Petit enfer dans la bibliothèque

- Salut, c'est Thursday. Avez-vous accès à un fusil de sniper ?
- Bien sûr. Comme toutes les filles de Swindon.
- Je ne plaisante pas.
- Moi non plus.

- Vous croyez que vous gagneriez la bataille des médias contre une meute de bibliothécaires remontés ?
Il savait que j'avais vu juste. Les bibliothèques étaient une institution inattaquable, si essentielle dans la vie quotidienne de chacun que les pouvoirs publics et le monde des affaires osaient rarement faire quoi que ce soit susceptible de froisser les bibliothécaires. [...] Comme dit l'adage : on n'embête pas les bibliothécaires - mais avec un mot plus fort que "embête".

- Je suis obligée de recevoir des cinglés ?
- Vous êtes bibliothécaires à présent. Je crains que cela ne fasse partie de votre tâche.

« Une semaine qui avait débuté par une expédition à Swindon pour y dénicher un boulot et s’était terminée par des torrents de feu purificateur tombant des cieux, une révision du budget opérationnel des services des bibliothèques du Wessex et par la mort de Gavin Watkins abattu d’un coup de feu par mon fils. » (p. 13)

Il n'y a rien de "simple" à être bibliothécaire.

- Un éléphant dessiné a le désir de vivre ?
- Bien entendu. Toute chose naît à la vie à partir du moment où elle le souhaite. Le Big Bang n’était rien d’autre qu’une soudaine ruée vers l’occasion d’échanger le néant contre quelque chose. Le principal facteur constitutif de l’univers fut un effet momentané cherchant une cause. Et dans cette seconde de fracture, ce qui aspirait à l’existence – c’est-à-dire tout, en réalité – s’est précipité hors d’une énorme masse chaude. Et depuis, chacun essaie de se débrouiller.
- Un peu comme le premier jour des soldes d’un grand magasin ? proposai-je. Quand le rideau se lève ?
- C’est exactement ça ! À ceci près que ce sont six quintillions de clients qui prennent d’assaut les bonnes affaires du rayon parfumerie en un trillionième de seconde – et sont comme projetés par un tuyau d’arrosage.
- Je suis sûr que tout ça nous conduit quelque part, dit Friday, mais j’ignore où.

"La dissolution d'OS-27 eut des conséquences particulières et inattendues, notamment la légalisation de l'usage de la force armée dans les bibliothèques "pour préserver les collections et l'ordre public". A l'origine conçue pour décourager les voleurs, cette mesure fut bientôt connue sous le sobriquet de "Loi Chut", quand des bibliothécaires emportés par leur enthousiasme réclamèrent "une intervention musclée" à l'encontre de ceux qui élevaient la voix. Jamais les bibliothèques n'ont bénéficié d'autant de quiétude, et les vols comme les dégradations ont chuté de 72%."
Mobie Drake, Les Bibliothécaires, héros de notre temps

- Le précédent bibliothécaire en chef refusait de sanctionner les retards de retour de prêt par des descentes à l’aube chez les contrevenants. Cet état de fait va changer avec vous, n’est-ce pas ?
- Je vais étudier cette mesure avec toute la considération qu’elle mérite, hasardai-je, sous-entendant par là que je n’en ferais rien.
- C’est un bon début. J’aimerais aussi évoquer avec vous le problème des dos cassés et des pages cornées. Si nous laissons passer des choses pareilles sans réagir sévèrement, nous ouvrons les vannes à des pratiques de lecture bestiales qui nous entraîneraient dans une spirale menant à l’effondrement de la civilisation.
- Bonne idée. Vous pouvez m’adresser une note de toutes vos suggestions ? 

« On prétend que l’industrie du temps fut supprimée parce qu’elle s’était avérée impossible à créer. » (p. 277)