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EAN : 9782878627442
1 pages
Editions Thélème (22/11/2012)
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3.55/5   1945 notes
Résumé :
Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de Connaître une mutation profonde sous l'impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibniz, transformer un modeste débit de boissons en "meilleur des mondes possibles". Mais c'est bientôt l'enfer en personne qui s'invite au comptoir, réactivant ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (311) Voir plus Ajouter une critique
3,55

sur 1945 notes
Le roman débute par une photo, prise pendant une journée caniculaire de l'été 1918, dans la cour de l'école du village où un photographe ambulant a tendu un drap blanc entre deux tréteaux, Marcel contemple d'abord le spectacle de sa propre absence. «Tous ceux qui vont bientôt l'entourer de leurs soins, peut-être de leur amour, sont là mais, en vérité, aucun d'eux ne pense à lui et il ne manque à personne.»
Marcel Antonetti, pas encore né, est absent sur la photo prise l'été en 1918 et il deviendra le fils d'un autre absent sur cette même photo, son père, «fait prisonnier dans les Ardennes au cours des premiers combats qui travaille depuis le début de la guerre dans une mine de sel en Basse-Silésie».
Ce père rentrera au village en février 1919 afin que Marcel puisse voir le jour. «Ses cils ont brûlé, les ongles de ses mains sont comme rongés par l'acide et l'on voit sur ses lèvres craquelées les traces blanches de peaux mortes dont il ne pourra jamais se débarrasser.»

Toute l'histoire des membres de cette famille, ceux qui sont sur la photo et leurs descendants est dès le départ placée sous le signe de la décomposition et de l'absence.
 S'absenter du monde, en détourner le regard en se réfugiant dans ce village Corse qui les a vu naître et qu'ils avaient essayé de quitter, comme le feront Marcel Antonetti et son petit-fils Mathieu, ne les empêchera pas d' être rattraper par la corruption, envahis par des nécroses qui naissent de l'extérieur mais aussi du tréfonds de l'âme de chacun des protagonistes de cette histoire sombre. Les Empires romain, coloniaux sont gangrénés et comme les corps ils naissent, vivent et finissent par s'écrouler et disparaître sans que les hommes voient venir leur fin parce qu'ils préfèrent ne pas en découvrir les prémices annonciateurs et réaliser qu'ils y ont tous participé.
Je retiens au milieu de cette sombre beauté celle plus lumineuse d'Aurélie la soeur de Mathieu qui part en Algérie faire des fouilles à Annaba, anciennement Hippone dont Augustin fut évêque.
Elle reviendra elle-aussi dans son village mais elle aura intériorisé ses déceptions et aura gagné en lucidité sur les autres et sur elle-même.

«Aurélie comprenait qu'il n'y avait qu'un endroit où elle pourrait vivre librement sa relation avec Massinissa (algérien qui participe avec elle aux fouilles) et cet endroit n'était ni la France, ni l'Algérie, il relevait du temps, non de l'espace, et n'était pas situé dans les limites du monde. C'était un morceau de Ve siècle, qui subsistait dans les pierres effondrées d'Hippone où l'ombre d'Augustin célébrait encore les noces secrètes de ceux qui lui étaient chers et ne pouvait s'unir nulle part ailleurs.»
Si elle-aussi s'absente, elle le fait en sachant pourquoi :
«Elle ne lui laissa pas de lettre. Elle ne voulait pas lui laisser autre chose que son absence car c'est par son absence qu'elle hanterait Massinissa pour toujours, comme le baiser d'une princesse disparue hantait encore le roi numide qui portait son nom.»
Massinissa fut le roi numide qui intégra Hippone à son royaume et Aurélie est la seule qui en elle-même réunit des mondes disparus comme elle relie au sein de sa famille les différentes générations.

