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3,7

sur 613 notes
En ce qui concerne le style de Ferrari, il est magistral.

La construction du roman est brillante. le narrateur est le prêtre qui sert la messe des funérailles de sa nièce et filleule, Antonia. Un choeur  chante en polyphonie ; chaque partie du Requiem est le titre des chapitres. Je ne connais pas la liturgie, je ne peux faire les correspondances, je suppose qu'il y en a. Cette messe va raconter la vie de la défunte - une photographe de presse.

C'est donc l'histoire d'une jeune femme d'aujourd'hui, fascinée par les photographies anciennes, à qui son parrain, le prêtre, a offert son premier appareil photo, qui deviendra photographe dans un quotidien régional ; lassée de couvrir les concours de pétanques et les événements provinciaux, elle part comme photographe de guerre en Bosnie et en Serbie. A son Image a pour thème l'image photographiée, le témoignage des photographes de presse. Curieux hasard, j'ai lu le mois dernier Miss Sarajevo, l'histoire d'un photographe de cette même guerre.

"Oui, les images sont une porte ouverte sur l'éternité. Mais la photographie ne dit rien de l'éternité, elle se complaît dans l'éphémère, atteste de l'irréversible et renvoie tout au néant.."

Photographier l'horreur de la guerre, "les massacres, les déportations [...]brutalement arrachés à la sphère de l'intime pour être exposés en pleine lumière" . Dès 1911, on attend de Gaston C "qui'l tienne la chronique minutieuse des défaites de l'empire Ottoman" en Lybie, quand les troupes italiennes s'emparent de la Tripolitaine, qu'il illustre la propagande colonialiste italienne en quelque sorte . Il prend des photos d'un massacre impossibles à publier, puis la pendaison des responsables du massacre, quatorze arabes pendus en chapelet d'un même gibet, puissance de l'image, déjà!

De l'autre côté de la Méditerranée, dans les Balkans, un autre photographe, Rista développe les pellicules trouvées sur des soldats autrichiens et "découvre que, curieusement, les hommes aiment à conserver le souvenir émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces, de la naissance de leurs enfants[...]Tout au long du siècle qui commence ils prendront des photos de leurs victimes, abattues ou crucifiées le long des routes d'Anatolie comme dans un jeu de miroirs  multipliant à l'infinie l'image du christ, ils poseront inlassablement le long d'une fosse pleine de corps nus...."

Réflexion sur le pouvoir des images, et sur la fascination pour les images horribles. La photographie comme témoignage, comme propagande, doit-on tout photographier?

Les images racontent l'horreur  tout au long du 20ème siècle, le long des guerres qui l'ont ravagé.

Plus près d'Antonia, en Corse, une autre sorte de guerre - celle que les indépendantistes croient mener contre le pouvoir colonialiste - mobilise les garçons du village. Antonia assiste à ces réunions clandestines des hommes cagoulés, ses photos valident la mise en scène  "Sous son objectif tous ses amis évoquaient des personnages de tragédie en proie à d'indicibles tourments, ce qui pouvait bien être le cas... "Antonia comme les autres filles sont réduites au rôle de compagnes des combattants. Rôle, oh combien  traditionnel. Antonia devient "la femme de Pascal B.", qui est arrêté, puis incarcéré. Elle ne peut se contente de ce rôle et le quittera. Plasticages, ruptures dans le FNLC, compétition des attentats....

En 1991, Antonia arrive à Belgrade, rejoindre la guerre qui vient d'éclater, elle prend des photos qui'l et impossible de regarder, elle écrit à son parrain "Je sais que certaines choses doivent rester cachées" , photos obscènes, "il y a tant de façon de se montrer obscènes". Elle montre les photos à son parrain, "c'est le péché, murmure-t-il". "elle se sent de plus en plus mal à l'aise que les photos qu'elle a prises aujourd'hui pourraient être publiées. " et ne développera pas ces photos...

Réflexion sur le pouvoir des images, leur obscénité dans la complaisance, sur la violence. Portrait d'une femme. Ce roman est riche. Toutefois, la répétition de la violence, le machisme ambiant m'ont gênée dans la lecture de ce roman.

Omniprésence de la mort, dans ce Requiem. Depuis Colomba, ou Matéo Falcone, la Corse peut -elle se passer de cette culture des lamentations des morts?






Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Antonia meurt accidentellement sur une route de Corse. Son parrain, dont le nom n'est pas cité, est le prêtre du village. Ferrari développe son roman en deux séquences imbriquées, une séquence courte, la méditation du parrain qui célèbre le service funèbre, et une séquence longue, la maturation d'Antonia de son adolescence à sa mort. Chacun des 12 chapitres a deux exergues : une étape de la liturgie et la référence d'une photographie.

Le parrain effondré médite sur la mort, le corps sacré, le péché et la rédemption, et l'on peut lire le titre du livre en déplaçant la majuscule : « à Son image ». « Il ne fallait pas fuir le spectacle de la mort. Il ne fallait pas l'embellir. Même meurtri et corrompu, même déserté par l'âme et figé dans une lourde inertie de chose, le corps demeurait sacré – et peut-être d'autant plus » (p 32). Après le massacre de Vukovar, sa filleule a pris une photo qu'elle ne publiera pas. « Antonia V. montre la photo à son parrain. C'est un péché, murmure-t-il. Ça ne sert à rien, dit Antonia. Tout le monde s'en moque. Et ça aussi, c'est le péché, ajoute son parrain. le péché du monde » (p 180). le prêtre clôt son sermon par la miséricorde à laquelle Antonia ne croyait pas.

Antonia progresse par paliers. Son parrain lui offre un appareil de photo pour ses 14 ans et elle se passionne pour l'image des siens. Quand sa famille est excédée, elle se consacre à de médiocres reportages pour une feuille locale. Un attentat lui fait découvrir la mort et le témoignage photographique. Elle se laisse alors emporter par le spectacle arrogant, sans mesure ni logique, de la violence indépendantiste. Elle découvre enfin l'indigence amoureuse, intellectuelle et politique de son homme et la médiocrité de son emploi. Après l'éclatement du FLNC en sectes antagonistes, elle quitte la Corse pour couvrir les guerres cruelles et incompréhensibles de l'ex-Yougoslavie. Elle découvre l'horreur au siège de Vukovar et apprend sur le tas le regard d'un photographe responsable : « Elle lui parle des photographies qu'elle a prises. du choc qu'elles vont certainement provoquer si elles sont publiées. Il essaye de la détromper gentiment. Aucune photo, aucun article n'a jusqu'ici provoqué aucun choc si ce n'est peut-être le choc inutile et éphémère de l'horreur ou de la compassion. Les gens ne veulent pas voir ça et s'ils le voient, ils préfèrent l'oublier. Ce n'est pas qu'ils soient méchants, égoïstes ou indifférents. Pas seulement, du moins. Mais c'est impossible de regarder ces choses en sachant qu'on ne peut rien y changer » (p 177). L'inutilité ou même l'obscénité du témoignage photographique lui font renoncer et elle accepte dans l'impasse de vivre d'une routine alimentaire. « À bien y réfléchir, l'écrasante majorité des photographes n'exerçaient pas un métier honorable, ils donnaient de l'importance à des sujets futiles, pire encore, ils fabriquaient de la futilité, et s'ils avaient de surcroît des prétentions artistiques, c'était encore bien pire, n'importe quel portrait de famille, fût-il flou ou mal cadré, valait infiniment plus que la plupart des photos de presse, pour ne rien dire de la publicité et de la mode où toutes les limites de l'ignominie étaient franchies sans vergogne si bien que les magazines les plus prestigieux n'étaient en fin de compte que des torchons plus répugnants encore que le quotidien régional pour lequel Antonia serait sans aucun doute condamnée à travailler toute sa vie » (p 82).

