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Jérôme Nicolas (Traducteur)
EAN : 9782020996983
260 pages
Seuil (15/04/2010)
3.5/5   6 notes
Résumé :
Gênes, aujourd'hui. Dans la chambre 914 d’un hôtel du centre-ville, un journaliste a déplié un plan, a branché les câbles de son ordinateur portable, de son caméscope et de son iPod pour se repasser les événements du G8 survenus quelques années auparavant, en juillet 2001. Cet été-là, le besoin urgent d’oublier Angela, longtemps aimée et qu’il venait de quitter sans explication, l’avait poussé à couvrir le sommet de Gênes. Rien ne laissait imaginer ce qui allait se ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«Il a du naître là-dedans, ce roman, devant ces litres de sang figé.»

De retour dans la ville plusieurs années après les faits, de sa chambre d'hôtel et avec sous les yeux les traces de ses événements qui n'ont pas cessé de l'obséder depuis Juillet 2001 (une carte de la ville, des vidéos, des photos et des documents), un journaliste revient sur ce qui s'est passé cette année-là pendant le sommet du G8 à Gênes. le narrateur venait alors de mettre fin à son histoire d'amour avec Angela, avant de se rendre à Gênes pour couvrir les événements.

Comme le dit Antonio Tabucchi dans sa très belle préface, «ce qui s'est passé durant l'été 2001 à Gênes pendant la réunion du G8 a fait tomber le masque de la «démocratie» italienne.»

Dédoublé entre sa position de journaliste et d'acteur des événements, entre ces quelques jours de juillet 2001 et le présent, le narrateur, navigant sans cesse entre le témoignage et l'introspection, raconte ces moments de sidération où la peur a surgi, où la police, qui était selon lui censée protéger la foule, est devenue l'ennemi, avec la mort de Carlo Giulani et deux jours plus tard l'assaut prémédité d'une violence inouïe des forces de police contre l'école Diaz, où quatre-vingt-treize personnes seront blessées dont plusieurs très grièvement, événements qualifiés par Amnesty International comme la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la seconde guerre mondiale. le lien au présent permet de souligner ce qui a été mis à bas, et une «berlusconisation» de la société italienne qui est devenue la norme.

«C'est que depuis ce jour-là même les nuages n'ont plus eu la même signification pour moi. Et le brouillard non plus. Les nuages et le brouillard, que je m'étais habitué à aimer avec Angela, allongés pour les observer de tous les endroits possibles - il y a seulement depuis l'asphalte d'un parking, un après-midi, que je lui ai dit non, là non, avec tous ces gens autour, quand même [...] Car depuis ce jour-là, les nuages et le brouillard évoquent à jamais l'odeur indescriptible des gaz lancés à Gênes.»

Journaliste et écrivain, Roberto Ferrucci était présent à Gênes en juillet 2001 et il questionne avec cette oeuvre littéraire la possibilité de raconter des événements traumatiques avec simplement des faits, avec un langage journalistique devenu inopérant pour transmettre l'impensable. Alors il explore cette histoire sous les deux angles du factuel et de l'intime, avec une mémoire au fonctionnement bizarre et forcément défaillante, des thèmes chers au grand Roberto Bolaño, et qui font penser à «Amuleto» en particulier.
Un livre qui nous transforme, par ce qu'il raconte et comment il le fait.

«La rue était déserte. Rien que cette épave, là, au milieu, et je me suis rendu compte qu'en quelques heures nous nous étions déjà habitués aussi à ce genre de paysage, à cet ensemble de destruction et de vide qui risquait de se remplir à l'improviste, avec l'arrivée de quelqu'un prêt à s'en prendre à toi sans raison, même s'il était en uniforme et qu'il aurait dû te protéger, pas t'agresser.»
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On peut s'amuser à classer la littérature dans certaines cases: celle destinée à divertir le lecteur, celle qui cherche à témoigner de la réalité, celle qui cherche à trouver de nouvelles façons de décrire les choses, le style avant le fond.

