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EAN : 9782072734670
464 pages
Gallimard (03/01/2019)
3.52/5   49 notes
Résumé :
«Ma mère m’a légué un mot de son dialecte qu’elle employait pour décrire son état d’esprit lorsqu’elle éprouvait des impressions contradictoires qui la tiraillaient et la déchiraient. Elle se disait en proie à la frantumaglia.»
C’est autour de ce mot, du sentiment d’instabilité qu’il évoque, que ce recueil de textes d’Elena Ferrante s’articule. Lettres échangées avec son éditeur, entretiens, correspondances sont les pièces hétérogènes d’une mosaïque qui éclai... >Voir plus
Que lire après Frantumaglia : L'écriture et ma vieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Voici ma millième critique au bout de quatre ans révolus sur Babelio!

Impressionnée par le chiffre, je me devais de  réserver, à cette place exposée ,  un livre de choix ! J'ai donc rusé quelque peu pour qu'Elena Ferrante l'occupe avec son Frantumaglia: l'écriture et ma vie, récemment traduit en français.

Parce que Ferrante a été ma plus belle découverte sur Babelio.
Parce que j'ai lu et chroniqué tous ses livres.
Parce qu'elle a été mon principal moteur pour suivre,  le soir,  des cours d'italien afin de pouvoir la lire dans le texte -plaisir de lecture décuplé que j'ai pu ressentir pour les deux derniers tomes de L'amie prodigieuse.
Et surtout parce que c'est un écrivain exceptionnel.
Et donc quand elle parle de son travail, c'est une grande  faveur qu'elle nous fait, un vrai trésor qu'elle nous confie.

Remarquez que je n'ai pas dit "une femme exceptionnelle": la femme qui se trouve derriere Elena Ferrante ne m' intéresse pas. Je respecte pleinement et j'approuve le  désir de Ferrante de maintenir cette femme privée  dans l'ombre, hors de portée de la presse, du monde éditorial et de son lectorat. Depuis la parution de son premier livre, sa position sur ce sujet n'a jamais varié, et ce n'est évidemment pas un moyen d'attiser la curiosité.... et la vente, puisque c'est le succès de ses livres qui a suscité cette curiosité et non l'inverse.

Si Elena Ferrante a besoin de cet espace de liberté pour pouvoir écrire,  respectons la, respectons le.

Si nous interrogeons ses livres, nous pouvons trouver toutes les réponses -souvent toutes les interrogations- qui font le coeur de son univers de femme et de romancière.  Elle s'est , de plus , prêtée a l'exercice difficile de l'interview, avec une grande générosité et une remarquable exigence de verité -rien d'oral, tout est écrit, pesé,  réfléchi- . Si je n'ai mis que 4 étoiles à ce formidable bouquin, ce n'est pas à cause des reponses, passionnantes, de l'ecrivain, c'est à cause des questions sur son identité, lancinantes, indiscrètes, bêtes, qui masquent trop souvent le livre, et auxquelles, pourtant, Ferrante répond poliment, patiemment, en pesant et variant ses mots!

Que ceux qui s'obstinent aillent relire le Contre Sainte-Beuve de Proust, et qu'ils cessent de vouloir déterrer à tout prix ce "misérable petit tas de secrets" qui constitue la personne, pour s'intéresser vraiment à la transmutation formidable que fait l'écrivain de cette Frantumaglia, de ce magma confus, contradictoire, ce matériau brut, mouvant, obscur, bruyant, prégnant  debordant de vie - qu'il s'agit de transformer en écriture.

Et là, le livre, je veux dire la part écrite par Ferrante dans le livre,  est une mine d'or.

Pour les lecteurs de Ferrante avant tout, car voilà un écrivain qui vit vraiment avec ses créatures, et je déconseille la lecture de Frantumaglia à ceux qui n'auraient pas une grande familiarité avec ses livres. Mais aussi pour tous ceux, et ils sont nombreux ici, je le sais, qui rêvent d'écrire ou qui le font déjà. 

Ferrante parle de la gestation de ses oeuvres , longue, difficile, suivie d'interruptions volontaires fréquentes, quand elle trouve que son écriture, trop travaillée, trop partisane, trop convenue, trahit la vérité au nom du vraisemblable ou de l'esthétique, et  qu'elle a perdu cette âpreté, cette tension, cette brutalité qui souvent jaillit du brouillon.

