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Citations sur Kant : Une lecture des trois ''critiques'' (28)

J'ai déjà suggéré en quoi le sens et la portée de la première Critique étaient insaisissables si l'on ne mesurait d'abord l'ampleur de la révolution philosophique et scientifique que représente le passage de l'univers de la cosmologie ancienne à celui de la physique moderne, la rupture abyssale qui sépare le "monde clos" de "l'univers infini". Car c'est après cette rupture que pense Kant. (...)
En moins d'un siècle et demi (...) - une révolution scientifique sans précedent dans l'histoire de l'humanité s'est accomplie. Une ère nouvelle est née, dont Kant est sans doute le premier philosophe à prendre pleinement conscience.
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Dans un concept, nous l'avons vu, la totalisation et la continuité sont obtenus par addition des parties. A l'inverse, pour l'espace et le temps, c'est la totalité et la continuité qui précèdent les parties, puisque, pour reprendre le vocabulaire de Husserl, les parties de l'espace sont pensées sur l'horizon d'une totalité insaisissable, et comme des limitations postérieures à cette totalité.
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"La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l'ordonnance mécanique de son existence animale." (...)
Telle est la raison pour laquelle, aux yeux de Kant, l'animal, à la différence de l'homme, ne possède ni histoire, ni éducation : les abeilles ou les fourmis étaient il y a cinq mille ans très exactement ce qu'elles sont aujourd'hui. L'organisation de leur communauté est toute naturelle, elle n'a rien de social, d'historique. L'homme au contraire n'est rien de défini au départ : par l'éducation et l'histoire -qui posent des problèmes philosophiques qu'on peut dire analogues- il doit devenir quelque chose, ou plus exactement quelqu'un.
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Avec le retrait du divin, avec l'autonomisation de la sensibilité par rapport au concept, l'homme apparaît désormais comme un être voué de part en part à la finitude, comme un être jeté dans une temporalité qu'aucun absolu ne vient plus relativiser.(...), l'homme lui-même ne se définit plus comme une créature, comme être fabriqué par un Dieu.
Conséquence de ce renversement : l'homme échappe à toute définition ou, comme le dit Kant (...): "La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l'ordonnance mécanique de son existence animale."
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Je ne puis indiquer ici toutes les conséquences de cette argumentation qui amènera Kant à remettre en cause la formulation leibnizienne du principe des indiscernables (...). Bornons-nous à constater qu'elle conduit à introduire l'irrationalité (la non-conceptualité) au coeur de la connaissance humaine : ce qui est hors du concept, ce qui échappe radicalement à toute tentative de rationalisation, voire d'explication, c'est la fait que les choses nous soient données hic et nunc, dans l'espace et dans le temps -idée qui fera son chemin dans la phénoménologie de Husserl et surtout de Heidegger en ce qu'elle remet en cause, affirmant l'autonomie du sensible par rapport au concept, les présupposés les plus fondamentaux de la métaphysique traditionnelle.
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En effet, on accordera aisément qu'aucun concept ne contient dans sa compréhension même la mesure de son extension. En clair : la définition du concept de table ne nous indique pas le nombre de tables existant dans le monde. Au contraire, la représentation de l'espace est immédiatement liée à l'idée de l'infinité de ses parties. C'est dire que la définition de la notion d'espace -sa compréhension, si l'on veut- indique son extension (l'infinité). Bien plus, cette infinité de l'espace est première, par rapport aux parties que l'on "découpe", pour ainsi dire, sur elle. Car je ne puis aucunement imaginer une portion d'espace sans me représenter nécessairement un espace plus vaste qui l'englobe, de sorte que l'espace est bien, selon un modèle que la phénoménologie de Husserl dévelopera également, une grandeur infinie donnée.
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L'activité de l'entendement, c'est-à-dire, l'activité scientifique, a besoin pour progresser de se référer à l'idée de Dieu, alors même qu'on a admis le caractère non objectif de cette idée. C'est elle, en effet, qui suscite et dirige la connaissance scientifique en lui imposant l'exigence de chercher sans cesse davantage, non seulement à rendre le monde de plus en plus intelligible, mais aussi à s'organiser elle-même autant qu'il est possible en totalité de plus en plus cohérente et systématique. L'idée de Dieu a perdu, au terme de cette déconstruction du processus par lequel elle est engendrée, toute vérité. D'elle, il ne subsiste qu'un principe régulateur pour la recherche scientifique. Il y a donc bien un retrait du divin, ou, si l'on veut, une sécularisation de l'idée de Dieu au niveau de la théorie de la connaissance.