Le roman cite 12 photos de correspondants de guerre mais n'en contient aucune, sinon l'image suave de la jaquette (imposée par l'éditeur ?). Ferrari décrit la capture et la portée des images d'Antonia, mais jamais leur contenu. Ses phrases sont souvent longues, empreintes d'une tristesse réfléchie, rejetant le verbe, l'action ou l'information décisives à leur fin. le livre s'achève par le Libera me, où le prêtre se défend du doute par l'expression physique de la compassion : « Viens, mon garçon, dit-il en s'avançant et il étreint son neveu de toutes ses forces, l'aveuglant contre sa poitrine, pour le tenir un instant hors d'atteinte de la mort éternelle et du jour amer, dans l'abri dérisoire de ses bras » (p 219).
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« A son image » Jérôme Ferrari (Actes Sud, 220 pages).
A partir de la mort accidentelle d'Antonia sur une route de Corse en 2003, Jérôme Ferrari défile le parcours de vie de cette jeune femme, à travers la mémoire douloureuse de son oncle et parrain, celui qui, devenu le prêtre du village, en conduit les obsèques. C'est en partie à travers son regard qu'on suit un groupe de jeunes gens, filles et surtout garçons évoluer sur cette terre corse, entrer en autonomisme comme on entre en religion, suivre les méandres d'engagements de plus en plus délétères qui vont les conduire aux crimes prétendus d'honneur, en fait des vendettas sans fin. Antonia est devenue photographe de presse régionale, et l'amante de Pascal un ami d'enfance, petit cadre local du FLNC, qu'elle croise entre deux emprisonnements pour soupçon d'attentat. Elle est amoureuse mais pas aveugle sur ce qui se joue dans des comportements claniques démultipliés par la clandestinité, profondément emprunts d'un machisme (un vocabulaire bien-pensant évoquerait le terme de société patriarcale), et l'auteur nous fait très bien sentir tout le poids et la contrainte qui, sous couvert de traditions, enferment, enrégimentent une partie de la population au prétexte d'une lutte dite de libération ; il nous mène dans les méandres d'un marigot assez nauséabond d'un nationalisme aux confins de la mafia. Prise entre son travail insignifiant pour une feuille de chou locale (pour laquelle elle photographie sans fin des concours de pétanque et des fêtes villageoises), et l'amour d'un homme qui ne manque pas d'une forme de générosité mais dont elle voit avec lucidité dans quoi il s'enferme, elle prendra le large vers les Balkans en guerre au milieu des années 90, se confrontant aux images d'un conflit d'une toute autre ampleur que celui qui agite le microcosme corse.
Jérôme Ferrari nous offre aussi une réflexion sur le regard photographique à travers le parcours et le métier d'Antonia, mais aussi en intégrant deux chapitres étonnants car totalement déconnectés du fil du roman ; l'un concerne le parcours d'un photographe français du début du XXème siècle qui va être confronté aux horreurs de la guerre coloniale de l'armée italienne en Tripolitaine, l'autre celui d'un photographe serbe qui couvrira les deux guerres mondiales. Comment la photo peut-elle dire l'indicible ? Comment peut-elle en témoigner, sans fioriture ni voyeurisme malsain ? Comment échapper à une sorte de fascination pour la violence ? L'auteur ne se prive pas au passage de quelques coups de griffe vis-à-vis d'un journalisme de complaisance, benêt ou racoleur.
J'ai trouvé certains passages un peu longuets (le monologue intérieur du prêtre au chapitre 6 par exemple), d'autant que Ferrari construit parfois des phrases d'une longueur infinie, sans que j'en trouve toujours la pertinence. Et ses très nombreuses références religieuses ne m'ont guère emballé (tout le roman est construit, scandé en chapitres reprenant les étapes d'un office religieux). Je ne vois pas non plus ce qu'apporte son choix de citer les prénoms des personnages suivis de la seule initiale du nom de famille, y compris pour des personnages historiques bien réels; cela complique l'accrochage durant la lecture aux évènements politiques qu'il évoque. Car c'est quand même bien de cela qu'il s'agit dans ce pourtant beau roman, des histoires personnelles et particulières confrontées à des moments historiques douloureux.
Un livre quand même prenant.
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A l'été 2003, Antonia, photographe Corse de trente-huit ans, n'immortalisera plus que les mariages. Ainsi en a-t-elle décidé après avoir senti s'émousser ses ambitions dans les feuilles navrantes d'un quotidien local, et renoncé, par respect humain, à dévoiler et publier ses clichés de la guerre des Balkans. Mais cet été, sera son dernier, Antonia se tue un matin sur une route de haute Corse. Tandis qu'est chantée la messe de Requiem célébrée par son oncle maternel, qui avait initié sa passion pour la photographie, chacun, dans l'assistance endeuillée, se remémore sa courte existence. Son enfance enthousiaste, sa longue, brûlante et désolante histoire d'amour programmée dès l'école avec Pascal B. Militant du FNLC, qu'elle quittera lors d'une de ses nombreuses incarcérations.
Dans ce court roman est aussi évoqué le rapport de la religion avec tous les phénomènes de la société. À son image est un récit intéressant et instructif qui nous fait découvrir l'univers de la photographie. Une très belle réflexion sur la relation entre la photographie et la mort.
