L’infantilisation générale des usagers et consommateurs, la culture de la bêtise et de la banalité comme substituts idéologiques, est une condition indispensable pour le parfait fonctionnement du système, comme le comprend Murray Siskind en avertissant ses étudiants que la seule manière de donner du sens au monde capitaliste (et à son grand serviteur électronique, la télévision) consiste à « apprendre à regarder comme des enfants à nouveau ». Il ne laisse pas d’être ironique, en ce sens, que DeLillo parvienne à exposer avec perspicacité les bases psychiques de la révolution cognitive en cours (le réductionnisme vital par lequel le consommateur se remet entre les mains de la publicité, des promotions ou, simplement, du goût majoritaire pour orienter son choix et, en même temps, continuer à le considérer « sien », personnel), jouant le ventriloque du fils surdoué des Gladney, Heinrich, porte-voix hautain des tendances sociales les moins prédictibles et des découvertes les plus alarmantes des neurosciences : « Qui sait ce que je veux faire ? Qui sait ce que d’aucuns veulent faire ? Comment peut-on être certain à propos de quelque chose comme cela ? Ne s’agit-il pas d’une question de chimie cérébrale ? »
Ce livre n’est pas n’importe
quel livre.
C’est un guide du monde
de l’au-delà du capitalisme.
Un guide posthume
pour abandonner le corps de
la consommation et
sombrer dans la vie après
la mort.
Ce livre peut avoir à voir ou pas
avec les morts
indignés (ou indignants) de
Walking Dead ou avec
les zombies consuméristes de
George Romero errant
dans les espaces commerciaux
de leurs vies d’avant
la mort.
C’est le livre américain
des morts-vivants.
Un manuel d’instructions
sur la survie dans
la société de consommation
et la vie de l’au-delà
du capitalisme.
Le livre des vivants
fuyant la mort.
Le livre de la mort
qui rôde dans
le labyrinthe de couloirs
et la profusion
de marchandises du
supermarché
nommé Amérique.
Ce livre ne se lit
pas comme
n’importe quel livre.
On le traverse comme une
ville en flammes,
un champ de bataille semé
de cadavres, une
autoroute saturée par
des voitures en
panne ou accidentées,
un nuage toxique.
Le livre américain
des morts-vivants dans
le gigantesque
hypermarché de la vie
contemporaine.