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Critique de musanostralecture


Si la plupart des livres de Marie Ferranti sont des romans, ce dernier serait plutôt une histoire véridique, au demeurant connue, qu'elle rapporte avec finesse et alacrité. Elle accompagne en effet ses deux héros, Napoléon et Pozzo, dans une présentation dont le ton est celui de la conversation enjouée et de l'érudition universitaire mêlées, en nous incitant à les redécouvrir dans tel ou tel des épisodes d'une vie qui fut pour l'un, célébrité planétaire, et pour l'autre, diplomate d'une rare qualité, sinon d'importance comparable du moins d'intérêt exceptionnel. D'autant que, natifs chacun, de la petite île de Corse et s'étant connus jeunes, ils eurent l'un et l'autre des destins peu ordinaires sur le théâtre européen d'un 19ème siècle où ce continent dominait l'univers. Attachés dès leurs débuts au général Paoli admiré, entraînés ensuite par les aléas de l'Histoire, celle de la Corse puis celle de la Révolution française et les voies qu'ils furent conséquemment appelés à prendre, ils restèrent opposés politiquement une vie entière et liés de manière patente par une haine étrange. On tient certes là un noeud d'aventures réelles, de faits historiques avérés, de renversements de situation connus qui font de cette affaire un magnifique sujet de tragédie antique, malaisé à traiter pourtant à cause de la disproportion même des deux destins d'inégale importance dont témoigne la littérature existant sur l'un et l'autre, mais aussi de la difficulté à faire émerger des faits bruts la force du sentiment de jalousie et de haine qui porte le livre. C'est là que Marie Ferranti fait merveille.
Sans oblitérer aucune des grandes pages de la saga des Bonaparte, de l'officier révolutionnaire à l'empereur conquérant, elle sait malicieusement captiver notre attention par des remarques personnelles, le rappel de menus faits, le recours à l'avis d'experts, le rapprochement des caractères ou la conduite des uns et des autres, en conduisant son texte avec vivacité et esprit, celui des salons où l'on cause, sans renoncer au cours sérieux d'histoire sans lequel le roman peu crédible l'emporterait. Aussi le lecteur se laisse-t-il emporter, jaugeant par lui-même çà et là de la plausibilité de telle hypothèse mais toujours séduit par le brio du récit, la pertinence des citations, l'ingéniosité des remarques philologiques y compris sur la langue corse qui imprégna sans doute longtemps le langage des deux protagonistes. Ainsi du vocable « inimicizia » dont la version française pourrait hésiter entre « inimitié » et « haine » mais, connotant souvent chez nous l'amitié rompue et la violence de la vengeance, il demeurerait proprement intraduisible.
le découpage de l'histoire pouvait évidemment pâtir d'un certain déséquilibre dès l'instant qu'on prétendrait mener parallèlement le déroulement des deux carrières : le titre même des chapitres montre que là encore, l'habileté de l'auteur tire à merveille son épingle du jeu, non seulement en convoquant opportunément des personnages secondaires fort intéressants, mais en édifiant dans la logique du conte des stratagèmes de récit, de brillantes transitions, qui contribuent à rendre la lecture attrayante et jamais ennuyeuse, même lorsqu'une pédante « métalepse » vient souligner la présence souriante de l'ami contemporain Beretti dans le rôle du conseiller anglophile, ou encore celui de la mère de l'auteur récitant du Hugo et refusant de trop toucher à la légende napoléonienne.
Jacques Fusina mai 2012





















































Lien : http://www.musanostra.fr
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