AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070142927
464 pages
Gallimard (30/10/2014)
4.5/5   8 notes
Résumé :
« L'art poétique des polyphonies corses, connu de moi dès l'enfance, m'a portée à aimer le baroque, Ovide, le chant grégorien, les sonnets de Shakeaspeare, l'expression du désir anéanti, du désastre, de la langue perdue, Giotto, Piero della Francesca, la couleur terre de Sienne, les gisants napolitains, l'Iliade d'Homère, les messes des morts, le Miserere d'Allegri, les lamenti, la profonde solitude, Les Regrets de Du Bellay, l'amitié de haute valeur, la révolte, le... >Voir plus
Que lire après Les maîtres de chantVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Marie Ferranti m'a fait découvrir de beaux paysages corses, promenades en prélude, chaque fois, à de beaux concerts de chants polyphoniques qui font la renommée musicale de la Corse. Ces chants, tombés en désuétude, seraient disparus sans la ténacité de quelques belles voix corses. Le groupe I Campagnoli fut créé en 1989. En 1991, un concours de chants polyphoniques fut organisé à Bastia. Depuis cet art polyphonique a reconquis ses lettres de noblesse et sa renommée est désormais mondiale ; qui de nos jours n'a jamais entendu le groupe I Muvrini ? Marie Ferranti narre ses entretiens avec les musiciens, peintres et divers artistes, des rencontres dont le but était l'écriture de ce livre, Les Maîtres de chant.
C'est la très belle critique de Zebra qui m'a donné l'envie de cette lecture, je vous invite à la lire quant à moi je la remercie pour cette belle découverte.
Commenter  J’apprécie          450
Autant l'avouer tout de suite, découvrir ce récit bilingue écrit en corse et en français, ne me semblait pas si évident à moi qui ne sais pas aligner correctement deux mots de corse! Or, il s'avère que je n'ai éprouvé aucune difficulté à progresser dans ma lecture, bien au contraire, le texte est captivant, le livre se lit comme un roman. J'ai aimé le style de ce récit, où il est beaucoup question de polyphonies corses mais aussi où le lecteur rencontre des écrivains et des artistes plasticiens. Ce livre est un rendez-vous de l'Art dans ce qu'il a de plus beau, de plus noble. Il est teinté de nostalgie, émaillé de souvenirs d'enfance. Marie Ferranti aurait-elle été peintre, je l'aurais bien vue impressionniste ou pointilliste, appliquant des touches de couleurs légères mais précises. Pas de temps morts dans ce récit, pas d'ennui, pas d'emphase non plus. C'est un livre honnête, sobre, authentique, un hymne à l'amitié et au bel art. Il y a beaucoup de référence à des artistes de tous horizons, tous arts confondus, des peintres, des poètes, des écrivains, mais cela se fait en toute simplicité sans snobisme intellectuel ni étalage d'une érudition trop intempestive. Non tout est léger, naturel, élégant, d'une grande finesse... Merci a Marie Ferranti pour ces 444 pages authentiques, emplies de poésie, qui nous font pénétrer un monde qui n'est peut-être pas à la portée de tout un chacun. Un superbe livre. Un grand coup de coeur!
Commenter  J’apprécie          320
En octobre 2014, Gallimard édite, dans sa collection NRF, « Les Maîtres de Chant » de Marie Ferranti. A cette date, Gallimard -qui a découvert en 1995 les talents de romancière et d'essayiste de Marie Ferranti- a déjà publié une dizaine de romans du même auteur.