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J'avais conservé un excellent souvenir de lecture du Sermon sur la chute de Rome et le passage de Jérôme FERRARI à la Grande Librairie m'avait convaincue de découvrir son dernier récit.
Je suis donc partie sur les traces d'Antonia prématurément décédée sur une route de Corse, Antonia dont la vie était dédiée à la photographie, une passion qui a débuté très jeune lorsque son oncle et parrain lui offre son premier appareil photographique à l'âge de 14 ans.
Pourtant, j'ai constaté que la destinée d'Antonia n'était qu'un fil conducteur et un prétexte pour l'auteur à se questionner sur la photographie.
Ainsi, le texte m'est apparu plus comme un essai qu'un roman.
L'auteur interroge et interpelle sur la représentation de l'image et son contenu en évoquant la trajectoire de deux reporters de guerre dont les photographies ont marqué les esprits qui croisent l'histoire et le parcours d'Antonia.
Il s'intéresse à la représentation du monde par l'image, son contenu, le texte qui l'accompagne nécessairement, la violence inhérente au monde. Il évoque les conflits sanglants dans les Balkans puis dans l'ex Yougoslavie.
Il campe aussi la Corse des années 80, ses luttes nationalistes, ses morts et le sort de la femme à travers l'histoire d'amour que vit Antonia avec un nationaliste corse.
Contre toute attente, le personnage qui m'a le plus touchée est le prêtre qui est aussi l'oncle et le parrain d'Antonia ; il a été désigné pour célébrer son office funèbre. de très belles pages lorsqu'il doit concilier sa douleur et la cérémonie à conduire. Quelles paroles peuvent apaiser les proches d'un défunt lorsque lui-même est terrassé par le chagrin ?
Jérôme FERRARI écrit très bien, son style est enlevé, précis, les références sont nombreuses et certains passages m'ont vraiment questionnée. le professeur de philosophie ressurgit fréquemment au fil des pages au détriment de l'histoire elle-même. Pour cette raison je persiste à penser qu'il ne s'agit pas d'un roman, un essai romancé si j'ose ce qualificatif.
C'est certainement la raison pour laquelle je n'ai été captivée que par certains passages, le tout étant trop décousu à mon goût.
Au final, une lecture qui ne m'a pas emportée autant que d'autres lecteurs si j'en juge les chroniques élogieuses dont j'ai pris connaissance. Dommage, une lecture qui ne m'a pas convaincue.
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Un récit rythmé par la liturgie catholique au cours de l’enterrement d’Antonia, une jeune fille morte accidentellement. C’est l’occasion de flash-back incessants et un peu désordonnés qui accompagnent les souvenirs des survivants et notamment du prêtre qui officie, son oncle et parrain, dont la foi n’apaise pas le chagrin. Son enfance est évoquée avec sa passion pour la photo dont elle fera son métier, son amour pour un membre du FNLC, son départ pour la Yougoslavie qui apparait comme un acte de liberté pour échapper aux siens, mais l’enfermera encore plus radicalement dans le cercle de cette violence dont elle a le dégout. Elle ne développera jamais les clichés qu’elle a pris là-bas en temps de guerre, car ils constituent, dans ce cas, le témoignage brut d’une réalité dont l’obscénité la révulse et ne mérite pas d’échapper au temps.
En parallèle, on découvre l’histoire de la photographie à travers la biographie de Rista M. P125 « […] ce n’est pas en tant qu’art que la photographie donne la mesure de sa puissance. Son domaine n’est pas celui des beautés éternelles. Elle tranche le cours du temps comme la Moire implacable et cela, elle seule a le pouvoir de le faire. »
La photographie in fine témoigne de l’irréversibilité du réel et donc de la mort. Elle met en scène notre impuissance. Seule la mémoire a ce pouvoir intemporel de faire revivre le réel dans sa globalité, mais paradoxalement on pourrait objecter à l’auteur : la photographie n’est-elle pas aussi une occasion inespérée de donner des points d’ancrage à cette mémoire oublieuse ?
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C'est un très joli roman, plein de sensibilité, et qui pose de nombreuses réflexions sur la photographie journalistique, sa place, son rôle, sa nature. Antonia rêve de couvrir un évènement important, loin de sa Corse natale. Mais lorsqu'elle a l'occasion de se confronter à son rêve, elle se sent obscène de photographier toute cette souffrance et cette misère.
Au-delà de tout cet aspect sur la photo, le roman nous amène aussi au coeur de la Corse des années 80 et 90, quand le FLNC enchaînait les attentats pour revendiquer l'autonomie de l'île. On assiste donc aussi au sacrifice de cette jeunesse qui a basculé dans le côté obscur, où rien ne les rendait plus heureux que de savoir qu'un de leur ennemis était mort. Cela aussi, Antonia a de plus en plus de mal à l'accepter. Ce personnage féminin est très attachant et complexe: c'est une jeune femme qui essaie d'existait dans un monde d'hommes (les indépendantistes), qui a des rêves qui s'avèrent difficile à vivre, qui essaie de trouver la paix mais a bien du mal à y parvenir et qui meurt prématurément.
Un très joli moment de lecture que je recommande.
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Coup de coeur de la #rentréelitteraire2018.

