Lila-Lenù, deuxième manche! A ma droite Lila, la casse-couilles flamboyante; à ma gauche, Lenù, l'intellectuelle cauteleuse... arbitrage difficile et combat acharné..
Je ne vous parlerai plus de balançoire, comme dans le tome 1..mais d'une lutte âpre pour vivre- ou survivre- pour arriver- ou pour exister.
Ni sans toi, ni avec toi semble être la devise des deux lutteuses...
J'ai dévoré d'une traite le tome 2 de l'Amie prodigieuse!, fraîchement paru en français.
Pas déçue du match, et même un peu sonnée..
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Voici nos deux amies aux prises avec la vie d'adulte: le mariage, l'amour, les enfants, la réussite sociale, l'accomplissement personnel...
Dit comme cela , cela paraît d'un convenu accablant et le pire des romans à l'eau de rose pourrait entrer dans ce schéma...
Ce serait mal connaître Elena Ferrante: elle déchaîne une tornade de sentiments, d'injures, de cris, de coups qui se mêle incongrûment à une analyse raffinée, distanciée- parfois complètement tordue- des êtres et de leurs motivations secrètes. Elle braque un regard de plus en plus décapant sur la société italienne des années soixante qui paraissaient si prometteuses de lendemains qui chantent..-et spécifiquement sur les femmes des classes populaires napolitaines, pauvres et débordantes d'énergie, prises entre les mirages du mariage et ceux de l'émancipation culturelle.
Tout démarre en fanfare!
Argent, confort, commerce florissant :le mariage de Lila avec Stefano l'épicier semble la couronner reine du quartier tandis que Lenù, pauvre, besogneuse, appliquée à ses études, trime dans l'ombre. Mais ne dit-on pas: la mariée est trop belle?
Une parenthèse enchantée- des vacances "de luxe" à Ischia, au bord de la mer- jette soudain la lumière crue du soleil d'été sur cette mascarade.
Tout vole en éclats. Tout se détériore: la vie de l'une, celle de l'autre et même celle de tous les très jeunes couples qui les entourent..
Lila la belle, l'insolente fait l'épreuve de la passion, de l'abandon, de l'humiliation, de la chute mais sans jamais se départir de sa morgue flamboyante.
Lenù, la moche, la boutonneuse, la miséreuse, réussit à sortir de l'ombre, à séduire,à conquérir la reconnaissance sociale mais sans jamais se départir d'un sentiment d'illégitimité qui mine même ses plus grandes réussites.
Lenù c'est Pinocchio: elle n'est que la marionnette de la Fée Bleue - c'est , étonnamment , le nom du petit conte que Lila, enfant, avait écrit et illustré avec l'imagination et le talent de la petite fille surdouée qu'elle était.
Comme Pinocchio essaie de devenir un vrai petit garçon de chair et d'os, Lenù essaie de devenir une vraie petite intellectuelle à la culture solide. Elle s'évertue louablement, toute tendue vers son idéal: intégrer cette bourgeoisie cultivée des grandes villes, cette classe dominante biberonnée à la culture et qui n'a pas à faire le moindre effort pour être crédible.
Mais tous ses efforts, c'est à un sort magique jeté par la Fée Bleue, dans sa petite enfance, qu'elle les doit. C'est Lila , même déchue, même avilie, même malheureuse qui a jeté en elle cette énergie, c'est d'elle qu'elle la détient, c'est elle qui à tout moment de sa vie, elle le sait pour l'avoir vécu plus d'une fois, peut tout lui reprendre...d'un coup de dés ou d'un coup de gueule..
Le génie de Ferrante, c'est de lier indissolublement le destin de ces deux jeunes femmes que tout oppose pourtant.
Même l'écriture du roman semble tirer sa substance de leur lutte fratricide et de leur amitié indéfectible: quand elles sont trop éloignées l'une de l'autre, les péripéties romanesques deviennent mécaniques, répétitives ou sans grand intérêt.
Même phénomène pour les personnages: si les hommes ont plus de relief, d'individualité, bizarrement, les autres figures féminines -Carmen, Pinuccia, Ada,Marisa, Gigliola... - perdent leurs contours et paraissent un peu interchangeables , devant ces deux dévoreuses d'identité, Lila et Lenù.
