Je suis convaincu, comme Octavio Paz, que l'avant-garde a trouvé ses limites, que la logique de la rupture avec la tradition, la logique de l'innovation permanente, a trouvé au XXe siècle sa limite. On est sorti des avant-gardes en ce sens. Jeff Koons et Damien Hirst ne sont que des clones de Steve Jobs, des hommes d'affaires avisés qui jouent sur les marchés et font travailler des dizaines, parfois des centaines de communicants. Quand ils lancent une exposition, ils la lancent avec les mêmes techniques publicitaires que pour un nouvel iPhone ou un nouvel iPad, comme n'importe quel industriel branché qui lance un nouveau produit. De là la réconciliation du bourgeois et du bohème dans la figure du bobo, c'est-à-dire dans la logique de l'innovation.
Ce qui me semble remarquable chez des écrivains comme Milan, Kundera, Philip Roth, Emmanuel Carrère, ou même, à certains égards, Houellebecq, qui sont sans doute parmi les plus grands écrivains vivants aujourd'hui, c'est justement le fait qu'ils sont "postmodernes", post-avant-gardistes, post-Nouveau Roman, en l'occurrence?. On retrouve chez eux de vraies histoires -dans La Plaisanterie, par exemple, ou La bête qu meurt-, de vrais personnages, avec une psychologie complexe, intéressante, fouillée. On suit leur itinéraire avec intérêt, ils donnent à réfléchir, à penser et à méditer, sans ennuyer pour autant. On lit ces auteurs avec la même passion qu'on mettait dans les romans traditionnels, ceux du XIXe siècle, mais en même temps, ils parlent du sexe et de la mort, de la vieillesse et de l'amour - pour évoquer des thèmes chers aussi bien à Kundera qu'à Philip Roth - comme on n'en avait jamais parlé avant, comme on ne pouvait pas en parler peut-être avant la déconstruction contemporaine, parce que des matériaux nouveaux ont été libérés pour un art nouveau, un art de la déconstruction dont la finalité secrète, en tout cas le principal mérite, était peut-être bien de permettre ce renouveau salutaire.
A part quelques très grands -Bacon, Richter, Kieffer, par exemple-, je ne suis pas un fan d'art contemporain. Au fond l'innovation m'intéresse moins que la beauté - l'idéal étant la rencontre des deux, mais j'en aperçois fort peu chez les Buren, Raynaud, Boltanski et consorts qui se torturent le crâne pour être originaux sans jamais réussir à convaincre hors du petit cercle des fanatiques. Je vois mille fois plus de beauté, et même de créativité, dans les beaux objets - les voitures, les avions et même certaines collections haute couture qui me touchent infiniment plus que les colonnes menthe/réglisse, les grands pots de fleurs peints en rouge ou les grues qui ramassent des fripes et dont, pour tout dire, je n'ai rien, mais alors vraiment rien à faire. Mais, mon goût personnel n'a pas d'intérêt -encore que, j'en suis sûr, je ne dois pas être tout à fait le seul à éprouver le sentiment que le roi est nu et que, pour parler simplement, on se fiche de nous avec des impostures de plus en plus dérisoires.
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