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EAN : 9782703308522
356 pages
Editions Dangles (16/09/2010)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Révélé tardivement en Occident, le tantrisme y reste mal connu, mal compris, parfois déformé par des interprétations tendancieuses. Même en Inde, sans doute sa terre d'origine, il a souvent suscité des réactions hostiles, notamment de la part des hautes castes. Certains abus commis en son nom ne doivent pourtant pas cacher ce qu'il est vraiment : une voie de transformation intégrale de l'être humain, " la plus grandiose création spirituelle de l'Inde post-bouddhiste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pierre Feuga s'est attelé à un sujet complexe, presque abscons et pourtant arrive à en faire un exposé limpide sans le dénaturé ou le vulgarisé.
La doctrine ainsi que la métaphysique y sont présentés et expliqués en respectant une interprétation orthodoxe, cela permettant d'éviter les élucubrations moderne qui sont souvent légions dans d'autres ouvrage traitant du tantrisme.
La rigueur et l'intelligence de son travail force le respect.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Qu'est-ce qui caractérise en effet l'âge kali, selon les Purânas ? Essentiellement l'inversion, la subversion, la destruction ou la parodie des valeurs traditionnelles (ce terme étant pris dans son sens spirituel fort et non dans une acception platement morale). Alors que le premier âge (krita-yuga) était aussi appelé « âge de la vérité » (satya-yuga : ce terme sanskrit satya rappelant le latin Saturnus, dieu de l'âge d'or), on pourrait définir le dernier yuga comme celui de la « fausseté universelle », de la tromperie instituée, de l'illusion triomphante. Les contre-valeurs s'installent dans une espèce d'arrogance béate, au point que ce sont les rares êtres encore équilibrés qui font figure d'« anormaux ». Les barbares, les hors-caste (terme susceptible d'être transposé même dans une société où il n'existe pas de division hiérarchique de ce nom) deviennent la caste prédominante ; la terre n'est plus appréciée que pour ses trésors minéraux ; les agriculteurs délaissent les champs pour exercer des professions mécaniques; les chefs, au lieu de protéger leurs sujets, les exploitent et, sous des prétextes fiscaux, les ruinent les prêtres convoitent les richesses,« vendent les Vedas » (...) le mode de vie uniformise au sein d'une promiscuité générale; le mariage cesse d'être un rite sacré et la femme devient un simple objet de satisfaction sexuelle en même temps que sa vraie féminité s'altère dans la mesure où elle cherche désormais à imiter l'homme ; tandis que la santé et l' apparence corporelle tiennent lieu de culte suprême, les gens éprouvent plus que jamais, la terreur de la mort et la pauvreté les épouvante ; ce n'est que pour cela que subsiste une ombre de religion...

Cependant, cet âge effroyable qui verra la disparition totale de la famille et le mélange anarchique de toutes les classes sociales s' avérera, paradoxalement, « heureux » pour quelques-uns. C'est qu'à la fin des temps la divinité exigera beaucoup moins des rares humains encore capables de se tenir debout(1).
(...)
Quant au début de l'« âge sombre» où nous vivons et dont le terme approche, quelques-uns des continuateurs de René Guénon - n'imitant pas sa prudence mais s'inspirant à vrai dire certains repères qu'il a glissés dans son œuvre - se sont aventurés à le déterminer. Pour Jean Robin, par exemple,« le début du kali-yuga se situerait en l'an 4481 avant Jésus-Christ et sa fin devrait donc théoriquement intervenir 6480 ans après, soit en l'an 1999 ». Gaston Georgel pour sa part (encore que l'on observe certains flottements dans ses écrits) s'en est généralement tenu aux dates 2020-2030 pour la fin du Manvantara.