Le point est évidemment crucial, car il signifie notamment qu'à la fin du cosmologico-éthique, va s'ajouter celle du théologico-éthique, de sorte que l'entreprise de refondation de toutes les valeurs -vérité, justice, beauté- à laquelle Kant va s'attaquer devra se faire totalement hors des sentiers battus, à l'écart des deux matrices les plus puissantes des solutions traditionnelles. C'est désormais, le point de vue de l'homme qu'il va falloir privilégier, et non plus celui du cosmos ou de la divinité. Or ce point de vue fin, nous en connaissons désormais la marque : celle de la sensibilité d'un corps situé dans l'espace et dans le temps.
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Selon l'argument ontologique, nous aurions ainsi la possibilité de conclure de la simple analyse du concept de Dieu à son existence réelle.
La principale objection de Kant est la suivante : la possibilité logique, c'est-à-dire le caractère non contradictoire d'un concept, ne garantit pas en rien son objectivité, le fait qu'une réalité lui corresponde, parce que, selon une proposition célèbre de la Critique:
"l'Etre n'est évidemment pas un prédicat réel, c'est-à-dire un concept de quelque chose qui puisse s'ajouter au concept d'une chose."
En d'autres termes : en admettant que l'Idée de Dieu soit une Idée nécessaire de la raison humaine, bien plus, en admettant même qu'à l'Idée de Dieu s'attache nécessairement celle de son existence, il n'en resterait pas moins que cette existence qu'on attribue nécessairement à Dieu reste une existence idéelle, une existence seulement en pensée, non une existence réelle. La fait que j'ai l'idée d'un être qui existe nécessairement ne prouve en rien l'existence réelle de cet être.
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Ce sont, avec Kant, deux grandes conceptions des limites inhérentes à la connaissance humaine qui vont commencer de s'opposer. Ces deux visions de la réalité humaine engagent aussi bien la question métaphysique des rapports de l'homme et Dieu (entre le relatif et l'Absolu, le fini et l'infini), que celle, épistémologique, du statut de l'ignorance et de l'erreur qui caractérisent toujours plus ou moins le savoir humain.
Pour aller à l'essentiel, on pourrait dire que, du point de vue des cartésiens qui domine assez largement la philosophie du XVIIe siècle, les limitations qui affectent la connaissance humaine sont pensées par rapport à une référence absolue : l'idée d'une omniscience dont la divinité est censée être le dépositaire. c'est par rapport à cette omniscience supposée de Dieu que le savoir humain est dit limité. La finitude humaine est ainsi pensée sur fond d'absolu, et l'existence de Dieu, son infinité et son omniscience, ne font pour ainsi dire aucun doute. Chez Descartes, comme chez Leibniz et Spinoza, qui constitue depuis déjà plusieurs siècles le fondement d'une des preuves les plus célèbres de l'existence de Dieu : l'argument ontologique (...)
On sait qu'en substance cette (prétendue) démonstration consiste à dire que nous concevons nécessairement Dieu comme un être qui possède toutes les qualités, tous les attributs. Or l'existence étant une qualité éminente, il serait pour ainsi dire contradictoire que Dieu n'existe pas; Kant sera le premier philosophe moderne à présenter une déconstruction radicale de cette fameuse "preuve" -déconstruction qui consistera notamment à montrer que, quand bien même nous aurions nécessairement l'idée que Dieu existe, cette idée n'en resterait pas moins une idée et ne prouverait encore rien quant à son existence réelle. L'idée d'une existence nécessaire n'est, en effet, pas encore cette existence elle-même.
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Des interprétations de Kant, il sera longuement question dans la deuxième partie de cet ouvrage -mais l'explication doit venir en premier. (...)
J'ai donc fait tout mon possible pour que cette présentation soit accessible à quiconque est prêt à consacrer un peu de temps et, il serait vain de la dissimuler, un certain effort intellectuel, à la compréhension d'un des plus grands penseurs de tous les temps sans avoir pour autant de connaissances philosophiques préalables.
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