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L'amie prodigieuse tome 3 sur 4
EAN : 9782070178407
480 pages
Gallimard (03/01/2017)
4.13/5   4144 notes
Résumé :
Après L’amie prodigieuse et Le nouveau nom, Celle qui fuit et celle qui reste est la suite de la formidable saga dans laquelle Elena Ferrante raconte cinquante ans d’histoire italienne et d’amitié entre ses deux héroïnes, Elena et Lila.
Pour Elena, comme pour l’Italie, une période de grands bouleversements s’ouvre. Nous sommes à la fin des années soixante, les événements de 1968 s’annoncent, les mouvements féministes et protestataires s’organisent, et Elena,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (358) Voir plus Ajouter une critique
4,13

sur 4144 notes
Personne ne parle d'amitié comme Elena Ferrante.

Personne, comme elle, en trois volumes de plus de 500 pages chacun – le quatrième pour moi reste à découvrir- ne sait en épouser les méandres, en scruter les abysses, en éclairer les ambiguïtés, sans lasser, sans se répéter, sans tricher surtout.

L'amitié de Lila et Lenù, petites gamines du « rione » napolitain - ce « Quartier » populaire de Naples, ce microcosme, ce bouillon de culture, plein de vie, de rivalités, de haine, de violence et de tendresse- cette amitié-là, c'est tout sauf une amitié tranquille, une belle rencontre philosophique à la Montaigne.

« Parce que c'était lui, parce que c'était moi », disait Montaigne de la Boétie, son ami d'élection, et Brassens confrontait à ces « amis de luxe » ses « copains d'abord », des potes à toute épreuve, à la vie à la mort, et tout uniment , tout sincèrement amis. Entre les amis de luxe et les copains de Brassens pourtant, il y a la même clarté. Pas une feuille de papier à cigarettes entre eux. Pas l'ombre d'un doute. Pas la plus petite réserve. Confiance absolue.

L'amitié de Lila et Lénù, c'est un torrent, violent, qui disparaît parfois pour se cacher dans des grottes, on le croit perdu, il réaffleure, bouleverse tout, manque de tout noyer, puis il s'assèche. L'aurait-on rêvé ? A-t-il jamais existé ? Etait-ce un leurre, un fantasme ? Non, le revoilà, presque tranquille, on peut se voir dedans, c'est un miroir…jusqu'à ce que l'image réfléchie, encore une fois, se brouille, toute sombre, pleine de vase, agitée d'herbes enchevêtrées…

Voilà exactement par où passent les sentiments des deux amies – et les nôtres. Jamais de repos, jamais de certitude, si ce n'est celle d'un lien fort, excessif, troublant, parfois porteur, parfois mortifère, toujours en mouvement.

ATTENTION SPOIL [Lila et Lenù sont femmes : Lila a quitté son mari, Stefano, puis son amant, le beau Nino Sarratore sur qui a, depuis toujours, fantasmé Lenù. Son heure de gloire semble passée ; pauvre, amaigrie, agitée d'une étrange fièvre, elle travaille comme ouvrière dans une usine de charcuterie, veillée par Enzo qui la protège des autres et d'elle-même, et l'aide à élever son fils, Gennaro. Tous deux, après le travail d'usine, tentent de se former aux nouvelles machines IBM qu'on dit prometteuses d'avenir.

Lenù qui a choisi la voie studieuse, semble mieux partie : elle a publié un premier livre qui a eu du succès, a brillamment terminé ses études, fait bientôt un mariage bourgeois avec un jeune universitaire promis à un bel avenir, change de famille, de ville, de milieu. ]

Storia di chi fugge e di chi resta. Histoire de celle qui fuit, et de celle qui reste.

Mais là aussi, comme en amitié, rien n'est simple, rien n'est figé, tout est précaire.

Surtout quand l'Histoire s'en mêle.

