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EAN : 9782807003415
240 pages
M.E.O Editions (06/09/2022)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Syrie byzantine, 5e siècle après Jésus-Christ. Alors que Rome n'en finit plus de sombrer dans le chaos, l'axe du monde a basculé vers le Levant. Les chrétiens, désormais majoritaires, s'emploient à étouffer les derniers foyers du paganisme. Un moine et un réfugié romain fortuné suivent chacun leur destin : dans la ville festive d'Antioche, surnommée "Perle de l'Orient", Rufin, demeuré fidèle aux anciennes croyances, s'abreuve aux plaisirs de la vie ; au contraire, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Pour commencer ce commentaire, je remercie les éditions M.E.O. et Babelio qui m'ont transmis ce livre dans le cadre de la Masse critique « Littératures ». Il fait partie de la Rentrée littéraire, que je suis avec un certain intérêt, pourtant il est passé relativement inaperçu, ce qui le rend d'autant plus attractif, si mon petit avis peut lui donner un peu plus de visibilité !

Cela dit, il me laisse un sentiment positif mais bien un peu mitigé.
L'auteur nous conte l'histoire d'un stylite – à ne surtout pas confondre avec un styliSte, piège dans lequel l'auteur (ou l'éditeur ?) est tombé au moins une fois, une faute de frappe bien inopportune, hélas ! : il s'agit d'un moine ayant choisi une forme d'ascèse assez particulière, qui consiste à vivre une vie de prière reclus sur une colonne, telle qu'on en trouvait alors à foison dans la Rome orientale, et certainement dans la Syrie antique où se déroule l'histoire, au Ve siècle de notre ère. Il nous raconte ainsi la vie d'un certain Paphnuce le Syrien (à ne pas confondre avec l'Égyptien, qui avait rendu ce prénom célèbre, mais qui lui est antérieur et n'a pas connu la même vocation), dans une narration à double entrée qui me laisse quelque peu perplexe.

En réalité, deux narrateurs d'adressent à un « père enquêteur » (parfois appelé « commissaire »), dont on ne sait absolument rien, mais on devine qu'il prend des renseignements sur une affaire en interrogeant deux témoins. Mais quelle affaire ? la vie dudit Paphnuce ? cela n'est jamais très clairement élucidé… et pourquoi faudrait-il une enquête sur le sujet ? Quoi qu'il en soit, on a ainsi les témoignages, d'une part, du moine itinérant Alef, appelé aussi Alef le Muet en raison d'un handicap de naissance ; et d'autre part, de la jeune esclave Aurélia, dont le nom ne sera que brièvement cité, attachée à un riche Romain qui a fui Rome pour Antioche lorsque les hordes barbares des Huns ont assiégé la Ville éternelle.
Ainsi, tandis qu'Alef raconte la vie de Paphnuce en détails, depuis son enfance, la naissance et les balbutiements de sa vocation, jusqu'aux difficultés quotidiennes et quelques joies aussi de sa vie de stylite, il s'avère très vite que l'esclave ne connaît absolument pas Paphnuce… si bien que, dans un premier temps, je me suis demandé : mais que vient-elle faire là ?

Commençons donc pas ce qui m'a gênée…
Dès la deuxième ligne, je me suis sentie irritée, quand Alef dit : « J'approche des quatre-vingt-treize ans (…) » - bon, si encore on parlait d'une histoire qui se déroule en France, avec un héros français, j'aurais pu comprendre. Mais là on parle d'un personnage de la Syrie antique, à une époque où le français n'existait même pas ; dès lors, si on considère le présent texte, tout fictif qu'il soit (ou pas), comme une « transcription » de ce qui aurait pu être dit à l'époque, pourquoi se fondre dans une unicité linguistique franco-française, quand on est un auteur belge ?! Décidément, un auteur belge qui n'assume pas sa belgitude, ou qui choisit cette unicité précitée pour « faire genre », je n'aime pas ! sans même parler du fait que ce livre affiche explicitement qu'il a été publié « avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que du Fonds national de la littérature (Académie royale de Langue et de Littérature françaises De Belgique) ». C'est un non-sens !
Alef approche des nonante-trois ans, point barre !

Avec ça, on a l'un ou l'autre passage maladroit ou anachronique : ainsi par exemple, le premier higoumène du monastère par où Paphnuce passera ses premières heures de moine, est présenté comme un homme sage et aveugle, car les barbares lui ont arraché les yeux autrefois… Mais alors, comment peut-être réussir à mourir « les yeux révulsés » !? Ou bien, parmi les nombreuses tentations auxquelles il sera confronté par le Malin, Paphnuce verra des singes-démons jouer de l'orge de barbarie, instrument aux origines mystérieuses certes, mais qui daterait du début du XVIe siècle, soit 11 siècles après le contexte de notre histoire – décidément, le Démon était bien en avance sur son temps, dans ses tentatives de déstabiliser un fou de Dieu !
Je comprends (même si je déplore) que des erreurs puissent survenir dans un roman, et je ne compte plus les fautes d'orthographe que je découvre ici ou là, désormais récurrentes même chez certains « grands éditeurs » !, mais leur multiplication, même si elle reste raisonnable, donne malgré tout l'impression d'un texte qui a été quelque peu bâclé, ou qui n'a pas été relu…

