Blind date

Joan grimaça en voyant de près ses pores élargis et les rides qui avaient envahi son visage au cours de la dernière décennie. Le bon côté d’avoir la vue qui baissait avec l’âge, décréta-t-elle, était qu’on ne remarquait pas les ravages du temps à moins de porter ses lunettes. Ou que quelqu’un vous fourre un miroir sous le nez.

« Elle a un nouveau petit ami ? avait répété Heather.
- Elle l’emmène à la soirée.
- Elle l’emmène à la soirée ?
- Apparemment.
- Qui est-ce ?
- Je ne sais pas.
- Qu’est-ce que tu veux dire par « tu ne sais pas » ?
- Qu’est-ce que tu veux dire, qu’est-ce que je veux dire par « je ne sais pas » ?
- Quoi ? [Un extrait d’un dialogue qui fera date !]

Contrairement à sa cousine qui n’avait jamais eu aucun scrupule à planter les prétendants du temps où elle était une abonnée régulière et enthousiaste des sites de rencontre, Paige comprenait trop bien la douleur du rejet. Chacun ne méritait-il pas au moins une chance ? Très bien, un gars mesurait 1,75 mètre et pas 1,95 – ça pouvait être une faute de frappe. Les gens faisaient des fautes de frappe tout le temps. Et s’il était plus proche des soixante ans que des quarante et si les muscles affichés sur les photos de son profil s’étaient changés en bourrelets depuis longtemps ? Elle n’avait pas à épouser le type. Elle n’avait même pas à se rendre à un second rendez-vous. Peut-être qu’il aurait une personnalité très intéressante. Peut-être que la soirée ne se révélerait pas une perte totale de temps.

Elle est assise toute seule à une table dans un coin de la salle pleine de monde, essayant de se faire discrète et quand elle se lève de sa chaise, il se dit que c'est peut-être elle qu'il doit rencontrer.

les secrets pour qu’une femme vous suive n’importe où . C’est tellement simple, il est étonné que personne n’y ait pensé. Pas besoin d’être riche ; pas besoin d’être célèbre ; pas besoin d’être drôle ; pas même besoin d’être beau. La clé pour que la salope ait le sentiment d’être la seule et unique femme, lui donner l’impression que tout ce qui sort de sa bouche est intéressant. Chacune de ses opinions ne valant pas seulement la peine d’être entendue, mais méritant aussi d’être adoptée. Les femmes ont désespérément besoin qu’on les écoute. Si on peut faire ça, c’est l’Eldorado.

Il avait passé des semaines à séduire cette salope en ligne, en prenant son temps, en la chauffant avec des compliments. Il lui avait joué sa meilleure partition du mauvais-garçon-qui-avait-besoin-d’une-femme-bien. Il avançait pour s’effacer ensuite, répondait à certains messages en quelques minutes et attendait des jours pour répondre à d’autres. Il aiguisait son appétit tout en la laissant dans l’incertitude. Il avait organisé deux rencontres qu’il avait annulées à la dernière minute, prétextant une peur du rejet, puis avait imploré une dernière chance de se racheter. « Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. »

Chloé et Paige restèrent les meilleures amies du monde même si leur amitié fut soumise à rude épreuve quand Paige lui confia avoir vu Matt embrasser une autre femme, un soir où il était soi-disant au bureau « accablé de travail ».

Elle avait toujours trouvé curieux que Paige soit plutôt une fille à papa. Bien qu’elle appréciât et aimât sincèrement le père de Paige, elle l’avait toujours trouvé un peu écrasant. Son énergie de mâle Alpha avait tendance à aspirer tout l’oxygène autour de lui. Le genre d’homme dont on pensait qu’il vivrait toujours. Et soudain il ne fut plus là.

Les deux hommes n’avaient jamais été amis et il n’y avait aucune raison qu’ils le deviennent tout à coup. Noah avait toujours considéré Matt comme un abruti et ne l’avait toléré qu’à cause de l’amitié de Paige avec Chloé. Désormais Paige et Chloé ne faisaient plus partie du paysage, et Noah était… en train de sortir du cadre.

Heather détestait tout dans l’appartement de Noah. On trouvait l’empreinte de Paige littéralement dans toutes les pièces : le tapis qu’elle avait choisi pour le salon, les coussins à fleurs sur le canapé, la salière et la poivrière en étain au milieu de la table à manger, même le satané miroir au-dessus du satané lavabo dans la satanée minuscule salle de bains exiguë. Sans même parler de l’éclairage. Pouvait-il être moins flatteur ? Comment Noah pouvait-il espérer qu’elle soit prête à temps ?