Ce ne sont plus les trente glorieuses, mais les années de plomb : l'Italie rentre dans une sphère d'agitation politique violente. Les forces traditionnelles –le PCI d'un côté et la démocratie chrétienne de l'autre- sont, après trop de collusions et de compromis, fortement remises en question par les extrêmes : Noirs et Rouges s'affrontent dans les rues, aux portes des usines et des universités.

Les fascistes soutenu par la Maffia – la Camorra du « rione » est particulièrement virulente, incarnée dans le livre par le clan tout- puissant des Solara – et les « gauchistes » de Lotta continuà ou des Brigate Rosse auxquels se rallient communistes déçus, comme Pasquale, et intellectuels petits-bourgeois en mal d'action , comme Nadia, sèment le désordre dans les plans de carrière bien huilés, dans les institutions qu'on croyait inébranlables, dans les consciences de classe, dans les rapports entre hommes et femmes… et sèment aussi leurs morts.

Le « rione » n'est pas l'endroit où les règlements de compte sont les moins sanglants. Bruno,le patron d'usine, Gino, le fils du pharmacien, même la vieille reine du clan Solara, tous sont frappés. Pasquale et Nadia ont changé de discours et de méthodes..

Il va sans dire que nos deux amies subissent elles aussi les coups de boutoir de cette espèce de guerre civile : Lina devient une femme de pouvoir- maîtresse d'une science toute neuve qui fera bientôt des ordinateurs les rois de toute gestion industrielle et financière, et reine de coeur du plus redoutable aigrefin du Quartier. Lenù, l'intellectuelle, la prudente, perd peu à peu tout contrôle sur sa vie : ses maternités non désirées, et une passion trop longtemps refoulée qui refait brusquement irruption dans sa vie semblent devoir ébranler l'édifice de sa notabilité familiale et sociale qu'elle croyait stable.

Mais la navette qui tisse un va-et-vient entre ces vies particulières et l'histoire politique et sociale de l'Italie est celle de l'amitié : toujours interrogée, parfois réduite à un simple fil ...de téléphone, parfois transformée en un vrai câble pour sauvetage en pleine tempête - l'amitié tient ensemble en même temps qu'elle découd les pièces de ce puzzle.

C'est une amitié inquiète, qui pose mille questions, joue avec les points de vue, ne donne aucune réponse satisfaisante.

SPOIL BIS [Qui sauve qui? Lenù croit aider Lina mais ne fait-elle pas plutôt étalage d'un entregent social tout neuf, après son « beau mariage" ? Lila est-elle de bon conseil ou jette-t-elle un sort funeste à son amie, la vouant à n' être que son ombre, son éternelle seconde ? Lila est-elle une rebelle sans cause ou une ambitieuse sans scrupule ? Lenù est-elle une douce et sage femme d'intérieur et une intellectuelle d'occasion ? Ou une brillante écrivaine prise au piège des conformismes et du machisme ambiants ? Une fieffée égoïste ou une pionnière de la femme nouvelle ? ]

Ce qui rend ce roman si passionnant – et singulièrement ce troisième volume, lu en VO tant était grande mon impatience et impossible l'attente de sa traduction- c'est justement ce mélange entre saga et essai, entre roman d'initiation et réflexion sur l'amitié, entre l'histoire de deux amies et une étude de femmes : la femme dans le couple, le sexe, la maternité, la vie professionnelle, la vie familiale et sociale..


Sans concession, sans chichis, sans faux-semblants ni effets de style mais avec une rigueur, une intransigeance et une authenticité sidérantes, Elena Ferrante vient encore une fois de porter un grand coup.

Pour moi Ferrante c'est une sorte De Beauvoir pas du tout "rangée", qui aurait oublié qu'elle a été la compagne de Sartre et qu'elle a fait Normale Sup' - et qui, surtout, saurait nous intéresser sans nous ennuyer- pardon, Simone !