La fougue d'Elena Ferrante passe aussi dans son art des ruptures: comme le tome 1, qui s'arrêtait sur l'entrée provocante, au mariage de Lila, des deux frères Solara, les maffieux du quartier, le tome 2 lui aussi s'achève sur une rencontre inattendue et éprouvante...de quoi mettre nos nerfs à rude épreuve car les tomes 3 et 4 ne sont pas encore traduits en français!
Je crois que je vais risquer la VO, ce sera trop long d'attendre la suite de ce thriller féministe et trop frustrant de quitter des yeux cette chronique haute en couleurs!
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Je ne ferai pas un trop long commentaire, car tout a été dit mais tant pis……… ;
C'est la suite romanesque, addictive, passionnante, percutante, qui incite à une réflexion intense sur cette période du parcours de Lila Cerullo et Elena Greco, des adolescentes inséparables dont les destins vont bifurquer.
Nous traversons avec elles les années 60 à Naples : mafieuse, miséreuse, gangrénée par la Camorra, où le déterminisme social n'est pas un vain mot.
Les deux jeunes filles choisissent un destin bien différent pour tenter d'échapper à la pauvreté des bas quartiers et à la soumission patriarcale.
Lila, provocante, brillante, abandonne l'école pour se marier à un homme riche……
Elena poursuit ses études et rompt avec le passé en quittant Naples.
L'auteur décrit un monde où les filles n'ont guère le choix : soit ressembler à leur mère et subir la violence des hommes, s'épuiser entre l'usine et la cuisine, soit s'échapper et sans cesse craindre de retomber pour toujours dans cet univers familial oppressant, restrictif, appauvrissant qui leur colle à la peau…
Lila se bat, royale, violente parfois, souffre et fonce sans trop réfléchir ….
Elena, traine, sans le vouloir sa culpabilité de classe, cherche à se défaire de son accent et de ses vêtements pour le moins modestes…
A travers des descriptions précises, un style vivant, charnel, à la fois simple et épuré, l'auteur révèle avec une acuité remarquable les jalousies déchirantes, les colères, les non- dits, les violences insensées, les délires sexuels qui confinent au dégoût, les affections et revirements, les abandons et les retrouvailles dans une ville gangrénée, souillée, infiltrée de façon insidieuse par la Camorra !
Cette fiction politique intime, d'une sensibilité époustouflante, ce travail intense sur les sentiments et les tensions au coeur de cette Italie du sud, cette écriture lumineuse ne nous lâchent pas un instant.
Un plaisir infini, pétri d'émotions riches et diverses, une réflexion rare sur une société napolitaine cloisonnée par l'éducation et l'origine sociale oppressantes !
Lila et Elena n'ont pas fini de payer leur dû à une liberté qui vaut de l'or !
Vivement les deux autres tomes !
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Dans cette suite de l'Amie prodigieuse, les deux amies d'enfance, Elena et Lila, connaissent des destins très différents qui les éloignent : alors que Lila se marie à un riche épicier qu'elle méprise, Elena poursuit ses études à Pise. Toutefois, elles se retrouvent pendant un été de vacances à Ischia où elles découvrent qu'elles aiment le même homme, Nino, l'amour de toujours d'Elena. Sans lui pardonner ou lui en vouloir vraiment, une fois encore, Elena s'efface devant la passion et la détermination de son amie.
Autant j'avais trouvé l'enfance et l'adolescence des deux amies interminables, autant leur vie de jeunes adultes et leurs questionnements existentiels m'ont passionnée. Elena Ferrante analyse avec une grande finesse les rapports amicaux, conjugaux, familiaux et sociaux de ses personnages - notamment dans le long passage à Ischia où les tourments et les joies des amours de jeunesse sont décortiqués et sonnent si juste qu'ils sont susceptibles de nous renvoyer à notre propre expérience.
En découvrant la fin de ce brillant roman, dont il me tarde de connaitre la suite, on ne peut s'empêcher de penser qu'il comporte des éléments autobiographiques qui lui donnent ce ton d'authenticité si fort qui est sa qualité remarquable et singulière.