Pourtant, le texte est de toute bonne qualité, dans un langage qui approche d'une certaine érudition et qui confirme la maîtrise historique de l'auteur sur son sujet.
En réalité, c'est aussi une arme à double tranchant. C'est que nos deux principaux interlocuteurs, Alef et Aurélia, s'expriment exactement de la même façon ! Or, Alef a été instruit et c'est un religieux, donc on peut comprendre un certain niveau, mais Aurélia ? Certes, l'esclavage à Rome n'avait rien à voir avec ce qu'on a pu voir des siècles plus tard dans les champs de canne à sucre ou de coton en Amérique ! les esclaves romains bénéficiaient d'un certain statut, et certains recevaient une véritable instruction, ce qui semble avoir été le cas d'Aurélia. Néanmoins, l'auteur n'a pas pris la peine de les différencier, en aucune façon, ce qui donne finalement un petit côté monocorde au roman.

C'est cet aspect-là, aussi, qui m'a sans doute un peu perdue quant au sens de la « participation » d'Aurélia à cette narration. Pourquoi interroger une jeune femme qui n'a même pas connu la personne qui fait l'objet de l'enquête, ça n'a aucun sens ?! J'ai fini par comprendre que, en réalité, Aurélia, et plus encore son maître Rufin, qui est sans aucun doute le deuxième personnage principal de cette histoire, représente la vie d'un citoyen roman « normal » et plutôt porté sur les plaisirs, attaché à l'ancienne religion romaine, dans une ville qui vivait alors à 100 à l'heure – le tout comme pour montrer une parfaite opposition à Paphnuce.
S'il était intéressant de montrer cette opposition, la façon choisie pour ce faire me laisse un peu sur ma faim. Il aurait fallu (au choix, sachant que ce ne sont que des idées qui me passent par la tête) :
- utiliser un autre registre de langage quand c'est Aurélia qui s'exprime ; et/ ou
- jouer sur les temporalités : on aurait d'une part Alef qui écrit ses mémoires (d'ailleurs, c'est un classique de la littérature : le vieux moine - ou autre - qui raconte sa vie ou la vie d'un proche !), tandis que Rufin serait présenté dans son présent au fil de sa vie, sans même forcément besoin de passer par le personnage somme toute inutile d'Aurélia ; et/ou
- toujours en jouant sur les temporalités, mettre davantage le fameux « père enquêteur » en scène, en commençant par expliquer clairement sur quoi porte son enquête et pourquoi ! et puis, on peut garder Alef et son écriture à un âge avancé, tandis qu'on aurait les dialogues des entretiens entre Aurélia et le père enquêteur par exemple.
Bref, il y aurait sans doute eu des tas d'autres moyens d'aller au-delà de la simple érudition professorale (on « sent » terriblement l'ancien prof d'histoire à travers toute l'histoire !) et rendre ce récit beaucoup plus vivant, aspect qui m'a indéniablement manqué, alors qu'il en avait le potentiel.

Il n'en reste pas moins que l'auteur a quand même réalisé une certaine prouesse, d'avoir réussi à écrire autant de pages sur un sujet assez peu passionnant en réalité, qui plus est à une époque très peu exploitée, tout en maintenant l'intérêt du lecteur ! Dans cette démarche, il a sans aucun doute été aidé, si l'on peut dire, par des parallèles, toujours suggérés avec une certaine finesse, mais tellement évidents, avec notre monde moderne !
Le point le plus manifeste est le sentiment anti-religieux assez vif, et omniprésent, de l'auteur à travers tout son récit. Si on ressent une certaine admiration de sa part pour la vie de ces « fous de Dieu » dont Paphnuce n'est qu'un exemple qui a été jusqu'au bout de sa vocation, l'auteur ne cesse de rappeler à quel point les chrétiens (comme d'autres !) sont passés de persécutés à persécuteurs, et de dénoncer la destruction des anciens temples romains, la quasi-obligation de se convertir pour tous, l'assimilation des fêtes païennes qui subsistaient malgré tout, sans oublier les autodafés d'oeuvres considérées comme impies, dans lesquels des chefs-d'oeuvre de la culture antique ont sans doute disparu à jamais ! Par ailleurs, il ne manque pas de souligner que les chrétiens d'Orient sont désormais redevenus persécutés, certainement depuis l'émergence d'un islamisme radical dans cette région du monde…

Quelques autres sujets apparaissent çà et là : il dénonce notamment le drame des migrants – ici, il s'agit des Romains de souche qui, après deux invasions contre la Ville éternelle (par les Huns, puis par les Vandales), sont arrivés massivement dans ce qui restait de l'empire d'Orient… et comment ils ont été accueillis (ou plutôt non accueillis !), pour devenir les premières victimes et accusés lors du fléau de la peste (probablement la « peste de Justinien »). Il ne manque pas de soulever, aussi, comme les plus riches Romains ont réussi tellement plus facilement que les gens du peuple, à se (re)créer une situation, malgré une vague suspiscion qui ne cessait de les entourer.