«Le sermon sur la chute de Rome» est d'une grande force et l'on n'échappe pas à son emprise. J'en ferai une seconde lecture pour en apprécier encore plus l'écriture en sachant qu'elle n'en adoucira pas l'effet corrosif.
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La cité de Rome au Vème siècle de notre ère... Un médiocre bar corse, de nos jours, repris en gérance par deux enfants du pays... Jérôme Ferrari, je pose la question : il est où le lien ??

La réponse se trouve simplement dans le thème fondamental de ce Goncourt millésimé 2012 : le concept de « monde » – comprendre « entreprise humaine » – et sa vulnérabilité, illustrés par cette mise en résonnance de deux univers apparemment dissemblables. Des « mondes » que tout oppose mais unis en revanche par les paroles de Saint Augustin, figure tutélaire de ce brillant roman : « le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt ». Autrement dit, tout monde concret produit par l'humain n'est que passage éphémère inévitablement voué à destruction.

Ça promet.

En ce qui concerne Rome, on sait (sinon on révise, moi j'ai demandé à la copine Wiki, comme ça je peux me la péter tranquille) : la cité fut mise à sac par les wisigoths en 410, d'où les fameuses exhortations consolatrices de Saint Augustin au peuple accablé par le désastre.

Mais pour ce qui est de la gargote... tu es en droit de te demander si, derechef, quelque horde belliqueuse d'hostiles chevelus à coiffe cornue va nous ruiner tout ce qui promettait d'apporter ambiance disco, bibine et chouettes pépés dans ce trou paumé de l'île de beauté. Point du tout, pas plus de wisigoths que de barbares en broche ne viendront contrarier l'ascension de nos ambitieux entrepreneurs gargotophiles. En revanche, Saint Augustin n'étant jamais bien loin, sa philosophie, tout au long du roman, distille en filigrane que « ce que l'homme fait, l'homme le détruit ». Joli programme donc, qui ne sera pas de tout repos, on l'aura compris.

Ainsi, à travers plusieurs « mondes », plusieurs générations, c'est la cruelle histoire d'une déliquescence annoncée que Jérôme Ferrari dissèque ici à la manière d'une tragédie grecque admirablement contée. L'analyse des consciences et des fatalités, subtilement développée, est transcendée par une prose éblouissante, précise, parfois crue, souvent poétique, et par-dessus tout prodigieusement évocatrice. Quant à certaines phrases dont la longueur a pu être déplorée, elles ne gênent en rien la lecture mais bien au contraire suggèrent le vertige de ce mouvement de chute inéluctable dans lequel Ferrari emporte à la fois son histoire et son lecteur.

Selon Saint Augustin, décidément prolixe en aphorismes, « Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique », réflexion que je me suis efforcée de prendre en compte en choisissant pour une fois de ne pas dédaigner un Goncourt... Et sur ce coup, j'ai sacrément bien fait.



Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Je termine avec regret ce très beau roman de Jérôme Ferrari qui avec ce « Sermon sur la chute de Rome » m'a réconcilié avec les prix décernés au début de l'Automne. Car Ferrari que je lis pour la première fois, livre un texte à la fois ambitieux mais aussi accessible me semble t‘il. A travers la destinée de jeunes gens dans un village corse qui décident de lui redonner vie en reprenant le café, tournant le dos à des études qui semblaient leur sourire, Ferrari se sert de cette histoire somme toute banale, pour démontré la naissance, l'apogée puis la fin d'un monde. D'une écriture dense, il mène son récit de façon remarquable. de Mathieu à Libero mais aussi surtout grâce à Aurélie, il donne chair et densité à ces personnages. Je me suis même autorisé à lire à voix haute certains passages tant leur musicalité et leur longueurs étaient un plaisir à lire. (Je vois déjà les moqueries, mais j'assume). Une escapade corse à la hauteur de l'ile, belle et généreuse. Et la découverte d'un brillant romancier.
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Tragédie classique aux accents apocalyptiques dans un petit village corse.
Jérôme Ferrari m'avait enchantée dans son précédent roman, « Où j'ai laissé mon âme », et cette fois-ci encore son écriture m'a enthousiasmée : ses phrases peuvent faire une page comme une demi-ligne et dans tous les cas, il vise juste et il captive.
J'ai beaucoup aimé cette histoire, assez sordide, il faut le dire, d'ambitions et de rêves effondrés, cette histoire pathétique de jeunes types immatures, incapables d'affronter la réalité et de percevoir l'inanité de leurs rêves.
Matthieu, jeune corse « parisien » autocentré, étudiant en philosophie s'associe à Libero, jeune corse « local » étudiant en lettres, pour reprendre le bar du village et redonner vie à la région… beau projet, oui mais, quand l'alcool, le sexe et la bêtise s'en mêlent, les choses peuvent se gâter. Parallèlement au parcours chaotique de Matthieu, on suit celui de Marcel, son grand-père, un rescapé du siècle qui a vu ses mondes s'effondrer.
Et puis il y a Saint-Augustin, son sermon, la chute de Rome, et c'est là où j'ai trouvé que la comparaison était certes audacieuse, mais quand même pas mal tirée par les cheveux ! Avait-on besoin de Saint-Augustin pour décrypter le message et ses retombées philosophiques ? Je n'ai pas trouvé que les références augustines ( ?) étaient indispensables et elles ne m'ont pas particulièrement parlé …
Il n'en reste pas moins un texte magnifique pour raconter une histoire pathétique et universelle.
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Belle plume; et la réflexion désenchantée sur la destinée des protagonistes de notre époque prend de la hauteur avec, en écho, les mots d'Augustin d'Hippone (Saint Augustin) en 410, à la fin du roman:

"Rome est tombée mais n'est-ce pas, en vérité, comme s'il ne s'était rien passé?
La course des astres n'est pas troublée, la nuit succède au jour qui succède à la nuit, à chaque instant, le présent surgit du néant et retourne au néant, vous êtes là, devant moi mais le monde marche encore vers sa fin, mais il ne l'a pas encore atteinte, et nous ne savons pas quand il l'atteindra [...]"

Le style de l'auteur est le point fort de ce roman. Des phrases qui prennent leur élan et découpent en tranches chaque personnage comme pour mieux détailler la tragédie de chacun d'un long trait de plume. Chaque projet ou destinée ainsi se fissurent tôt ou tard.

Un roman donc assez noir mais ce qui m'a intéressé est la transmission de l'échec du grand-père de génération en génération.
Le récit commence par le déclencheur de tout cela: une photo de 1918. Marcel, le grand-père, y contemple sa famille où il y manque son père, encore détenu pour travailler dans une mine de sel et lui-même, pas encore né.
le talent de l'écrivain est d'extraire de cette photo la détresse de la mère qui va se transmettre et accompagner la famille, sur fond de déclin de l'empire français (Dien bien phu, Algérie...), jusqu'à la Corse où la dernière génération reprend un bar ...