Un livre formidable, à lire très vite, dès qu'il sera traduit, bien sûr, ce qui ne saurait tarder. ..mais je vous ai traduit (vaille que vaille) nombre de citations pour vous mettre l'eau à la bouche…
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Fin des années 60. Elena, forte du succès de son livre, écume les librairies et les conférences, le plus souvent épaulée par Adele, la mère de son fiancé et certainement futur mari, Pietro, un homme intelligent, cultivé et bienveillant. Alors qu'un journaliste critique ouvertement son roman, un homme dans l'assemblée se lève et prend la défense d'Elena. La jeune femme est étonnée de se trouver face à Nino, son amour de jeunesse avec qui Lila a eu une liaison. Une rencontre qui bouleversera la jeune femme promise à un avenir bourgeois et réconfortant...
Lila, elle, a quitté Stefano et vit désormais avec son fils, Gennaro, et Enzo. Elle travaille dorénavant à l'usine de salaisons. Mais les conditions de travail sont pénibles, le patron et certains employés ont la main baladeuse. La jeune femme s'intéresse de plus en plus au contexte social...

L'on retrouve avec plaisir Elena et Lila, bientôt la trentaine, dans l'Italie de la fin des années 60. Période ô combien trouble et agitée politiquement et socialement qui subit des attentats, des actions révolutionnaires et féministes. C'est dans ce contexte que les deux femmes, dont l'amitié sera plus que jamais soumise à rudes épreuves, tentent chacune de leur côté de s'en sortir. Elena dans son mariage bourgeois qui ne la satisfait pas complètement, Lila militante pour le droit des femmes et des ouvriers. Dans ce troisième volet, les deux amies ne se voient que sporadiquement et entretiennent des relations à la fois bienfaitrices et destructrices. Une amitié complexe et rare dans laquelle les deux femmes sont tiraillées de part et d'autre. Elena Ferrante décrit avec précision tous ces sentiments (jalousie, amour, amitié, désir, cruauté, vengeance... ) mais aussi avec force cette Italie tourmentée. Une écriture passionnante, dense et authentique. Un roman captivant et fascinant...
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Troisième volet, et ça fonctionne toujours…

J'avoue, j'appartiens à la communauté qui s'est créée de livre en livre autour de cette saga, les deux premiers lus coup sur coup récemment, j'ai pisté et attendu la sortie du troisième la semaine dernière, bref : pas beaucoup d'objectivité à attendre de ma part. Je suis mordue.

Il y a bien eu en commençant ma lecture une petite réserve sur le rythme un peu lent du démarrage, et une légère lassitude à voir la narratrice Lénu se complaire encore dans un auto dénigrement vis-à-vis de Lila.
Mais la fluidité du récit, l'authenticité désarmante de ces deux vies racontées ont vite pris le dessus et les questionnements sans fin de Lénu prennent sens dans le déroulement complexe et inattendu des vies de ces deux amies/ ennemies devenues femmes, issues du même monde populaire et violent des quartiers populaires napolitains.

Ce qui m'a particulièrement touchée dans ce volet consacré à ces deux femmes trentenaires - âge du flamboiement dont elles perçoivent déjà la lente extinction à venir - outre que la réussite de ‘'celle qui fuit'' n'est pas plus une évidence que l'échec de « celle qui reste » (ce à quoi on s'attendait), c'est la manière dont Elena Ferrante inscrit, à distance mais en symbiose forte avec l'époque, l'évolution de ces deux protagonistes dans les courants politiques violents qui agitent l'Italie des années 70, tout en restant toujours profondément attachée à leur quotidien, à la féminité de ce quotidien.

Cette saga napolitaine lumineuse et addictive est un bonheur de lecture dont je ne me lasse pas.