Bref, comme je disais, j'ai assez bien aimé ce livre, sans parvenir à le trouver tout à fait captivant. Il réalise la prouesse de maintenir l'intérêt du lecteur pendant plus de 200 pages sur un sujet peu exploité et a priori peu passionnant, sur un ton plutôt érudit qui dénote la maîtrise historique de l'auteur (malgré quelques coquilles), mais qui aurait gagné à être plus « vivant », tout en dénonçant les travers d'une religion quand elle devient persécutrice, et établissant certains parallèles tellement vrais avec notre époque actuelle.
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Je tiens tout d'abord à remercier la Masse Critique de Babelio pour m'avoir permis de lire ce livre passionnant. Mais en premier, il faut que je vous explique mon ressenti à l'ouverture de l'enveloppe reçue de l'éditeur. le livre est d'un format agréable, un peu plus grand qu'un poche mais plus petit et maniable qu'un grand format. Ensuite la couverture est jolie mais mon étonnement est ailleurs, la texture de la couverture n'est ni mate, ni glacée, c'est une sensation de peau, assez agréable au toucher mais étonnante, je n'ai jamais ressenti de sensation pareille.
Bon revenons au roman ! Aux débuts du christianisme, au V° siècle en Syrie, Alef le muet, moine itinérant, nous conte les destins de deux personnages antinomiques, son condisciple Paphnuce qui quitte leur monastère et part à Antioche à la recherche de l'ascétisme le plus pur pour devenir stylite et se rapprocher de Dieu, tandis que Ruffin, riche romain paien réfugié dans cette même ville, profite d'une vie oisive à la recherche des plaisirs et de l'amour. Ces personnages et ces histoires ont réellement existé et ce roman nous apprend beaucoup sur cette période de troubles religieux, politiques et historiques. L'alternance des récits des deux personnages principaux et les chapitres courts en font une lecture fluide et rapide, j'ai beaucoup aimé !
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Merci aux éditions M.E.O. pour leur envoi dans le cadre de masse critique.

Si je vous dis stylite, vous me répondrez certainement : ermite qui vit au sommet d'une colonne, et vous aurez raison.
Si je vous dis qu'un écrivain va écrire 237 pages sur un stylite, vous me direz: c'est fou !.
Et pourtant Philippe Fiévet a relevé le défi. Et il a réussi.

Nous sommes au 5° siècle en Syrie, un enquêteur ecclésiastique interroge plusieurs personnes à propos de Paphnuce, moine devenu stylite. Il interroge d'abord un moine (Alef) qui l'a connu jeune, puis une esclave qui ne sait rien de lui, mais nous parle de la vie dissolue de son maître, sur fond d'invasions barbares (surtout les huns),. Son maître est Rufin, dont nous suivrons les péripéties en parallèle de celles de notre stylite.

Philippe Fiévet a l'heureuse de traiter de personnages, peu vus en fiction et de nous entraîner dans une période, également rarement évoquée dans cette partie du monde. Il met en parallèle la vie ascétique et la vie à Antioche, entre fêtes et amusements et catastrophes naturelles ou pandémiques.
L'écriture du roman est fluide, avec un style moderne, ce qui est quelque peu déroutant. Sur un des paragraphes, l'auteur met dans la bouche d'une esclave des descriptions de haut niveau. Il m'aurait semblé plus judicieux de placer ces descriptions sans l'intervention d'un discours.
Cette écriture, légère, voire primesautière par moments, m'empêche de qualifier ce roman de roman historique, d'autant que certaines erreurs sont dommageables: l'enquêteur ecclésiastique est qualifié une fois de commissaire. Un moine auquel les huns ont arraché les yeux, et qui 20 pages plus loin, meurt avec les “yeux révulsés”. page 50, on nous parle de “stylistes”, des avant-gardistes de la mode sans doute.
L'utilisation de l'orgue de barbarie au 5° siècle est pour le moins douteuse.
Le livre est facile et agréable à lire avec des chapitres courts, mais,je le crains vite oublié.
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Philippe Fievet nous plonge dans un monde hallucinant et pourtant historiquement bien réel: celui pour le moins étrange des stylites, ces ermites qui s'isolaient en haut de colonnes ou parfois à la cime de certains arbres pour souvent ne plus jamais en redescendre. Cet ascétisme absolu était censé les rapprocher au plus près du Divin dans une prière permanente et une mortification extrême. Bien que s'isolant complètement du "monde", les stylites n'étaient pas sans exercer un pouvoir de fascination sur la population, pour laquelle ils représentaient les intermédiaires idéaux entre le Ciel, à la porte duquel ils semblaient vivre en permanence, et la réalité profane quotidienne des gens du peuple. L'écriture, splendide, se révèle d'un lyrisme saisissant. On ne peut que tomber sous le charme d'une beauté à la fois lugubre et flamboyante à travers ces pages qui font revivre pour nous l'atmosphère décadente de la Syrie du 5ème siècle.
André Gruslin
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