Ferrante parle de ses modèles,  de ses consoeurs écrivains,  de ses thèmes favoris, obsédants : la relation mère-fille, l'amour compliqué,  "harcelant" pour la mère, l'abandon qui détruit et rend plus forte, l'amitié entre femmes si peu, si mal traité dans la littérature. 

Elle dit sa fascination pour tout ce qui dérange- précisons:   ce qui LA dérange- ,  ce qu'elle sent en elle d'obscur, de tordu , d'inavoué, d'incompris, de blessé. Elle confie à l'écriture, et à elle seule- Ferrante n'a jamais fait de psychanalyse-  le soin d'exposer ces blessures, de gratter ces croûtes,  de mettre à vif ces plaies. Elle cherche inlassablement  à comprendre, à mettre en mots ces mouvements secrets, ces pulsions qui l'effraient.

Elle raconte aussi sa ville natale, Naples, parle, bien sûr,  de ses héroïnes , dit comment elle s'est lancée, pour la première fois avec une grande fluidité,  dans l'immensité de L' Amie prodigieuse,  sans rien savoir de plus que ce que nous dit le prologue : la disparition de Lila , que l'écriture de Lenù va tenter de conjurer, d'enserrer, de contenir, et le motif troublant des poupées et de l'enfant disparue, qui faisait déjà son apparition dans Poupée volée, un des livres auquel Ferrante tient le plus, et qu'elle a, confesse-t-elle, eu le plus de mal à écrire. Un de mes préférés, sinon le préféré, en ce qui me concerne.

"'Je déteste faire des schémas, des travaux préparatoires de construction d'un roman " dit-elle en substance. Écrire en suivant un plan préétabli l'ennuie, fige son écriture, la contraint et condamne cette découverte de la vérité, cette clarification obstinée de l'obscur ,  qu'elle lui assignait en confiance.

Du petit lait, du miel, que tout cela, malgré la forme déplaisante de l'interview, et les questions sempiternelles sur son identité .

Oui, Ferrante , l'écrivain,  est une Grande.

Je suis persuadée qu'elle a ouvert largement les portes à toutes celles qui rêvent d'écrire sans se voir classées avec condescendance et mépris, dans cette "littérature féminine" qui dit assez d'où on la regarde et d'où on la nomme.

Merci Elena Ferrante. Vous faites du bien aux femmes. À celles qui vous lisent. À celles qui écrivent. À celles qui osent. À celles qui hésitent.

À  nous toutes.
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Ferrante l'intrigante, l'introuvable Elena Ferrante. de ces vingt dernières années, jamais sans doute une romancière n'aura autant fait parler d'elle.

Ferrante, cette incroyable inconnue qui écrit des livres épatants. Des romans populaires à l'écriture exigeante, c'est assez rare pour être remarqué.

On ne sait rien d'Elena Ferrante, pourtant elle nous est familière, comme le sont les héroïnes de ses romans. On ne connait rien d'elle si ce n'est que Naples est sa ville mère et qu'elle écrit, qu'elle écrit, qu'elle écrit…Car l'écriture c'est sa vie.
Vous voulez vraiment découvrir Elena Ferrante, alors lisez « Frantumaglia » véritable autobiographie-Méta-Ferrante, qui lève le voile sur le quotidien d'une femme habitée par la littérature et amoureuse de son Art.

Car la romancière n'est que création littéraire et c'est sans fard qu'elle nous confie trente années d'écriture intimes et, paradoxalement, ne pouvoir mettre un visage sur ces pages rend l'expérience de lecture assez formidable.

Interviews, correspondances, lettres non-expédiées, nouvelles... dans ce livre, véritable collages de textes tous plus profonds les uns que les autres, l'écrivaine se raconte en train d'écrire et nous révèle son combat quotidien entre vérité et mensonge et c'est passionnant.

Elena Ferrante ou l'art de se dissimuler et de s'exposer dans l'écriture.

Comme le disait Cocteau : « Qui se masque se démasque ».

Véritable livre atelier d'écriture, « Frantumaglia » s'avère être totalement indispensable à tous les fous de littérature.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'aime particulièrement lire des ouvrages qui traitent du processus de l'écriture : comment en quelque sorte on "devient" romancier, comment on aborde ce travail (même si Elena Ferrante estime qu'il ne s'agit pas d'un travail la concernant).

Il semble que l'auteur ait voulu faire une sorte de mise au point à travers ce recueil d'interviews et courriers personnels (datés de 1991 à 2016).