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Pas de surprise pour ce troisième épisode de la saga napolitaine. Nos deux adolescentes, sont devenues des jeunes femmes, qui tentent tant bien que mal de tenir les rênes de leur destin. Illusion : tout est écrit. Pas dans un prédicat ésotérique, mais bien dans les mailles du filet tissé par le contexte historico-social, renforcé par la trame de leur appartenance à une famille bien spécifique.
L'heure est à la construction d'un couple, qui va de pair avec l'idée d'une descendance, sans choix réel : la conscience d'une entrave à l'évolution d'une carrière universitaire est bien présente chez Elena, mais la pilule se distribue sous le manteau,. le piège se referme sur la jeune femme, qui vit des heures lourdes et désespérantes auprès de Pietro, que nous découvrons très différent du fiancé épris.
Pendant ce temps, les liens qui unissent les deux amies se relâchent, le fossé se creuse et pourtant ce qui les rapproche, c'est cette ambiance de guerre civile qui a marqué les années de plomb en Europe de l'Ouest, particulièrement en Italie où l'activisme politique est violent.

A Naples, les luttes de rue qui opposaient les clans rivaux sont toujours présentes : ce qui a changé c'est l'âge des protagonistes et les méthodes (en gros, on joue toujours au Monopoly, mais avec des vraies rues et des vrais billets).

L'auteur fait évoluer ses personnages avec un grand talent. Les traits se sont creusés et les défauts accentués mais on reconnait derrière chaque figure, l'enfant qui subissait ou dominait. La roue tourne , mais sur elle même.

C'est bien sûr Elena qui reste au centre de la narration. C'est à travers son regard que l'on vit cette période troublée . Toujours écartelée entre ses origines et ses ambitions, que la maternité met à mal, elle est plus que jamais à mes yeux le pendant italien de notre Annie Ernaux.

Le récit n'a rien perdu de son intérêt, tant historique que romanesque et c'est avec impatience que je vais guetter la parution du quatrième épisode.

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Elena Greco, la narratrice, m'a repris dans son récit et j'ai à nouveau plongé dans cette histoire tellement napolitaine mais aussi italienne, histoire d'amitié, d'amours mais aussi sociale et politique de la fin du XXe siècle. On le sait, Elena Ferrante n'est pas le vrai nom de l'auteure de cette saga, L'amie prodigieuse, maintenant adaptée en série télé, mais le talent de celle qui écrit ne se dément pas.