Ce roman de Jérôme Ferrari n'est vraiment pas mal du tout et son style me plaît.
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critiques presse (9)
Lhumanite
09 novembre 2012
Récit âpre, méditatif et envoûtant, le Sermon sur la chute de Rome est un des vrais bons livres de cette rentrée littéraire et promet de belles heures de lecture.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LeFigaro
08 novembre 2012
Ce roman puissant, malgré son caractère ambitieux, n'est jamais ennuyeux. Car il est porté par des personnages superbement incarnés et par une écriture extrêmement travaillée.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lhumanite
29 octobre 2012
L’écriture de Jérôme Ferrari est avare de dialogues mais riche en accents polyphoniques grâce auxquels on croit entendre s’exprimer tous les personnages. Le ton est souvent sarcastique avec des inflexions quasi voltairiennes.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Culturebox
12 septembre 2012
Mettre la philosophie au cœur de la littérature […] est une belle ambition. Dans ce monde où le sens à souvent déserté les livres, on sort de la lecture du "sermon sur la chute de Rome" éreinté mais tenaillé par l'envie de poursuivre la réflexion.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
04 septembre 2012
[Un roman] pétillant d’intelligence. […] De la vraie littérature pour un beau moment de plaisir.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LesEchos
04 septembre 2012
L'art de l'ellipse, la maîtrise de l'humour au coeur du désastre, font de ce roman l'un des plus accomplis de la rentrée littéraire.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LeSoir
03 septembre 2012
Dans un texte peu dialogué et quasiment sans paragraphe, où on ne perd pas pied une seule fois tant les longues phrases sont bien balancées et coulent naturellement, l'écrivain scrute la noirceur du monde, met en évidence sa stupidité, démonte l'échec des plus grands rêves. Les souffrances de ses personnages empêtrés dans leurs familles en témoignent. Son écriture somptueuse fait s'imbriquer les époques.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Telerama
22 août 2012
C'est un roman qui se désagrège à chaque page, et qui pourtant offre un grand sentiment de sécurité. Un livre meuble, fuyant, insaisissable, sur lequel on peut néanmoins prendre appui, pour avancer en confiance.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
10 août 2012
Alternant une prose au lyrisme appuyé et un ton des plus crus, fourmillant de personnages, cette chronique d'une mort d'un monde annoncée pourra dérouter certains lecteurs.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (209) Voir plus Ajouter une citation
Et ce soir-là, à table, elle ne pensait pas à lui en évoquant la richesse exceptionnelle d'un site laissé à l'abandon depuis des années, les trophées, la cuirasse ceinte du long manteau de bronze, les têtes de Gorgone disparues au fronton des fontaines de marbre, les colonnades des basiliques, et elle parlait de la gentillesse de ses collègues algériens dont elle veillait à ne pas écorcher les noms, Meziane Karadja, Lydia Dahmani, Souad Bouziane, Massinissa Guermat, de leur dévouement, du talent et de la foi avec lesquels ils faisaient surgir de cet amas de pierres muettes, pour les enfants des écoles primaires, une cité pleine de vie et, sous les yeux des enfants, l'herbe jaune se couvrait de dallages et de mosaïques, le vieux roi numide passait sur son grand cheval mélancolique en rêvant au baiser perdu de Sophonisbe et, des siècles plus tard, au bout de la longue nuit païenne, les fidèles ressuscités se pressaient les uns contre les autres et contre les chancels, en attendant que s'élevât parmi eux, dans la nef lumineuse, la voix de l'évêque qui les aimait...
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Aurélie rappela Matthieu qui fut soulagé et lui reprocha presque d'avoir dressé un tableau apocalyptique d'une situation parfaitement maîtrisée. Elle ne se donna pas la peine de répondre.
- Alors, tu arrives quand ?
Matthieu lui fit remarquer qu'il n'y avait plus d'urgence et qu'il était très occupé par les préparatifs de la saison et puis s'il débarquait comme ca, brutalement, ca risquait d'inquiéter son père, pour rien, il croirait peut-être à une visite d'adieux, il fallait ménager son moral et Aurélie fut incapable de se contrôler plus longtemps, elle lui dit qu'il n'était qu'un petit con répugnant d'égoïsme, un petit con aveugle qui espérait au fond de lui que son aveuglement finirait par lui valoir l'absolution, mais que jamais il ne serait absous de ce qu'il était en train de faire, et s'il devait l'être, ce ne serait pas par elle, elle n'était pas leur mère qui persistait à voir en lui un chérubin qu'il fallait préserver coûte que coûte d'une douloureuse confrontation avec les horreurs de l'existence, comme si c'était lui qui était au fond le plus à plaindre, comme si sa sensibilité à fleur de peau, l'exquise sensibilité qui était apparemment son privilège exclusif, le dispensait d'accomplir ses devoirs les plus fondamentaux, les plus sacrés, elle ne voulait même pas lui parler d'amour et de compassion, c'étaient des mots qu'il était incapable de comprendre ...

