C'est avec un plaisir mêlé de souvenirs que j'ai lu et relu, au Salon du livre de Vannes le titre du livre, « Le vieux Blanc d'Abidjan » dans sa prison de Yopougon.
Puis
Michel Field est arrivé. Je reconnus immédiatement l'homme de radio et de télévision pour lui demander qui était ce vieux Blanc d'Abidjan. Ma surprise venait de la mention que j'avais lue au dos du livre, le président de la Côte d'Ivoire était toujours Houphouët-Boigny ! C'est vieux cette affaire de Blanc, 1982 ou 85 ?
Quelques souvenirs de la Côte d'Ivoire me sont revenus comme ces palabres en pleine brousse pour savoir qui avait été responsable d'un petit accrochage en voiture. La palabre, un outil au service de chaque partie et qui permet de transiger ou de s'accorder après avoir créé un brouillard indescriptible. Six heures de palabres qui me permirent de découvrir une plantation de cacaotiers.
« Ce livre parle de mon père et de cette Afrique incandescente ». C'est un hommage d'un fils à son père écrit bien longtemps après les faits, gardés intacts grâce à leur côté si improbable et si singulier, insistait
Michel Field. Depuis j'ai lu avec appétit le vieux Blanc d'Abidjan. Il faut avoir passé quelque temps en Afrique pour savoir que d'une prison à l'autre, tout change. le terme prison désigne simplement le fait d'être incarcéré, le reste, l'administration ne s'en préoccupe pas.
Mais ce vieux Blanc d'Abidjan était pourvu de qualités extraordinaires. Si utile, et souvent si décisif, il fut en quelques semaines l'adjoint du directeur de la prison de Yopougon, devenant par là même un fonctionnaire incontournable supervisant tout ce qui se passait au sein de la prison, voire même à l'extérieur. Manger ou s'organiser pour cela, devint le troisième sens de Papa Blanc.
Avec
Michel Field nous avons échangé sur la lagune et sur les pagodes, petits restaurants de bord de la mer où l'on déguste des langoustes, que ce vieux Blanc d'Abidjan dévoraient si fraîches, aussi vivantes que si elles sortaient d'un vivier. « Quels beaux souvenirs j'en ai gardé. »
J'ai été heureux de l'entendre parler de ce pays et de son père. Très vite il m'expliqua qu'il avait réussi à le sortir d'une mascarade de plaintes financières, liées en partie, à l'arsenal d' embrouilles chères à ce vieux fou d'Houphouët-Boigny.
Être incarcéré pour avoir glané, ou ramassé quelques millions voir quelques milliards de francs CFA c'est quelque chose de particulièrement gênant surtout pour un européen blanc de bonne réputation et conseiller auprès du président lui-même. Dans ce pays il faut savoir laisser passer les orages.
Michel Field le raconte au cours de trois journées de la vie d'Abidjan, soumises à un rythme accéléré que le jeune Michel découvre à l'arrière de la voiture du président, à deux doigts parfois de se faire acclamer.
Les rencontres se déroulent souvent dans la fournaise d'Abidjan comme à des heures plus calmes autour de la lagune, pour tomber le soir dans la fièvre des danses africaines, avant de retrouver son père, totalement absorbé par la planification d'une finale de football
Voilà un système carcéral qui mérite d'être regardé de près quand le vieux Blanc d'Abidjan organisait des tournois de football au sein même de la prison et que les observateurs avisés venaient glaner les meilleurs joueurs, ceux qui avaient la flamme pour devenir de grands footballeurs. Ainsi l'univers carcéral développa parfois dans certains pays des business hautement éloquents.
Quant à son père, il attendit un an pour que toutes les plaintes comme les rumeurs, sur l'indélicatesse des européens blancs argentés s'estompent, les journaux écumant tous les pires griefs. Au bout d'un an il sortait par une large porte pour terminer sa vie d'ivoirien en toute sérénité.
Tout cela est à déguster dans ce livre merveilleux, le vieux Blanc d'Abidjan.