Avant de replonger dans le passé, Elena (Lenuccia ou encore Lenù) se situe en 2010 et dit que la dernière fois qu'elle a rencontré son amie, Raffaella Cerullo, appelée plutôt Lina ou Lila, c'était en 2005. Retrouvant Naples, sa ville natale et son dialecte, elle constate : « Quand je rentrais de Pise, le gratte-ciel de la gare, loin de symboliser le renouveau d'une communauté, ne me semblait plus qu'une preuve supplémentaire de son inefficacité. » Elle ajoute même : « une ville faite d'un feuilleté de plus en plus friable. »
Si Lila ne veut pas qu'elle écrive sur elle, c'est raté ! En effet, c'est parti et nous voilà quarante ans plus tôt pour prendre la suite de leur jeunesse avec cet âge adulte, cette Époque intermédiaire, comme l'indique le sous-titre de ce volume III.
Les hommes, maris, amants, copains d'enfance, prennent une place importante mais c'est Nino Sarratore qui éclipse finalement tous les autres. Il fascine, déçoit, attire, est aimé, adoré, détesté puis aimé à nouveau par ces femmes dont les sentiments, les désirs, les souffrances, les joies, les déceptions sont si bien rendus par un texte d'une finesse incroyable.
De plus, il y a la famille, les familles, certaines modestes, d'autres parvenues et d'autres encore qui ont eu la chance de posséder l'argent, cet argent que les Solara gagnent par tous les moyens.
Puis, c'est le monde du travail que Lila permet d'explorer avec les salaisons de Bruno Soccavo où les gens sont exploités, les femmes abusées, maltraitées où la toute-puissance du patron n'a pas de limites, empêchant par tous les moyens l'émergence du syndicalisme. C'est là enfin que le contexte politique apparaît avec la bataille féroce engagée par les fascistes pour permettre à ceux qui ont le pouvoir de le conserver. Mai 1968, en France, mobilise aussi en Italie et les débats dans les universités sont virulents.
Elena fait sa vie dans tout ça, retrouve épisodiquement son amie prodigieuse, ne la laisse jamais tomber. J'ai trouvé ce livre encore plus riche et plus dense que les précédents. Les personnages s'aiment, souffrent, se déchirent, se retrouvent, étudient, publient. le tout est écrit avec une extrême sensibilité, un sens aigu des sentiments humains, des difficultés à vivre ensemble et cela donne un roman passionnant qui captive de bout en bout et me motive pour lire le tome IV… bientôt.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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critiques presse (5)
LaCroix
20 janvier 2017
Dans les pressentiments de son héroïne, Elena Ferrante a saisi les signes annonciateurs de la violence qui apparut dans les discours politiques et se déchaîna pendant les « années de plomb ».
Lire la critique sur le site : LaCroix
Lexpress
16 janvier 2017
L'auteur tisse, dans un style à la fois classique et cru, ce récit tout en suspense de l'apprentissage de la vie, sur fond de dramaturgie sociale. Une prouesse que ce tissage de l'intime et du collectif.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
12 janvier 2017
Elena et Lila, les deux héroïnes du troisième tome de L'Amie prodigieuse, se sont toutes les deux mariées et ont eu des enfants. Dans l'Italie des années 1960, c'est ce qui arrive rapidement aux femmes, qu'elles soient diplômées comme Elena ou ouvrières comme Lila. Et c'est à ce moment-là aussi que tout peut exploser, comme va le montrer la romancière Elena Ferrante dans cet opus qu'on ouvre et qu'on ne quitte plus.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaLibreBelgique
11 janvier 2017
La magie opère toujours.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Telerama
04 janvier 2017
Elena Ferrante insinue à merveille la cruauté assassine des amitiés et des amours.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (334) Voir plus Ajouter une citation
Ve l’immaginate, chiese, cosa significa passare otto ore al giorno immersi fino alla cintola nell’acqua di cottura delle mortadelle? Ve l’immaginate cosa significa avere le dita piene di ferite a forza di spolpare ossa d’animale? Ve l’immaginate cosa significa entrare e uscire da celle frigorifere a venti gradi sotto zero, e prendere dieci lire in più all’ora - dieci lire - per l’indennità freddo ? Se ve l’immaginate, cosa credete di poter imparare da gente che è costretta a vivere cosi? Le operaie devono farsi toccare il culo dai capetti e dai colleghi senza fiatare. Se il padroncino ne ha necessita, qualcuna deve seguirlo nella camera di stagionatura, cosa che chiedeva già suo padre, forse anche suo nonno, e li, prima di saltarti addosso, quello stesso padroncino ti tiene un discorsetto collaudato su come lo eccita l’odore dei salumi.

