uns que les autres, gouailleuse à l'envie. C'est à travers la structure même de cette langue que l'auteur distille, par petites touches, les briques d'un monde imaginaire, circoncis à la seule ville de Wastburg. Démarche intéressante qui, toute proportion gardée, rappelle celle de Tolkien, qui bâtit un univers incroyable de richesse et de cohérence sur les bases de langues créées de toutes pièces. Ici, l'auteur "se contente" de reprendre un melting pot d'argots bien de chez nous, en y ajoutant quelques termes de son cru. Cédric Ferrand nous montre, si besoin était, que l'imagination a besoin, pour s'épanouir et acquérir cohérence et profondeur, d'une structure qui l'ancre dans notre réalité collective (en tous cas c'est mon avis). D'une certaine façon l'imaginaire d'un auteur, pour parler à chacun, doit rencontrer l'imaginaire collectif, par le biais d'une structure facilement identifiable.

Ici, a travers cette langue donc, c'est le cliché de la ville franche du moyen-âge qui est convoqué, toute en ruelles tortueuses et sales, avec ses maisons à colombages et peuplée d'une faune plus ou moins recommandable, faite de gavroches, de mendiants, de délinquants et d'escrocs divers, sans oublier les artisans, notables et autres petits bourgeois. Et puis il y a la Garde, véritable police de la cité, qui est au coeur de l'intrigue. Celle-ci, loin d'être linéaire est construite à la manière d'un puzzle, des indices étant disséminés tout le long du récit et ce n'est que dans le dernier tiers du roman que les pièces commencent à s'assembler. Chaque chapitre est l'occasion de mettre en scène des personnages (presque) toujours différents, nous offrant un panorama complet des multiples crapules qui pullulent à Wastburg.

Si l'on devait définir précisément le genre de ce roman on le classerait, très certainement, dans la catégorie de la low fantasy, au côté du Trône de Fer. En effet, très peu d'éléments magiques ou surnaturels émaillent l'histoire, ceux-ci étant relégués à des temps (pas si) anciens, la magie ne fonctionnant plus depuis la Déglingue (à Wastburg, comme dans notre société, l'heure est au désenchantement). Mais contrairement à la saga de George R R Martin, le monde de Cédric Ferrand est limité : géographiquement la ville est coincée entre deux bras de fleuve, politiquement elle est une cité franche enclavée entre deux royaumes, la Loritanie et le Waelsmat, abritant des représentants des deux communautés (toutefois les waelmiens dominent socialement la minorité loritaine). Par ailleurs, Wastburg présente une dimension plus vulgaire (au sens propre du terme, c'est-à-dire populaire), le focus étant mis sur des gens du peuple et de la petite bourgeoisie.

Des personnages savoureux, une intrigue plaisante et surtout une prose inimitable, qui rend si vivante et si crédible cette cité imaginaire, font de Wastburg un grand roman de fantasy, à lire et à relire.
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Wastburg est un roman qui m'a été conseillé lors d'une discussion avec un libraire de ma Librairie préférée, le mois dernier. Et le hasard faisant bien les choses, il s'est avéré que ce roman faisait partie aussi de la sélection du Club de lecture Imaginaire de Babélio, du mois de mai.

Le Waelmstat et la Loritanie, après des guerres incessantes, ont délimité leur territoire par le fleuve Puerk/Fuile qui les sépare. Il s'agit d'une zone neutre dans laquelle la ville de Wastburg, indépendante, s'est développée au creux du delta du fleuve. Wastburg est une ville sur le déclin : elle a connu ses heures fastes du temps des Majeers, lorsque la Magie existait encore en ce bas monde et facilitait la vie quotidienne. Aujourd'hui, la magie a disparu et Wastburg n'est plus que l'ombre d'elle-même : sale, fréquemment inondée, peuplée de gens douteux qui tentent de survivre par tous les moyens. Ce roman immisce son lecteur à travers les bas-fonds de la cité en le faisant suivre tour à tour des gardes, des gamins de rue, un aubergiste, un bourreau, etc... Toute cette population est le reflet de sa cité et permet au lecteur de mieux l'appréhender.

Avant le début de ma lecture, deux bémols m'ont fortement agacé : tout d'abord, la comparaison de l'éditeur de ce roman avec l'oeuvre de Jean-Philippe Jaworski, en quatrième de couverture. Évidemment, il s'agit d'un avis personnel. : mais pour moi, Jaworski est une grosse pointure de la Littérature de Fantasy en France. Comparer Wastburg avec Gagner la Guerre est franchement exagéré : si le premier est un roman assez sympathique, il n'a absolument pas de commune mesure avec le second. Certes, l'argot domine le texte et nous avons affaire à des individus issus des couches modestes de la population. Mais, où se trouve la gouaille d'un Benvenuto Gesufal? Les luttes de pouvoir à la façon ciudalienne? Ou les batailles stratégiques avec les territoires alentours? Ne prendrait-on pas le lecteur pour un imbécile?

Le second bémol est la citation, en exergue, de China Miéville sur Tolkien. Certes, il s'agit probablement d'une provocation délibérée de la part de l'éditeur. Il donne le ton du livre immédiatement au lecteur en lui signifiant que nous allons sortir des sentiers battus de la Fantasy classique, amorcée par Tolkien. Chacun pense ce qu'il veut et j'ai parfaitement compris ce que Miéville a voulu dire mais je trouve ces propos très prétentieux.