Car en effet, Elena Ferrante semble se cacher derrière son écriture, forcément les médias n'aiment pas beaucoup cela et pour parfaire le "mythe Elena Ferrante", ils inventent donc de multiples histoires à son propos : l'auteur de ses écrits serait un homme, voire même un groupe d'auteurs… Il n'y a pas de limite à leur imagination médiatique !
En même temps tout cela participe de la construction et peut-être aussi du succès d'Elena Ferrante.

Et si finalement il n'y avait qu'à ouvrir un de ses livres pour l'apercevoir derrière ses personnages ?

La frantumaglia est un mot de dialecte napolitain utilisé par sa mère et qu'elle interprète ainsi : "la masse aérienne ou aquatique d'une infinité de débris qui s'impose au "moi" comme sa seule et véritable intériorité.

La frantumaglia est le dépôt du temps, sans l'ordre d'une histoire, d'un récit."
C'est aussi l'effet de la "notion de perte" comme elle tend à l'explorer à travers ses personnages que ça soit dans Les jours de mon abandon ou même dans L'Amie prodigieuse.
Car enfin, l'effacement qu'elle prodigue à ses personnages, ou plutôt la tentative d'effacement, entre évidemment en résonance avec l'effacement de l'auteur derrière son oeuvre.

La disparition, la place de la femme sont autant de thématiques qu'elle aborde assez naturellement.

Et puis, dans les écrits d'Elena Ferrante, il y aussi une sorte de musicalité, ce phrasé spécifique qui lui appartient et qui pour moi est parfaitement identifiable.

Je parle italien, je l'ai étudié, mais les mots d'argots napolitains qu'elle glisse dans son roman restent pour moi un mystère : les langues locales ou régionales semblent s'entrechoquer contre la langue nationale et les personnages qui les parlent être comme figés dans l'image que l'on se fait des uns ou des autres.
C'est pourquoi la notion d'identité au sens large me semble aussi importante dans toute l'oeuvre d'Elena Ferrante.

Elle refuse d'être le jouet du "loup médiatique", elle ne veut pas d'autopromotion ou lier son oeuvre à sa biographie personnelle.
Afin, comme elle l'explique ici de garder sa liberté totale de création.
Lien : https://www.xn--rdactrice-b4..
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Frantumaglia (2019) est une compilation d'entrevues et de courriers choisis ou de mails, échangés entre Madame Ferrante et divers journalistes du monde entier ainsi que avec ses amis éditeurs « E/O », gardiens de son anonymat, les époux Sandra Ozzola et Sandro Ferri.

Frantumaglia est une locution dialectale napolitaine trouvée par la mère de Ferrante pour décrire un état d'esprit lorsqu'on éprouve des impressions contradictoires qui tiraillent et déchirent, c'est à dire, un mal être inqualifiable autrement.

C'est probablement le sentiment ressenti par cette écrivaine littéralement harcelée sans relâche par les medias afin d'obtenir son vrai visage et son vrai nom, alors qu'elle proclame depuis des années son désir absolu d'anonymat pour que l'on puisse détacher son oeuvre de son image personnelle. Sa lutte fût longue et vaine puisque son identité a été dévoilée en 2016 par un journaliste italien de la façon la plus vile et indiscrète imaginable, tellement vile que je ne vais pas la raconter ici car cela m'écoeure. Que recherchaient ces journalistes après tout ? le scoop médiatique coûte que coûte, l'appât du gain, le panem et circenses de la Roma antique?

Ce livre est donc assez répétitif, et Madame Ferrante répète sans cesse les mêmes choses afin de justifier son silence médiatique. Nous apprenons au passage quelques renseignements très intéressants sur son inspiration, son travail d'écriture, ses doutes, son vécu. J'ai été séduite par sa soif de lecture (vaste et éclectique) et sa connaissance en matière littéraire; c'est une vraie amoureuse de la littérature qui sait citer; par exemple quand elle cite Freud dans Totem et Tabou (1912-13) pour souligner le cas d'une patiente qui refusait de se servir de son nom, redoutant qu'on s'en empare pour lui dérober sa personnalité. Quelques interviews sont plus percutantes que d'autres, plus intelligentes; quelques unes frôlent l'insolence et d'autres la malveillance pure et dure.