Est-ce que vous imaginez ce que c’est, demanda-t-elle, de passer huit heures par jour immergé jusqu’à la ceinture dans l’eau de cuisson des mortadelles ? vous imaginez ce que c’est, d’avoir les doigts pleins de coupures à force de désosser la viande ? vous imaginez ce que c’est, d’aller et venir dans les chambres froides, à vingt degrés au-dessous de zéro, pour une indemnité de froid de dix lires – oui, dix lires – de l’heure ? et si vous l’imaginez, alors qu’est-ce que vous croyez pouvoir apprendre de gens forcés de vivre ainsi ? les ouvrières sont obligées de se laisser tripoter les fesses par les petits chefs et les collègues, sans moufter. Si le jeune patron a quelque besoin à assouvir, une fille doit le suivre dans la salle de séchage, ce qu’exigeaient déjà son père et peut-être son grand-père. Là, avant de lui sauter dessus, le jeune patron lui tient un petit discours bien rodé sur l’odeur des saucisses et combien ça l’excite.
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[début des 70's]
- Et lui, il peut se tromper ?
- Qui ça, lui ?
- L'ordinateur.
- Il n'y a pas de 'lui', Lenù, lui c'est moi. S'il se trompe, s'il patauge, c'est moi qui me suis trompé, c'est moi qui ai pataugé.
- Ah bon, dis-je avant de murmurer : je suis fatiguée.
Pietro fit oui de la tête et sembla prêt à conclure la soirée. Mais il s'adressa encore à Enzo :
- Tu as raison, c'est remarquable, mais si c'est comme tu le racontes, alors ces machines vont bientôt prendre la place des hommes, et toutes sortes de compétences vont disparaître. Chez Fiat, ils ont déjà des robots pour faire les soudures. On va perdre beaucoup d'emplois.
Sur le coup, Enzo acquiesça, mais il sembla y repenser et finit par recourir à la seule personne à laquelle il attribuait une autorité :
- Lina dit que c'est un bien : les boulots humiliants et abrutissants doivent disparaître.
(p. 341-342)
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Ce qu'il fallait faire, c'était s'en aller. Partir définitivement, loin de la vie que nous avions connue depuis notre naissance. S'installer dans un lieu bien organisé où tout était vraiment possible. Et en effet, j'avais décampé. Mais seulement pour découvrir, dans les décennies suivantes, que je m'étais trompée, et qu'en réalité nous étions prises dans une chaîne dont les anneaux étaient de plus en plus grands : le quartier renvoyait à la ville, la ville à l'Italie, l'Italie à l'Europe, et l'Europe à toute la planète. Et aujourd'hui, c'est ainsi que je vois les choses: ce n'est pas notre quartier qui est malade, ce n'est pas Naples, c'est le globe tout entier, c'est l'univers, ce sont les univers! Le seul talent consiste à cacher et à se cacher le véritable état des choses.
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Une société qui trouve naturel d'étouffer autant d'énergies intellectuelles féminines avec les tâches domestiques et l'éducation des enfants, est sa propre ennemie et ne s'en aperçoit même pas.
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Dans la cuisine, je commis l'erreur de demander à ma mère :
- Comment tu le trouves ?
- Le bijou ?
- Pietro.
- Il est moche et il a les pieds tordus.
- Papa n'est pas mieux.
- T'as quelque chose à dire contre ton père ?
- Non.
- Alors tais-toi ! Y a qu'avec nous que tu sais faire le chef.
- Ce n'est pas vrai.
- Ah bon ? Et alors, pourquoi tu te laisses commander ? S'il a des principes [athées], toi t'en as pas [avec ta religion] ? Fais-toi respecter !
Elisa intervint :
- M'man, Pietro est un gentleman, et toi, tu ne sais pas ce que c'est, un vrai gentleman !
- Et toi, tu le sais, peut-être ? Fais gaffe, t'es petite et si tu restes pas à ta place, je t'en colle une ! T'as vu les cheveux qu'il a ? Ça a des cheveux comme ça, un gentleman ?
- Un gentleman, c'est pas une beauté classique, m'man, un gentleman ça se remarque, ça a un genre spécial !
(p. 102)
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Vidéo de Elena Ferrante
L'Amie prodigieuse, l'adaptation télévisuelle de la saga littéraire d'Elena Ferrante est de retour pour une troisième saison sur Canal +.
À l'heure où on retrouve Elena et Lila, les héroïnes nées sous la plume de la mystérieuse écrivaine italienne, les deux jeunes femmes sont bel et bien à la croisée des chemins. Celle qui fuit et celle qui reste, le sous-titre de ce troisième opus, n'a pas été choisi au hasard.
Quels choix de vie, quels renoncements, quels arrachements, parfois, faut-il consentir pour accomplir sa destinée individuelle et gagner sa propre liberté, quand on est une femme ? A fortiori une jeune femme pauvre dans l'Italie violente des années 70, entre années de plomb et forfaits de la Camorra ?
Tel est le fil rouge de cette troisième saison, sans doute la meilleure à ce jour depuis le début de la transposition télévisuelle de l'oeuvre littéraire d'Elena Ferrante. À la fois moins empesée et académique que la première, et beaucoup plus ample, du point de vue romanesque, que la deuxième. Une vraie réussite.
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Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

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