Vie, mort, photographies, religion, et corse, des thèmes abordés avec justesse et poésie par Jérôme Ferrari. Tout un art de transcender une histoire ordinaire en un roman fabuleux et une réflexion philosophique... la photo fixe-t-elle le réel ? Foncez découvrir ce roman rapidement !
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Mes lectures du moment sont loin d'être gaies, après un Zola, me voilà en train d'assister à un enterrement!
J'avance donc humblement dans ma lecture, découvrant l'écriture à la fois complexe et néanmoins fluide d'un auteur que je n'ai encore jamais lu.
Complexe parce que les phrases sont longues et enferment souvent plusieurs idées, glissant subtilement d'un point de vue narratif à un autre: ce n'est pas une lecture récréative, il faut être réellement concentré sur les mots.

Malgré ce niveau d'exigence, le récit reste très fluide et l'on ne s'égare pas. J'avais l'impression d'être guidée par le courant d'une rivière de laquelle les écueils s'effaçaient à mon arrivée, pour naturellement reprendre mon chemin de cet enterrement, profitant de précieux détours dans la vie des uns et des autres.

Jérôme Ferrari a méticuleusement choisi des instantanés pour que chacun se remémore non seulement la vie de la défunte mais aussi les évènements qui ont secoué la France (FLNC) et l'Europe (conflit en ex Yougoslavie), au siècle dernier et pourtant c'était hier.
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A son image de Jérome Ferrari...Un magnifique roman à la sobriété émouvante à la lecture abrupte et intelligente , qui ne pourra vous laisser indifférent, un véritable requiem pour une journaliste corse, un roman mêlant la destinée d'une femme éprise de liberté , une chronique sur la corse, le tout parsemé de paroles sacrées.
 L'auteur nous plonge au coeur de cette ile, nous raconte son histoire, ses luttes incessantes et vaines, ses guerres fratricides. L'auteur en virtuose de la plume parle de foi, démontre les limites de la photo à pouvoir changer la vision des choses. Un texte avec une héroine voilée d'un certain érotisme à la description touchante et vibrante.
Antonia a été photographe de guerre en ex-Yougoslavie. Depuis, elle fait surtout des mariages, en Corse: photos de joies après celle de douleur. 
C'est au retour d'une séance de pose avec un jeune couple qu'Antonia bascule dans un ravin avec sa voiture, elle avait 38ans. Ses obsèques sont célébrées par son parrain, celui qui lui a offert son premier appareil photo quand elle avait quatorze ans. Un prêtre fort peu conventionnel. Et il ne se fait plus guère d'illusion sur l'être humain pour en avoir tant confessés et ce n'est pas en devant célébrer les funérailles de sa nièce chérie, qui va le réconcilier avec l'espèce humaine .... Une messe éprouvante , un sermon qui n'en est pas un et qui en conséquence nous touche droit au coeur , un requiem qui va voir le défilé de la vie de la jeune femme disparue, sa jeunesse, son adolescence , son amour pour un militant indépendantiste qui fera de la prison avant de périr assassiné. ...Photo après photo, zoom après zoom on reconstitue le puzzle de cette vie fauchée
en plein élan.
La mort, la Corse, la religion chrétienne sont omniprésents dans ce roman et en constituent les éléments majeurs qui montrent l'absurdité de la Vie. La photo, elle, est le fil d'ariane du récit, valide art de la mise en scène de la réalité , avec souvent du trop ou de pas assez quitte parfois à en perdre la vrai valeur des choses ... J
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