Elena Ferrante a connu un grand succès avec sa tétralogie sur Naples et les trois ouvrages qui ont précédé la publication de cette tétralogie, bien qu'ayant connu un moindre succès, sont largement cités et expliqués dans ce livre. Des trois ouvrages j'ai seulement lu Les jours de mon abandon qui m'a semblé remarquable et que j'ai commenté en août 2016. Les autres ouvrages sont L'amour harcelant (1992)et Poupée volée (2006).

Un livre adressé à ceux qui s'intéressent de très près au travail littéraire de Madame Ferrante.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Quel plaisir de retrouver les mots d'Elena Ferrante ! Dans ce livre, ils prennent la forme de lettres, d'interviews, de notes et nous permettent de mieux connaître l'autrice. 

On pourrait me qualifier de "fan" d'Elena Ferrante, chacun de ses romans m'emporte et me bouleverse sans que je ne sache toujours pourquoi. Ce livre n'aura pas dérogé à la règle. J'y ai découvert une femme qui ressemble à ses personnages : sensible, forte, érudite, engagée, passionnée et passionnante. 

N'en déplaise à bon nombre de journalistes qui font une sacrée fixette, nul besoin de voir le visage de l'artiste pour en apprécier l'oeuvre. Je crois, comme elle, que les livres n'ont pas besoin de leurs auteurs une fois qu'ils sont écrits. "S'ils ont quelque chose à raconter, ils finiront tôt ou tard par trouver des lecteurs". Une chose est sûre, les livres d'Elena Ferrante m'ont bel et bien trouvée et il me tarde que le prochain croise ma route. 
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critiques presse (5)
Culturebox
15 mars 2019
On retrouve dans ces correspondances la plume riche et passionnée d’Elena Ferrante, ainsi que les thèmes abordés par ses œuvres de fiction [...] A travers ces lettres, l’auteure partage sa passion pour l'écriture et sa vision de l'auteur. Elle explique ce qui a motivé son choix de garder l'anonymat : au début, sa timidité et une volonté de préserver ses proches… Au fil des années, elle évoque cette décision comme un engagement. Pour elle, l'écrivain ne doit pas être un personnage médiatique car le livre doit rester central. Sa médiatisation porterait préjudice à son oeuvre en la relèguant au second plan.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
14 février 2019
Un recueil de lettres et d'entretiens permet d'esquisser la personnalité de l'auteur de L'Amie prodigieuse. Et de connaître ses intentions.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaPresse
06 février 2019
C'est aussi le titre d'un passionnant recueil de textes dans lesquels l'écrivaine, qui préfère écrire sous pseudonyme, parle d'écriture et de création [...] Un livre absolument captivant et un excellent complément aux romans de Ferrante.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaCroix
13 janvier 2019
La grande romancière italienne, auteure du célèbre « L’Amie prodigieuse », invite à une réflexion sur la nature, les difficultés, les enjeux de l’écriture romanesque.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Actualitte
04 janvier 2019
Ne jamais dire la vérité. Jamais. Voilà comment ce texte se dévoile le plus : une autobiographie, dans l’esprit, mais assurément pas dans les faits…
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère m’a légué un mot de son dialecte qu’elle employait pour décrire son état d’esprit lorsqu’elle éprouvait des impressions contradictoires qui la tiraillaient et la déchiraient. Elle se disait en proie à la frantumaglia. La frantumaglia (elle prononçait ce mot en redoublant le m) la déprimait. Parfois elle lui donnait le vertige ou lui faisait monter un goût de fer à la bouche. Ce mot désignait un mal-être qui n’était pas qualifiable autrement, il évoquait une foule de pensées hétérogènes, des rebuts flottant sur l’eau boueuse de son cerveau. Mystérieuse, la frantumaglia engendrait des actes mystérieux, elle provoquait toutes les souffrances qui n’étaient pas associables à une seule raison évidente. Plus tard, dans sa vieillesse, la frantumaglia la réveillait en pleine nuit, l’amenait à parler toute seule puis à en avoir honte, lui soufflait de petits refrains incompréhensibles à chantonner tout bas qui se concluaient bien vite par un soupir, la poussait à sortir subitement sans éteindre la cuisinière sur laquelle la sauce finissait par brûler dans sa casserole. Souvent, elle lui tirait aussi des larmes, raison pour laquelle ce terme s’est ancré dans mon esprit, dès l’enfance, pour définir avant tout des pleurs subits et sans raison consciente : des larmes de frantumaglia.