Ce livre est à la croisée des chemins, entre le témoignage et l'exercice de style. Tout en nous racontant ce qui s'est passé en marge du G8 à Gênes en 2001, les répressions policières des manifestations alter-mondialistes, l'auteur cherche une voix pour le raconter.
Le récit ne ressemble pas à une narration classique des faits, car l'auteur prend le parti pris du photographe, cherche à rendre les couleurs, les nuances, les flous et les nets. Quand le sens de la vue lui est masqué, les odeurs, les sons prennent le relais mais on voit l'importance qu'il donne à la réalité tangible, concrète, face à l'incrédulité de ce qui arrive, autant au début des évènements avec une ville rendue fantôme que lors des affrontements. Cette sollicitation de tous les sens nous met au cœur de l'action, nous fait ressentir le danger comme les protagonistes de l'histoire.
L'auteur n'est pas non plus que témoin, il vit ses rencontres, a vécu des amours et vit aujourd'hui dans le souvenir de ces journées de différentes époques.

Bref de la belle littérature en ce qu'elle est plusieurs plutôt qu'une et en ce qu'elle nous montre de notre temps, d'évènements que le temps médiatique a vite recouvert du drap de l'oubli et desquels seule la littérature peut réellement rendre compte de façon satisfaisante.
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Ca change quoiRoberto Ferrucci
Un journaliste reste hanté par les images et les moments qu'il a vécu à Gênes en juillet 2001 durant le fameux sommet du G8.
Dans ce roman, il revient bien des années plus tard, s'installe dans une chambre d'hôtel avec une immense carte de la ville et refait la cartographie de la ville à travers un chemin presque symbolique en dessinant dessus les moments clés de ces journées difficiles. On comprend rapidement que le chemin n'est pas neutre et qu'il lui est indispensable pour essayer de cerner les motifs qui ont mené l'horreur.
Car « La mémoire n'est pas neutre c'est un conflit constant », elle ne peut rien prouver.
Il refait le chemin pour affronter à nouveau l'inévitable, ces moments si terribles si décalés finalement et si soudains. Il a sans doute aussi peur également d'oublier, d'être passé à côté et il veut s'approprier cette vérité historique pour la transmettre.
Faire face, comprendre, se faire pardonner ce qu'il n'a pu faire ni voir, accepter d'être passé à côté de lieux de tortures aux moments des tortures, sans le savoir, vivre avec ces moments d'horreur et dans le silence de la communauté internationale et surtout de l'Europe qui accepte ce régime fascisant.
Une très belle introduction de Tabucchi sur le pouvoir de la fiction qui seule transmet la puissance de l'horreur, dit que cette oeuvre balaye les récits doucereux sur ce qui s'est passé à Gênes.
Une écriture moderne, rythmée, douce, digne et puissante, qui place le lecteur à l'exact désarroi et place où se trouve le personnage dans ce mi-chemin entre les passés et le présent, après l'horreur, l'affrontement, dans ce no mad's land incertain où la mémoire tente de se construire avec la vérité, se dé-signe des affects et nous ramène enfin vers nous même.
ANabelle
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans les rues de Gênes, des milliers et des milliers de personnes avaient vécu simultanément, au même endroit, aux mêmes heures – les mêmes émotions, les mêmes sentiments – la journée la plus terrorisante de leur existence. Et pour beaucoup d'entre eux ce n'était pas encore fini. Il ne pouvait pas savoir qu'une nouvelle limite allait être franchie, dépassant tous ceux qui étaient imaginable. 
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Je m'en vais, lui ai-je dit.
Et j'avais dit ça en faisant semblant d'être le héros d'un roman. En tout cas j'essayais. J'essayais de ne pas être moi, dans notre chambre. C'était un livre, à ce moment-là, qui parlait pour moi. Je m'en vais, lui ai-je dit, et c'était un personnage de fiction, pas moi, qui disait ça, mais ensuite ses larmes ont mouillé mon épaule, dans notre dernière étreinte, et ça, ce n'était pas de la littérature.
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La mémoire […] n’est pas neutre, c’est un conflit constant.
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Je ne les ai plus regardés parce que ce n'était plus ma – notre – sécurité. C'était l'ennemi, maintenant. Et c'étaient eux qui avaient décidé de l’être, en tendant une véritable embuscade au cortège. 
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Rien ne change depuis longtemps en Italie. Depuis le fascisme. (Antonio Tabucchi)
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