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Critique de chocobogirl


Depuis toujours, le kimono représente le raffinement et l'élégance japonaise à l'état pur. Aude Fieschi nous offre de découvrir de manière très accessible l'histoire de ce vêtement à travers son histoire et son esthétisme.

« Et moi, je ne puis me rassasier de regarder ces deux créatures ; elles me captivent comme des choses jamais vues et incompréhensibles. Leurs corps frêles, posés avec une grâce exotique, sont noyés dans des étoffes rigides et des ceintures bouffantes dont les bouts retombent comme des ailes fatiguées. Elles me font penser, je ne sais pourquoi, à de grands insectes rares ; sur leurs vêtements des dessins extraordinaires ont quelque chose de la bigarrure des papillons nocturnes » (Pierre Loti, Madame Chrysanthème, 1885).

C'est avec les mots de Pierre Loti que débute l'ouvrage, rappelant combien le kimono fait appel à l'imaginaire et au fantasme. Bien plus qu'un vêtement, le kimono transcende la mode et se pare d'une esthétique liée à l'art, l'érotisme et la beauté.

Aude Fieschi débute son ouvrage par un bref historique du kimono (kiru et mono : chose que l'on porte sur soi). Dérivé du Kosode, un ancien vêtement de dessous, le kimono prend son sens général de vêtement traditionnel à la fin du XIXè siècle. Jusqu'au XVè siècle, il est constitué de différentes couches de robes dont l'alliance des couleurs est savamment étudiée. le kimono est découpé dans une pièce de tissu unique (11 mètres de long et 36 cms de large) de manière à limiter le gaspillage. C'est un vêtement de taille unique qui enveloppe le corps, ne laissant à nu que le visage, la nuque et les mains.
Si le patron est inchangeable, la mode transparaît dans le choix des étoffes, des motifs et des couleurs. Extrêmement réglementés, les kimonos devaient laisser apparaître les différences de statut social : certaines couleurs, certaines soies étaient réservées à la cour. D'autres étaient plutôt spécifiques à une classe d'âge, comme le rouge symbolisant la jeunesse. A l'inverse, le décor présent sur le kimono était laissé libre selon l'imagination des créateurs. Centré sur le dos du vêtement, il était en quelque sorte une toile d'artiste, s'inspirant de la nature ou des textes de littérature classique, mais toujours en accord avec les saisons (fleurs de cerisier pour le printemps, paysage enneigé pour l'hiver, ...). Les motifs pouvaient également être choisis pour leur signification : le pin qui est symbole de longévité ou la carpe qui représente l'endurance et le courage. Au kimono s'ajoute également la ceinture Obi qui évolua selon les époques et l'éventail, qui devaient s'accorder au reste de la tenue.
Rien n'est laissé au hasard dans l'habillage et il n'y a qu"un pas à faire pour le transformer en art. Un art de la beauté donc, célébré par le kimono.
Si le décor de kimono a puisé dans l'art japonais, l'inverse est également vrai. La représentation du kimono en peinture donnera naissance à l'ukiyo-e. Ces estampes représentant le monde du théâtre, des plaisirs, renforçant la beauté et le luxe des vêtements sont de véritables témoignages du passé.
Un beau vêtement est avant tout un vêtement élégant. Basé sur un esthétisme rigoureux, il se fonde sur 4 "piliers":
- "iki" (élégance et raffinement),
- "sabi" (simplicité),
- "wabi" (le goût pour ce qui est simple et calme)
- "mono no aware"(émouvante intimité des choses liée au côté éphémère de toute chose).
Suggérer plutôt que représenter, toute l'esthétique japonaise est fondée sur ce principe, issu de la notion taoïste du vide.

Dissimulant complètement le corps, le kimono entraîne le regard vers la nuque laissée nue et mise en valeur par le chignon et le décor centrée dans le dos. Contrastant entre le le noir des cheveux et le blanc du col, elle provoque attirance et désir de possession. L'érotisme du bâillement du col est souligné et largement utilisé dans les peinture d'ukiyo-e, poussant l'art de la suggestion à la simple représentation d'un kimono abandonné.

Aujourd'hui, le kimono revêt une symbolique toute traditionnelle. On le porte pour les occasions formelles ou les fêtes familiales (naissances, fête du shichigosan, mariage, décès, cérémonies de thé, matsuri,...) et il n'est pas rare de croiser des japonais en habits traditionnels (kimonos ou hakama) en pleine ville moderne. S'il a subi quelques évolutions, le rendant plus facile à porter, le kimono reste un habit de référence pour les japonais qui ont toujours refusés de faire un choix entre modernité et tradition.
Détaillant l'usage actuel du kimono (les différents types de kimonos, la technique d'habillage et le port d'accessoires comme les peignes, les netsukes, les éventails ou les chaussures), Aude Fieschi ajoute que les créateurs contemporains continuent de travailler sur cet habit traditionnel, stimulés par de nouveaux procédés techniques ou de nouvelles matières, prouvant ainsi que le kimono continue à faire partie de la culture japonaise.

Le livre passionnant d'Aude Fieschi s'agrémente de très nombreuses illustrations (Estampes, schémas, gravures) qui appuient de manière très pertinente le texte. On regrettera juste que ces dernières soient en noir et blanc, ne permettant ainsi pas d'apprécier la richesse des couleurs. On trouvera également de nombreuses citations d'auteurs japonais, des poèmes, de voyageurs étrangers qui, à leur tour, donne un éclairage supplémentaire quant à l'impact du kimono.
Court, simple mais néanmoins très riche, Kimono d'art et de désir s'avère une excellente première approche de l'art du kimono que je vous recommande plus que chaudement !!
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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