Née en 1962 à Lentu en Haute-Corse, Marie Ferranti est imprégnée de culture corse : la Corse, c'est sa chair et son sang. Avec « Les Maîtres de Chant », l'auteure nous convie à une pérégrination dans divers lieux de concerts de l'île (principalement des églises) ainsi qu'à une réflexion sur la musique et plus généralement sur l'art : il ne s'agit pas d'un ouvrage universitaire mais d'une flânerie chaleureuse en pleine corsitude, d'une promenade judicieusement accompagnée des conseils de choristes et de chefs de choeur de l'ile. Vous passez de villes en hameaux, où été comme hiver il se passe toujours quelque chose ; vous serpentez, à pied ou en voiture, entre montagnes et vallées étroites, avec des vues saisissantes sur la mer, parfois toute proche ; vous vous trempez les orteils dans l'eau glacée des rivières ; vous dégustez ici et là des canistrelli (gâteaux secs) qui tromperont votre faim ; vous faites connaissance avec de nombreuses personnalités locales (et pas seulement politiques) ; vous découvrez les beautés de la langue corse (Marie Ferranti émaille son récit de dialogues qu'elle a la gentillesse de traduire pour nous en français) ; vous rencontrez les groupes de chants et de polyphonies corses, notamment I Campagnoli avec son chanteur principal, Guidu Calvelli, lequel vous invite à faire la différence entre le chjama e rispondi, le lamentu (chant basé sur la tristesse) ; la paghjella (chant profane et court dont le texte de six vers est inspiré de la vie quotidienne de l'époque où il a été créé, et qui s'interprète à trois voix d'hommes : la « seconda » qui porte le chant, le « bassu » qui vient la soutenir et la « terza » qui vient ajouter ses ornements) ; et le voceru (chant traditionnel, profane, exécuté par une seule personne et basé sur le sentiment de colère).

Le récit frôle et tangente divers genres littéraires : pas tout à fait roman, plutôt mille-feuille de souvenirs construit sur un fil rouge, à savoir la création du Groupe I Campagnoli, avec leurs chansons, leur projet et les contributions de chacun, le tout sur la base de leurs témoignages. Marie Ferranti voue une admiration profonde pour les chanteurs corses et c'est sans violence aucune qu'elle vous jette à la figure le calme, la beauté, la lumière de la Corse musicale dans un mélange d'humilité, de pudeur, de retenue (voire de distance), de politesse et de raffinement, de dissonances, d'improvisations, de ferveur et d'esthétique. Vous êtes immergé dans le reflet des actes de la vie courante, les émotions, des pointes d'humour, une grande sensibilité, des signes d'amitié qui cimentent les relations interpersonnelles, une réelle fidélité aux anciens et le respect pour toutes ces vies croisées à l'occasion de ce qui ressemble à un reportage ou à un documentaire. L'auteure se laisse séduire par la communion, l'harmonie et la justesse qui émanent des polyphonies ; elle renoue avec sa langue, avec une mélancolie archaïque sophistiquée, effleurant ici ou là la dimension politique du chant corse.

Dans ce roman à recomposer (il est vrai que Marie Ferranti -qui écrit comme on court un sprint, à toute allure-, manifeste un goût certain pour l'esprit d'escalier), l'auteure se livre avec une réelle sincérité dans l'écriture, prenant quelques libertés avec la chronologie des évènements, passant d'un sujet à l'autre, d'un groupe de chanteurs à l'autre, prenant les individus sur le vif et surprenant le lecteur par l'authenticité de son propos. Elle transporte manifestement son monde (corse) avec elle, refusant l'autofiction, les poses maniérées, l'envie de réécrire à sa façon (à coups de mensonges ?) des légendes locales : Marie Ferranti veut parler vrai. Là où d'autres forceraient le trait ou navigueraient en pleine fantasmagorie, elle préfère raconter la vie et tisser la toile des amitiés, refusant de se mettre en avant, de parler d'elle (ou alors, avec de très petites touches, comme le ferait un peintre impressionniste), de s'exposer à l'obscénité de la scène. L'auteure se préserve, conservant par devers elle quelques menus secrets, se condamnant à la stratégie de la disparition, à l'effacement de soi, refusant l'embrigadement, se méfiant même des mots qu'elle utilise, nous emmenant avec elle en promenade dans une conversation ininterrompue sur près de 450 pages. Pour ce livre intime et singulier, je mets quatre étoiles et je recommande.
Commenter  J’apprécie          202

Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
LE DUENDE

Le silence suivit son chant
Ce n'était pas ses amis
Ou sa famille
C'était des connaisseurs
Venus de toute l'île
Pour l'écouter
Il y avait Petru le berger
Qui restait la bouche close
Ghjacumu le poète
Qui portait une bague bleue
À l'annuaire
Maria
Enveloppée dans un châle
De soie verte et bruissante
Et Paulu
Qui est à moitié gitan
Avait les mains posées à plat
Sur la table
On leur servit à boire
Un alcool doré
Qui brûle la gorge
Et dessèche les lèvres
Qu'ils avalèrent d'un seul coup
Le chanteur était assis
La tête dans les mains
Il se redressa à peine
Ils virent
Qu'il prenait son souffle
Il ferma les yeux
Mit la main à son oreille
Comme si la musique d'autres voix
résonnait en lui
Il attaqua le chant
D'abord
Ce ne fut qu'un murmure
Petru Ghjacumu Maria et Paulu
étaient à l'affût
Ils entendirent alors
Les appels des bergers
Dans l'écho des montagnes
La plainte des vents glacés
Et de l'amour perdu
Le déchirement des départs
Le sang et les larmes des femmes
Les guerres gagnées et perdues
Le corps transi d'amour de désir et de peur
La fatigue des marches dans les sentiers pierreux
La fraîcheur des fontaines
Sous les soleils de midi
Et le sommeil qui vient
Trop vite comme la mort
La voix se tarissait et sa musique aussi
Eux assis et raides
Buvaient sec
Quand le chant expira
Ils se levèrent et
Saluèrent le sombre génie
Qui l'avait inspiré
En tapant dans leurs mains
Comme sur des cymbales
Commenter  J’apprécie          120
page 247 [...] En visite dans une école, Petru s'étonne que peu d'élèves soient intéressés [...]
"On peut aimer le rap, le reggae, le hip-hop et le chant de vos ancêtres", leur a dit Petru.
Je ne le crois pas. Cela exige un apprentissage. Pour un adolescent, avouer aimer le passé, c'est avouer une rupture avec son temps, se mettre à l'écart. Rien de plus difficile. Aussi les discours ne servent-ils à rien. Ils n'en seront pas persuadés davantage. Il faut chanter et espérer qu'ils soient sensibles à cette beauté, qu'ils ne la considèrent pas incompatible avec leur identité sociale en gestation. [...]
Commenter  J’apprécie          220
C'est une des plus belles compositions de Jean-Paul.
Jean-Paul chante seul, accompagné au piano.

Un soffiu di libertà
Quandi u mare amurosu carezza le to sponde,
È chì l'aria s'infiara à l'imbruni di a terra.
M'incantanu e stagione chì azzicanu e to stonde,
È l'ombra di a pace ch'invadisce la sera.
Cum'è un soffiu di libertà.

(Un souffle de liberté
Quand la mer amoureuse caresse tes berges
Et que l'air s'embrase à la tombée de la nuit
Les saisons qui bercent tes instants
Et l'ombre de la paix qui envahit ta soirée m'enchantent
Comme un souffle de liberté.)
Commenter  J’apprécie          200
Pilou propose de chanter une paghjella avant de se quitter.
Petru lui demande d'en choisir une, à sa convenance, Pilou hésite et, avant d'attaquer le chant, en récite les vers.

Eri sera allu serena u russignulu cantava
Ne sentiva la so voce
Lu ventu la mi purtava.
È lu so cantu dicia
Chì l'invernu si ne hè andatu.

(Hier soir, à la tombée de la nuit, le rossignol chantait
J'entendais sa voix
Le vent me l'apportait.
Et son chant disait
Que l'hiver s'en est allé.)

Cette scène simple m'évoque l'élégance de la poésie japonaise, son glacis impeccable. J'ai retrouvé celui d'une impératrice, écrit il y a plus de mille ans :

La neige tombant encore
Le printemps est arrivé.
Du rossignol
Les larmes gelées
Maintenant vont-elles fondre ?
Commenter  J’apprécie          150
« Sais-tu, me dit Michèle, pourquoi jadis, les femmes ne chantaient pas la paghjella ? »
Je l'avais constaté, mais avouai mon ignorance.
« La bouche étant un organe éminemment sexuel, sans être dit, on considérait que ce serait obscène qu'elles le fassent. As-tu noté que les femmes arabes quant elles chantent, comme on voit leur langue, mettent la main devant la bouche ? »
J'étais sidérée, je n'avais jamais fait le lien entre toutes ces choses. C'était fascinant.
Commenter  J’apprécie          230

Video de Marie Ferranti (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie Ferranti
"La Cadillac des Montadori" de Marie Ferranti
autres livres classés : Corse (France)Voir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1081 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}