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EAN : 9782204073226
210 pages
Le Cerf (22/01/2004)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Bien avant l'existence d'un langage stabilisé dans des conventions sociales, l'intelligence humaine, comme l'intelligence animale, se meut dans un univers de signes - comme si le monde parlait de lui-même. Emergent alors des formes d'existence que Jean-Marc Ferry nous invite à explorer " de l'intérieur ". Il propose au lecteur un parcours où se révèle ce qui relie le monde humain au monde animal et ce qui l'en sépare. Ce parcours fascinant conduit à la découverte de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Amoureux depuis toujours de la grammaire - Quoi vous en doutiez ? relisez mes poèmes pour vous en convaincre ! on ne torture que ce que l'on aime ! - le titre du livre ne pouvait que m'intriguer.
Ce philosophe du langage, frère de Luc Ferry, enseignant notamment à Bruxelles, nous décrit différents modes de grammaire utilisés par les sociétés en fonction du contexte de vie des locuteurs, la syntaxe concourant comme le vocabulaire à symboliser le réel qui nous entoure et nous détermine.
Ce qu'apporte cet essai, c'est surtout la découverte que la complexité, la profondeur et la pertinence du langage dépendent moins du vocabulaire et même de sa diversité que de la forme de grammaire utilisée.
Je laisse aux philosophes le soin d'entrer plus en profondeur et en détails dans cet essai complexe qui surfe sur la sociologie, l'ethnologie, la psychanalyse et la linguistique pour étayer son propos philosophique.
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Il s'agit d'apporter des compléments structurants à la philosophie de la communication qui postule la prééminence de la communication dans les ordres de réalité. Avant le sujet (autonome), avant l'objet (en soi), se trouve le verbe qui se forme dans la raison pratique, celle qui se met en œuvre par l'engagement de l'être vivant dans ses adresses au monde. La philosophie de la communication décante ou réduit la raison pure à la raison pratique qui, en retour, justifie et explique la formation de la théorie, du sens de la vérité et de la moralité.

L'ouvrage parcourt ce processus qui mène de la sensation puis de la perception à la formation du langage et à l'élaboration des énoncés universels régulateurs comme le sont les droits de l'homme et les principes du droit moderne. Ce faisant, on obtient les justifications à la possibilité d'une vérité interculturelle et d'une société multiculturelle par la subsomption des apriori sémantiques aux apriori syntaxiques. La grammaire reconstructive justifie que tout énoncé puisse prétendre à la validité sous réserve que soit explicité son contexte et son mode d'énonciation. Elle suit, par interactions des identités culturelles entre elles, la grammaire critique, où les énoncés restent aveugles à leurs propres présupposés syntaxiques et favorisent ceux de la sémantique - les mots apportent spontanément leur masse substantielle que l'on se prête spontanément à considérer comme singulière à un télos culturel. Avant elles, se trouvent les grammaires plus profondes de l'icône et de l'indice que l'être humain partage avec les animaux expressifs (comme les loups) et les animaux "communicatifs" (comme les baleines).

En précisant de manière très détaillée le principe de ces deux premières grammaires plus archaïques, Ferry semble combler les intuitions déconstructives de la "grammatologie" avant de les mener par reconstruction à un principe "supracritique", qui sans nier les différences d'intelligence entre les êtres humains et les animaux, nie la séparation entre culture et nature qui n'est qu'un concept culturel, et légitime la base commune d'intelligence des êtres vivants et conséquemment - comme l'engage à le faire la pensée écologique contemporaine - la promotion d'une réalité partagée.