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Le deuxième tome de la tétralogie de l'écrivain italien (...) il raconte la difficile émancipation de deux amies d'enfance à la fin des années cinquante, à Naples.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Les orages de la passion semblent s’acharner sur nos deux héroïnes qui illuminent, par leur extraordinaire charisme, cette saga aux divines couleurs de l’Italie.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
A travers ses descriptions précises, et grâce à son écriture charnelle, l'auteur révèle les affections et les jalousies déchirantes, les désirs sexuels qui virent au dégoût, le besoin constant d'échapper au quotidien.
Lire la critique sur le site : Telerama
Dans le monde, tout était équilibre et tout était risque: celui qui n'acceptait pas de prendre des risques et n'avait aucune confiance dans la vie dépérissait dans un coin. Soudain, je compris pourquoi je n'avais pas eu Nino et pourquoi Lila, elle, l'avait eu. Je n'étais pas capable de m'abandonner à de véritables sentiments. Je ne savais pas me laisser entraîner au-delà des limites. Je ne possédais pas cette puissance émotionnelle qui avait poussé Lila à tout faire pour profiter de cette journée et de cette nuit. Je demeurais en retrait, en attente. Alors qu'elle, elle s'emparait des choses, elle les voulait vraiment, se passionnait, jouait le tout pour le tout sans crainte des railleries, du mépris, des crachats et des coups. Bref, elle avait mérité Nino parce qu'elle considérait que l'aimer, cela voulait dire essayer de l'avoir, et non espérer qu'il la veuille.
« Lina, io ti voglio bene da quando eravamo piccoli. Non te l'ho mai detto perché sei molto bella e molto intelligente, io invece sono basso, brutto e non valgo niente. Adesso tu torni da tuo marito. Non so perché l'hai lasciato e non lo voglio sapere. So solo che qui non puoi stare, non ti meriti di vivere nella monnezza. Ti accompagno fin sotto il portone e aspetto: se lui ti tratta male, vengo su e l'ammazzo. Ma non lo farà, anzi sarà contento che sei tornata. Pero facciamo un patto: nel caso che con tuo marito non trovi un accordo, io ti ho riportata da lui e io ti vengo a riprendere. Va bene?».
« Lina, je t’aime depuis que nous sommes petits. Je ne te l’ai jamais dit parce que tu es très belle et très intelligente, alors que moi je suis petit et moche et je ne vaux rien. Maintenant, tu vas rentrer chez ton mari. Je ne sais pas pourquoi tu l’as quitté et je ne veux pas le savoir. Je sais juste que tu ne peux pas rester ici, tu ne mérites pas de vivre dans une poubelle. Je t’accompagne jusqu’en bas de chez toi et j’attends : s’il te traite mal, je monte et je le tue. Mais il ne le fera pas, au contraire il se réjouira de ton retour. Mais nous, nous faisons un pacte : si jamais les choses ne s’arrangent pas avec ton mari, c’est moi qui t’ai ramenée à lui et c’est moi qui viendrai te rechercher. D’accord ? »
« Ce n'était qu'une question d'argent, Lila. Maintenant tout a changé, tu es beaucoup plus belle que la jeune fille en vert. »
Mais je pensai : ce n'est pas vrai, je te raconte des mensonges. Dans l'inégalité il y avait quelque chose de beaucoup plus pervers, et maintenant je le savais. Quelque chose qui agissait en profondeur et allait chercher bien au-delà de l'argent. Ni la caisse des deux épiceries ni même celle de la fabrique ou du magasin de chaussures ne suffisaient à dissimuler notre origine. [...] Ça, moi je l'avais compris, et il y avait donc enfin quelque chose que je savais mieux qu'elle : je ne l'avais pas appris dans ces rues mais devant le lycée, en regardant la jeune fille qui venait chercher Nino. Elle nous était supérieure, comme ça, sans le vouloir. Et c'est ce qui était insupportable.
