« Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. le déclenchement d'un obturateur dans la lumière de l'été, la main fine d'une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d'un navire qui entre dans le port d'Hippone, portant avec lui, depuis l'Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée. »
Que l'on parle d'une civilisation ou d'une vie d'homme, de ses rêves et de ses réalisations, c'est toujours la même chose : nous sommes condamnés à finir. Car dès que tout commence par la main de l'homme, tout s'éteint par la main de l'homme.
C'est ce que j'ai compris de ce roman de
Jérôme Ferrari, et j'en retire beaucoup de nostalgie.
En effet, à travers 3 générations, j'ai vu se perdre, dans un lent délitement, des mondes où la passion dominait : le monde de Marcel Antonetti, qui commence à se dissoudre dès la fin de la guerre 14-18, lorsqu'il n'est pas encore né, et dont il garde une photo en noir et blanc, puis qui se poursuit avec son errance en Afrique ; Afrique encore pour le monde de sa petite-fille Aurélie, passionnée de fouilles archéologiques mais qui doit faire une croix sur cet univers pour rentrer en France ; et enfin le monde de Matthieu, le petit-fils, qui rêvait d'un bar, qui l'a eu et puis qui lui aussi l'a perdu...
Que ce soit par
Saint Augustin, évêque d'Hippone, qui, à travers son sermon sur la chute de Rome, nous délivre un message d'acceptation, ou par la narration de simples vies, mouvementées comme toutes les vies si on les regarde au plus profond d'elles-mêmes,
Jérôme Ferrari est parvenu à me communiquer la nostalgie, c'est vrai, mais aussi, non pas de la résignation, de l'adhésion à notre destin.
En effet, cet auteur a l'art de polir le vocabulaire pour dévoiler des phrases somptueuses, des images brillantes. Mais finalement, je ne lui octroie que 3 étoiles, car ces mêmes phrases m'ont souvent énervée à cause de leur longueur interminable.
Et pour adhérer totalement à un univers, je dois tout accepter de lui, ses failles et ses éclats.