(1) La même indulgence se retrouve dans la tradition musulmane : « Au début de I'Islâm, celui qui omet un dixième de la Loi est damné, mais dans les derniers temps celui qui en accomplira un dixième sera sauvé. » Voir aussi, dans l’Évangile, la parabole des ouvriers de la onzième heure qui reçoivent, lorsque l'heure du salaire (c'est-à-dire du Jugement dernier) est arrivée, le même denier que ceux qui avaient « supporté tout le poids du jour et de la chaleur ». (pp. 35-39)
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On voit ainsi qu'un Tantra peut couvrir un champ immense d'informations, depuis la plus haute métaphysique (développée surtout dans la tradition du Cachemire) jusqu'au détail le plus concret de nature juridique, hygiénique, médicale, astrologique, architecturale, iconographique, sexuelle, voire culinaire, relevant de l'art floral ou de l'art des parfums. Le fait que tous ces aspects soient presque mis sur le même plan, sans hiérarchie apparente, ne gêne pas le chercheur oriental qui attend de tels livres moins une structuration intellectuelle qu'un support pratique de Libération et d’Éveil. Dès lors tout fait écho, tout peut être bon et rien n'est à négliger (...) alors que l'enseignement védique était réservé aux mâles « deux fois nés », le tantrisme se veut ouvert à tous, sans distinction de caste de race, de sexe ou de croyance ; cette apparente « démocratie » extérieure est néanmoins compensée par une très grande exigence initiatique, une discipline du secret et une ascèse spécifique (...) celle-ci constitue bien, comme on l'a écrit plus haut, une « ascèse» - au sens grec d'entraînement méthodique - mais non un « ascétisme » car les tantristes ne croient à l'efficacité ni des jeûnes ni des mortifications ni de tout ce qui en général brime le corps au lieu d'en épanouir les possibilités ; enfin, en une société fortement patriarcale comme pouvait l'être la société indo-aryenne, le tantrisme introduit ou réintroduit le culte de la Femme divine, ou Shakti, non seulement Mère universelle mais Amante initiatrice.

En cela il corrige une certaine misogynie, voire un certain puritanisme perceptible dans le bouddhisme primitif aussi bien que dans le Vedânta classique. La femme cesse d'être l'ennemie, l'obstacle, la tentation, la grande Illusion qui détourne de l’Éveil ; elle devient l'énergie de l'adepte, sa puissance opérative, son alliée (la « meilleure moitié de lui-même »), voire parfois son guide (...) les maîtres tantriques hindous, pour leur part, se sont toujours évertués à présenter leur enseignement comme une adaptation de la doctrine védique, rendue nécessaire par l'occultation partielle de cette dernière et l'incapacité des hommes d'aujourd'hui de la pénétrer : même si dans cette révérence il a pu entrer quelque prudence et dans cette humilité une discrète ironie, on doit en tenir compte. En somme, les véritables témoins et héritiers de la tradition authentique, ce seraient eux qui savent reconnaître les « signes des temps » et non ces brahmanes qui s'accrochent à la lettre du Veda , comme si l'on vivait encore à l'âge d'or, ou ces ascètes qui nient la réalité du corps sans comprendre que celui-ci, à notre époque, est devenu le seul instrument possible de la Délivrance. (p. 22-24 & 29)
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A la fin du kali-yuga, « lorsque tous les rois seront devenus des voleurs » il apparaîtra, tel le Cavalier de l'Apocalypse, monté sur un cheval blanc (on le figure même souvent comme un homme à tête de cheval), couronné d'un triple diadème et brandissant un glaive flamboyant comme la queue d'une comète. Il châtiera les impies et restaurera l'âge d'or pour l'humanité nouvelle, la huitième. Dans le bouddhisme Mahâyâna, on évoque en termes non moins vibrants un sauveur nommé Maitreya, encore présentement bodhisattva avant de devenir le Bouddha du monde futur. Au Tibet, on parle d'un héros exterminateur des méchants, Gesar, qui naîtra à Shambala, ville sacrée du Nord, et mettra fin à l'âge ténébreux. Comment ne pas penser aussi au « Grand Monarque » de la tradition chrétienne, lequel combattra l'Antéchrist et précédera le « Grand Pape » (le Christ du Second Avènement ?) ? Ou encore aux conceptions islamiques relatives au Mahdî (le douzième Imâm, l'Imâm « caché » des chiites) qui luttera contre le « Messie menteur », avant le retour glorieux de Seyidna Aïssa ?