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Son travail de couturière commençait – pour moi, bien entendu – dans les magasins de tissus. J’aimais beaucoup l’accompagner. Je regardais, fascinée, le vendeur – ou le patron en personne quand la boutique ne disposait pas de vendeur – se mouvoir avec une sorte de gaieté. Il tirait des étagères les pièces rectangulaires et les déployait aussitôt sous forme de vagues en direction de sa cliente, faisant sursauter, sautiller, rouler rapidement l’étoffe sur elle-même comme si elle était vivante. Ma mère en frottait un bout entre pouce et index, les yeux fixés devant elle, imaginant peut-être que cela augmentait la sensibilité de ses doigts. L’odeur du tissu neuf montait alors à mes narines, une odeur âcre qui stagnait en général dans le magasin et que le dépliement rapide m’avait soufflée au nez. Frôlée par les vêtements de ma mère, la tête à la hauteur de sa taille, je contemplais les tissus qui s’amoncelaient sur le comptoir, devinant qu’elle choisissait le plus approprié au sort qu’elle comptait lui jeter. Je connaissais bien ce sort, et il ne cessait de m’enchanter. L’étoffe neuve serait marquée à la craie, découpée par les ciseaux, et ses lambeaux effilochés recouvriraient le sol. Avec ses épingles, son aiguille et son fil, ma mère lui donnerait une forme, la forme précise d’un corps : elle était capable de fabriquer des corps d’étoffe. L’odeur du tissu neuf, un parfum étranger, sauvage, se répandrait une dernière fois, avant d’être apprivoisée dans notre appartement et de s’évaporer.
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Avant tout, il importe de ne jamais oublier que, dans de vastes zones de notre planète, la condition des femmes est particulièrement tragique. Dans celles où de nombreux droits ont été acquis, il demeure difficile d’être une femme qui s’oppose à la représentation que les hommes, y compris les plus cultivés et les plus évolués, donnent de nous. Nous sommes nous-mêmes au milieu du gué. Nous hésitons entre une adhésion enracinée aux attentes masculines et les nouveaux modes du féminin. Bien que nous soyons libres et combatives, nous acceptons que notre besoin de nous épanouir dans tel ou tel domaine soit ratifié par des hommes influents qui nous cooptent après s’être assurés que nous avons suffisamment introjecté la tradition masculine, que nous savons l’interpréter dignement en laissant de côté les fragilités et les ennuis du féminin. Nous devons nous battre pour que les choses changent en profondeur, et nous n’y parviendrons qu’en construisant une grande tradition féminine à laquelle les hommes seront obligés de se comparer. Il s’agit donc d’une longue bataille, centrée sur l’activité des femmes dans tous les domaines, sur l’excellence de leur pensée et de leurs actions. Les choses ne commenceront à changer vraiment que le jour où un homme reconnaîtra publiquement sa dette envers l’œuvre d’une femme sans afficher cette bonhomie et cette arrogance que donne le sentiment de supériorité.
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Voilà pourquoi mes textes regorgent de références à des situations et des événements qui se sont vraiment produits - mais réorganisés et réinventés de façon à en être transformés. Ainsi, plus je garde mes distances avec mon écriture, plus elle devient ce qu'elle veut être : une invention romanesque.
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Écrire est un acte de superbe. Je l'ai toujours su, et c'est la raison pour laquelle j'ai longuement caché mes écrits, en particulier aux êtres que j'aimais. Je craignais de me dévoiler et d'être désapprouvée.
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Vidéo de Elena Ferrante
L'Amie prodigieuse, l'adaptation télévisuelle de la saga littéraire d'Elena Ferrante est de retour pour une troisième saison sur Canal +.
À l'heure où on retrouve Elena et Lila, les héroïnes nées sous la plume de la mystérieuse écrivaine italienne, les deux jeunes femmes sont bel et bien à la croisée des chemins. Celle qui fuit et celle qui reste, le sous-titre de ce troisième opus, n'a pas été choisi au hasard.
Quels choix de vie, quels renoncements, quels arrachements, parfois, faut-il consentir pour accomplir sa destinée individuelle et gagner sa propre liberté, quand on est une femme ? A fortiori une jeune femme pauvre dans l'Italie violente des années 70, entre années de plomb et forfaits de la Camorra ?
Tel est le fil rouge de cette troisième saison, sans doute la meilleure à ce jour depuis le début de la transposition télévisuelle de l'oeuvre littéraire d'Elena Ferrante. À la fois moins empesée et académique que la première, et beaucoup plus ample, du point de vue romanesque, que la deuxième. Une vraie réussite.
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