(pp.119-120)
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... il ne pouvait pas s'avancer dans le grand hall de la Sorbonne sans se sentir empli de la fierté craintive qui signale la présence des dieux. Il emmenait avec lui sa mère illettrée, ses frères cultivateurs ou bergers, tous ses ancêtres prisonniers de la nuit païenne de la Barbaggia (*) qui tressaillaient de joie au fond de leurs tombeaux. Il croyait à l'éternité des choses éternelles, à leur noblesse inaltérable, inscrite au ciel haut et pur. Et il cessa d'y croire ...

(*) Région de la Sardaigne
(p.60 : un berger à la Sorbonne)

... il était absolument manifeste que l'Université n'était pour lui qu'une étape nécessaire mais insignifiante sur un chemin qui devait le mener vers la consécration des plateaux de télévision ou il avilirait publiquement , en compagnie de ses semblables, le nom de la philosophie, sous l'oeil attendri de journalistes incultes et ravis, car le journalisme et le commerce tenaient maintenant lieu de pensée...

(p.61 : le jeune normalien prof.d'éthique, Protagoras cynique et ambitieux, scandalisant l'étudiant idéaliste)

Un livre comme une malle emplie de perles et de diamants ...
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- Et surtout, faut pas niquer les serveuses, hein ? Les gens, ils viennent pas pour claquer leur fric chez vous pour vous voir niquer les serveuses ! Vous, vous pouvez niquer les clientes, mais pas les serveuses.
Annie était bien d'accord, dans la vie, on pouvait se permettre des tas de choses mais, quand on tenait un bar, jamais, au grand jamais, il ne fallait niquer les serveuses. Matthieu et Libero assurèrent qu'une telle horreur ne leur avait jamais traversé l'esprit.
Ils eurent la surprise de constater dès le lendemain qu'Annie, dont l'efficacité était par ailleurs irréprochable, semblait avoir conservé de ses anciennes fonctions la curieuse habitude d'accueillir chaque représentant du sexe masculin qui poussait la porte du bar d'une caresse, furtive mais appuyée, sur les couilles. Nul n'échappait à la palpation. Elle s'approchait du nouvel arrivant, tout sourire, et lui faisait deux grosses bises claquantes sur les joues tandis que de la main gauche, comme si de rien n'était, elle explorait son entrejambe en repliant légèrement les doigts. Le premier à faire les frais de cette manie fut Virgile Ordioni, qui arrivait les bras chargés de charcuterie. Il devint cramoisi, eut un rire bref, et resta debout dans la salle sans trop savoir quoi faire. Matthieu et Libero avaient d'abord pensé demander à Annie d'essayer de se montrer moins immédiatement amicale mais personne ne se plaignait, bien au contraire, les hommes du village faisaient plusieurs apparitions quotidiennes au bar, ils y venaient même pendant les heures habituellement creuses, les chasseurs abrégeaient leurs battues et Virgile mettait un point d'honneur à descendre tous les jours de la montagne, ne serait-ce que pour boire un café, si bien que Matthieu et Libero gardèrent le silence, non sans louer intérieurement la clairvoyante Annie dont l'immense sagesse avait percé à jour la simplicité de l'âme masculine.
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Epigraphe
Tu es étonné parce que le monde touche à sa fin ? Etonne-toi plutôt de le voir parvenu à un âge si avancé. Le monde est comme un homme : il naît, il grandit et il meurt. (...) Dans sa vieillesse, l'homme est donc rempli de misères, et le monde dans sa vieillesse est aussi rempli de calamités. (...) Le Christ te dit : Le monde s'en va, le monde est vieux, le monde succombe, le monde est déjà haletant de vétusté, mais ne crains rien : ta jeunesse se renouvellera comme celle de l'aigle.
Saint Augustin, sermon 81, §8, décembre 410
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Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
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