Toutes ces eschatologies, où la spéculation ésotérique et l'espérance populaire se rejoignent, pointent dans la même direction. Si j'ai fait allusion en dernier lieu à la religion musulmane, c'est qu'une affinité mystérieuse, conflictuelle et complémentaire à la fois, existe entre l'hindouisme et l'islamisme. Astrologiquement du reste, on peut observer que l'hindouisme est placé sous l'influence de Saturne, au dernier ciel planétaire, tandis que l'Islam est régi par la Lune, qui occupe le premier ciel, comme si un axe mystérieux reliait une tradition que l'on a toute raison de considérer comme « primordiale » par rapport à notre humanité - à condition de ne pas donner au mot « Inde » un sens trop étroitement géographique - et la dernière des religions révélées, dont le Prophète Muhammad est appelé le « Sceau des Prophètes » pour souligner ce caractère ultime. La conjonction de ces deux extrêmes - quelle que soit la forme temporelle ou spirituelle, difficilement prévisible, qu'elle prendra - devra donc reconstituer une totalité originelle et mettre fin au cycle humain actuel. (pp. 40-42)
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Ce Shiva en quelque sorte fasciné, mystifié par le pouvoir de la Déesse, par son art (c'est ainsi que A.-K. Coomaraswamy proposait de traduire Mâyâ), reçoit, dans l'école shivaïte, le nom de purusha : terme qui peut s'appliquer non seulement à un homme mais à n'importe quel être animé ou inanimé, fût-ce un grain de sable, puisque la Conscience est partout et capable de« devenir» tout ce à quoi elle décide de s'identifier. Mais, dans la doctrine tantrique, elle reste maîtresse du jeu, sans crainte et disponible. Il n'y a pas, comme chez Shankara, une Mâyâ inconsciente, alogique, insaisissable, qui obnubile la pure Conscience et stupéfie l'entendement : c'est la Conscience qui voile elle-même délibérément sa lumière et se tolère une part d'inconscience, de folie ou d'ombre. De cette vision contrastée, nuancée et généreuse à la fois découle la grande liberté des tantristes sur le plan vital, leur tendance à englober les choses plutôt qu'à les discriminer, à utiliser la passion plutôt qu'à l'exclure, à faire chanter le corps plutôt qu'à le réduire au silence. L'idée d'illusion s'efface complètement devant celle de puissance et cette puissance radieuse ne veut pas l'abaissement de l'homme mais sa coopération. Le Soi de l'homme, son essence spirituelle incorruptible est Shiva. Sa chair, ses émotions, ses désirs, ses pensées, ses actes, bref tout le relatif et le mouvant est Shakti. Or Shiva et Shakti ne font qu' Un : dès lors, comment distinguer entre « pur » et « impur », « réel » et « irréel » ?

Même assumant les formes les plus viles, même enfoncée dans la plus épaisse matière, la Conscience ne peut jamais perdre son identité divine. On ne saurait parler d'une« déchéance » véritable du Soi mais d'une espèce d' « auto-hypnose » consentie ou d' « enfermement » volontaire. (pp. 89-90)
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Dans les Tantras, la Devî personnifie la Puissance totale, la divinité dans toute sa plénitude(1). La femme est Dieu ; Dieu est une femme. Non seulement la Shakti symbolise la Substance universelle, la Nature complémentaire de l'Esprit, comme dans d'autres systèmes, mais elle absorbe tous les attributs qu'on rapporterait plutôt, théologiquement, à son compagnon Shiva ou, métaphysiquement, au Brahman suprême des Upanishads : Conscience absolue, Connaissance illimitée, pouvoir de manifester, de conserver et de détruire l'univers, d'illuminer son adorateur en le soumettant à de terribles souffrances, de le sauver en paraissant le perdre.

(1) Voir, par exemple, cet extrait du Shaktisangama-tantra (II, 52) : « La femme produit l'Univers, elle est le corps même de cet Univers. La femme est le support des trois mondes, l'essence de notre corps. Il n'existe pas d'autre bonheur que celui donné par la femme, pas d'autre voie que celle que la femme peut nous ouvrir. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais, ni hier, ni maintenant, ni demain, d'autre fortune que la femme, ni de royaume, ni de pèlerinage, ni de yoga, ni de prière, ni de mantra, ni d'ascèse, ni de plénitude autre que celle prodiguée par la femme.» (p. 46)
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