(p. 147-148)
Au début j'ai gardé la bouche fermée, mais ensuite je me suis dit : à quoi bon, ce n'est qu'un baiser! Et alors j'ai découvert ce qu'était vraiment un baiser, ce que je savais pas ! - et je n'ai plus été capable de m'en passer. Je lui ai donné la main, j'ai entrelacé mes doigts avec les siens et les ai serrés bien fort, et les lâcher était une douleur. Je suis passée à côté de tant de choses, et maintenant tout m'arrive en même temps ! Je découvre la vie de fiancée alors que je suis déjà mariée. Je suis fébrile, je sens battre mon cœur dans ma gorge et contre mes tempes. Et j'aime tout en lui ! J'aime qu'il m'entraîne dans des coins isolés, j'aime la peur que quelqu'un nous surprenne, j'aime l'idée qu'on nous voie. Tu fais ces trucs là avec Antonio ? Tu souffrais aussi quand il fallait que tu le quittes, et tu mourrais d'impatience de le revoir ? C'est normal, Lenu ? Pour toi, c'était comme ça ? Je ne sais comment tout cela a commencé, ni quand. Au début il ne me plaisait pas : j'aimais sa façon de parler et ce qu'il disait mais physiquement je ne le trouvais pas attirant. Je me disais il sait tellement de trucs, ce type là, je dois l'écouter et apprendre ! Or maintenant, quand il parle, je n'arrive plus à me concentrer. Je regarde sa bouche et j'ai tellement honte de la regarder que je détourne les yeux. Depuis quelque temps j'adore tout en lui : ses mains, ses ongles fins, sa maigreur, ses côtes qui apparaissent sous sa peau, son cou délicat , sa barbe qu'il ne sait pas bien raser et qui est toujours rugueuse, son nez, les poils de sa poitrine, ses jambes longues et minces, ses genoux.. J'ai envie de le caresser. Et il me vient des idées dégoûtantes, Lenu, mais vraiment dégoûtantes, et pourtant je voudrais les mettre en pratique pour lui donner du plaisir et pour qu'il soit heureux!
I maschi ti inseriscono il loro coso e diventi una scatola di carne con un pupazzo vivo dentro. Ce l'ho, sta qui e mi fa ribrezzo. Vomito di continuo, e la mia stessa pancia che non lo sopporta. Lo so che devo pensare cose belle, lo so che me ne devo fare una ragione, ma non ci riesco, ragioni non ne vedo e nemmeno bellezza. Oltre al fatto, aggiunse, che sento di non essere capace coi bambini. Tu si, basta vedere come ti prendi cura delle figlie della cartolaia. Io no, non sono nata con questa disposizione.
Les hommes te mettent leur truc à l’intérieur et tu deviens une boîte de chair avec une poupée vivante dans le ventre. Maintenant j’en ai une, elle est là et elle me fait horreur. Je vomis sans arrêt, mon ventre lui-même ne la supporte pas. Je sais bien que je devrais penser aux bons côtés et me faire une raison, mais je n’y arrive pas, je ne vois aucune raison ni aucun bon côté. Et puis, ajouta-t-elle, je sens que je ne sais pas y faire avec les enfants. Toi si, il suffit de voir comment tu t’occupes des filles de la papetière. Mais pas moi, je ne suis pas née avec cette disposition.
L'Amie prodigieuse, l'adaptation télévisuelle de la saga littéraire d'Elena Ferrante est de retour pour une troisième saison sur Canal +.
À l'heure où on retrouve Elena et Lila, les héroïnes nées sous la plume de la mystérieuse écrivaine italienne, les deux jeunes femmes sont bel et bien à la croisée des chemins. Celle qui fuit et celle qui reste, le sous-titre de ce troisième opus, n'a pas été choisi au hasard.
Quels choix de vie, quels renoncements, quels arrachements, parfois, faut-il consentir pour accomplir sa destinée individuelle et gagner sa propre liberté, quand on est une femme ? A fortiori une jeune femme pauvre dans l'Italie violente des années 70, entre années de plomb et forfaits de la Camorra ?
Tel est le fil rouge de cette troisième saison, sans doute la meilleure à ce jour depuis le début de la transposition télévisuelle de l'oeuvre littéraire d'Elena Ferrante. À la fois moins empesée et académique que la première, et beaucoup plus ample, du point de vue romanesque, que la deuxième. Une vraie réussite.
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