"Tolkien est le kyste sur le cul de la littérature fantasy. Son œuvre est massive et contagieuse : vous ne pouvez l'ignorer, n'essayez donc même pas. Le mieux que vous puissiez faire, c'est d'essayer de crever l'abcès. Car il y a beaucoup à exécrer : sa suffisance wagnérienne, ses aventures bellicistes en culotte courte, son amour étriqué et réactionnaire pour les statu quo hiérarchiques, sa croyance en une moralité absolue qui confond morale et complexité politique. Les clichés de Tolkien (elfes, nains et anneaux magiques) se sont répandus comme des virus. Il a écrit que le rôle de la fantasy était de "réconforter", créant ainsi l'obligation pour l'écrivain de fantasy de dorloter son lecteur." China Mieville

Pour en revenir directement au roman, Wastburg m'a beaucoup plu les cent premières pages puis m'a lassé le reste du roman.
- J'ai apprécié le style argotique bien que j'étais parfois un peu perdue avec certains mots de vocabulaire.
- le fait aussi d'avoir un nouveau personnage à chaque chapitre m'a un peu déconcerté mais au final, j'ai trouvé cela plutôt original, n'ayant jamais rencontré par ailleurs ce style narratif. En revanche, cette originalité comporte deux points négatifs : celui d'avoir du mal à identifier les personnages (J'avais d'ailleurs un peu peur de ne pas les reconnaître s'ils réapparaissaient de nouveau au cours du récit) et de pas s'y attacher. Ce dernier effet est d'ailleurs renforcé par le fait que l'auteur en tue un sur deux. du coup, je ne me suis pas vraiment investie : au contraire, j'étais plutôt résignée. À quoi bon faire l'effort d'avoir de l'empathie pour un personnage s'il meurt à la fin du chapitre?
- Enfin, je pensais qu'avec ce schéma narratif un peu surprenant, l'auteur allait nous embarquer dans une fin mémorable. Je m'attendais vraiment à quelque chose de spectaculaire en me disant que l'auteur était certainement en train de semer ses petits galets à travers chaque chapitre et nous scotcher par une chute spectaculaire. En réalité, il n'en est rien et j'ai été très déçue me disant même tout cela pour ça?

En conclusion, Wastburg est un roman déconcertant et surprenant dans ses premières pages. Malheureusement, l'originalité cède très vite la place à une certaine lassitude, voire à une déception, à la fin. Néanmoins, le style de l'auteur est très intéressant et je pense revenir vers un de ses romans à l'avenir. de là, à dire qu'il est dans la même lignée que Jaworski, je ne suis pas d'accord.
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Inutile, je crois, de faire un résumé. Que l'on sache simplement que chacun des chapitres, qui sont autant de petites nouvelles (chacune avec sa chute), apportent un ou plusieurs indices, qui ne feront sens qu'à la toute fin.
Le lecteur navigue à vue. Et vu le cloaque que semble être la cité, il ne voit pas loin (mais sent et entend beaucoup en contrepartie). Construite sur une île, entre les deux bras d'un fleuve, la cité est un ensemble de constructions branlantes, de rues tortueuses, de tavernes mal famées, de bordels et de politique magouilleuse. Et de déchets variés et malodorants. Voila Wastburg (où je ne peux m'empêcher d'entendre "waste", déchets en anglais...) C'est crade et puant, ça tape dur et souvent, le sang coule autant que le vin et la bière. Voila bien le genre d'ouvrage qui peut me réconcilier avec la fantasy, loin de la production lisse et stéréotypée de ces dernières années. Une bonne grosse beigne de temps en temps, voila qui est sérieux !
Un grand merci à Dionysos (et à sa petite voix !)
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« Wastburg n'existait pas pour rien : c'était justement parce qu'elle sortait de cette sauvagerie chevaleresque que cette cité était si plaisante à vivre ». Et à lire pour ceux dont l'haleine de putois mort, cette odeur diffuse de merde que même des relents de mort ne peuvent couvrir, n'est pas rédhibitoire. Car Wastburg est une cité médiévale dans toute sa splendeur, une véritable fosse d'aisances à ciel ouvert. Une cité où certes la morale s'est dissoute dans la bière ou la gnole mais où l'ordre règne, la hiérarchie respectée, et ce malgré qu'elle soit une cité apatride hors des lois. Une cité peuplée de hors la loi, de canailles et de crapules, autant de personnages de toutes les couches sociales hauts en couleur qui digèrent le vin sur la bière plus facilement dans cet ordre, qui se demandent s'il est plus douloureux de prendre un carreau dans le dos ou une giclée d'acide dans la frime. Cédric Ferrand donne un rôle à des petites gens, avec leurs galères, leurs peines et joies, que l'on aime détester ou que l'on déteste aimer, dans des saynètes qui sont autant de chapitres courts, pour faire battre le coeur et donner à cette cité le rôle principal de ce roman de fantasy noir, qui donne autant de hauts le coeur que de moments de franches rigolades.
Il fait bon boire un verre à prix moyen à Wastburg, cette cité où vous pourriez trinquer avec un Don Benvenuto Gesufal.
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