L'époque est donc à la grammaire reconstructive, celle qui maintient la notion de vérité unique tout en autorisant la validité des énoncés culturels et organise une société mondialisée où la pensée unique, qui promeut l'écrasement des "interactions" humaines dans l'évidence modale de la constatation, est un frein puissant. Elle interdit en effet le développement et l'expression même du principe à la base de la reconstruction, à savoir la reconnaissance de soi dans l'autre, fondée sur l'affirmation de l'attention à porter au discours d'autrui, à sa thématisation modale, et à ma propre capacité à énoncer des discours susceptibles de vérité. La grammaire reconstructive n'est rien sans un espace public adapté qui la mette en oeuvre. La problématique, ici, est devenue politique.
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Citations et extraits (90) Voir plus Ajouter une citation
Du point de vue, donc, de l'expérience que l'esprit fait avec lui-même, ce que l'on nomme volontiers « création » (littéraire, artistique) procède plutôt d'une « intuition >», sans quoi, d'ailleurs, le sujet inspiré n'éprouverait sans doute pas lui-même cette émotion proprement esthétique, qu'il fera partager aux autres, liée chez lui au sentiment d'avoir éveillé quelque chose de sensible à la lumière de l'intelligible. Ainsi, dans le livre de la Genèse du monde supposé créé par Dieu, ne s'agit-il en vérité que d'éveiller l'être chaotique et ténébreux à la lumière qui transforme le chaos en cosmos, faisant par là advenir le monde comme tel. Cela n'est pas la même chose qu'une création ex nihilo. Tout à l'origine, la lumière, y dit-on, n'était pas séparée des ténèbres. II n'y avait pas de terre ferme, et toute réalité solide était immergée. Mais ce n'était pas le néant. Si rien n'était encore advenu, l'être était en soi, recouvert, tandis que « l'esprit planait au-dessus des eaux ». Dieu, étant esprit, n'a pas créé la matière, mais le monde comme tel. Par le Verbe, Il fit naitre la réalité à l'existence de ce qui peut ensuite être reconnu, grâce à la dénomination de toute créature, ce qui fait l'honneur de l'homme et, comme disait Hegel, son « droit de majesté ». Si Dieu est créateur, c'est en tant qu’Il est l'auteur premier de la mise en sens qui révéla l'être plutôt qu'elle ne l'engendra. Sa puissance suprême n'est que grammaticale, tout comme l'est celle de l'homme, à son échelle, qui, dans l'imagination productrice, n'a pas, si l'on ose dire, assisté lui-même aux six jours du temps logique requis pour le déploiement de la grammaire, et à l'installation, au septième jour, du paysage que son entendement discursif pourra ensuite reconnaître, et actualiser dans le temps vécu de l'investigation.
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Le mythe devient raison, et la nature pure objectivité. Les hommes paient l'accroissement de leur pouvoir en devenant étrangers à ce sur quoi ils l'exercent.
Ce que nous avons perdu, nous n'en savons de toute façon pas grand-chose. En revanche, il nous est plus aisé de connaître ce que nous gagnons en explicitant normalement notre expérience vécue selon les canons d'un savoir propositionnel, structuré par la grammaire discursive mettant en exergue la différenciation des modes, des temps, des voix, des personnes et des cas. La mesure d'un tel gain est d'abord psychologique, tout en se laissant expliquer dans les termes de la Logique. Imaginons, en effet, que notre monde vécu, commun ou non, soit régi fondamentalement et en première ligne par la grammaire de l'iconique, c'est-à-dire par la logique associative et évocatoire d'images qui font signe en renvoyant les unes aux autres. Si l'iconique structure en dominante un imaginaire public ou commun, le monde qui en résulte est tendanciellement un espace de représentations où tout fait sens, où l'absurde n'existe pas. Dans l'ordre de l'indiciaire, cependant, soit : dans l'ordre des événements rencontrés qui se voient traités par la logique imputative ou inférentielle pour laquelle, systématiquement, quelque chose indique autre chose à la manière d'une trace ou d'un présage, d'un symptôme ou d'un prodrome, le hasard n'existe pas davantage que l'absurde. Il s'ensuit que ce qui arrive paraît fatal à la manière d'un destin.
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le fond de la censure médiatique se trahit dans cette rage singulière : aligner toute proposition sur un même mode, sans égard pour l'intention significationnelle. Ainsi condamne-t-on, par réaction épidermique à un mot aux connotations malséantes, des « petites phrases » qui, prises dans leur
contexte illocutoire, sont pure exactitude constative. L'individu n'est plus protégé par la forme grammaticale dans laquelle il agence son expression, ce qui était justement son honneur de sujet responsable, et les faits eux-mêmes, les plus importants parfois, pour la compréhension de malaises sociaux, se voient éliminés de la réalité qui compte : celle que l'on rend publique, sans égard pour la vulnérabilité de ceux qui vivent la réalité occultée. Insensiblement, nos démocraties d' opinion organisent par la bande le délit d'opinion, tout en érodant le droit à l'information. La
normativité publique devient ainsi répressive, à vrai dire, non pas simplement par l'imposition d'une violence qui procède par excommunication de contenus inconvenants, mais, au-delà, par l'évacuation systématique des variables illocutoires qui déterminent un large spectre modal des énoncés.
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Cela ouvre-t-il à la philosophie la voie d'un renouvellement de la question ontologique? La philosophie serait-elle en mesure de proclamer que, par exemple, une ontologie du Verbe prend désormais la place d'une ontologie du Sujet; que les prédicats de base, ces « prédicaments >» que Kant tenait pour la structure ontologique définissant les contours de l'objet a priori connaissable, sont une considération à résolument dépasser par celle d'indexicaux de base ou « désignaments » qui situent les adresses fondamentales de personnes, modes, temps, aspects, voix, cas, comme la structure de Il'intercompréhension possible en général? Restons réservé à l'égard du projet fondationnel.
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Devenu entièrement préjudiciel pour nos rapports au monde, l'indicatif imposerait comme un "Diktat" cette alternative aux individus : ou bien ils se sentent allégés du poids que représente la critique de situations présentes, les refus auxquels moralement elle engage, les confrontations que cela implique, bref, toute la gestion "idéaliste" des raisons d'accepter ou de refuser, et les humains deviennent ces petits êtres mobiles, toujours aptes à "rebondir", cyniques face aux injustices, moralement "innocents" au point de ne plus rien comprendre aux réactions de susceptibilité, lorsque l'on porte atteinte à l'honneur ou au respect, imperméables à l'esprit du droit, 'avance acquis aux raison du darwinisme social et fiers porteurs de la "pensée dure" ; ou bien ils se sentent au contraire étouffés par le discours de l"la réalité" et de "l'adaptation", estimant qu'il n'est ps désirable de vivre dans un monde qui déclasse à ce point le principe de plaisir sans chercher nulle réconciliation généreuse avec le principe de réalité, et ils sont alors candidats pour la fuite hors du monde, le rejet de sa réalité prétendue, aspirant de tout leur être à faire refluer leur esprit ver les grammaires reposantes de l'iconique et de l'indiciaire, images fortes et colorées de visions psychédéliques qui valent seulement pour elles-mêmes, en elles-mêmes et par elles-mêmes.
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Vidéo de Jean-Marc Ferry
Suite à la sortie de son ouvrage aux éditions du Cerf, Métaphysiques. le sens commun au défi du réel, le Collège des Bernardins invite le philosophe Jean-Marc Ferry à dialoguer autour de son livre avec la psychologue, Magali Croset-Calisto et le théologien, P. Olric de Gélis.
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