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Critique de Unvola


Une indispensable et formidable fresque en deux tomes de 1 500 pages sur « La Révolution Russe ». Elle est expliquée simplement et qui plus est, est extrêmement complète. En effet, Orlando Figes nous présente le déroulement très détaillé, captivant et agrémenté de nombreuses citations (grâce notamment à l'ouverture des Archives en 1992 suite à l'effondrement de l'U.R.S.S. en 1991), de l'histoire de : la société Russe sous la dynastie tsariste autocratique des Romanov, la Révolution Populaire Russe de février 1917, ainsi que le coup d'État Bolchevique (Communiste) du 25 octobre 1917, pour finir sur la formation du régime Totalitaire Communiste, à partir de ce coup d'État et jusqu'à la mort de Lénine, le 21 janvier 1924.

Dans une longue première partie passionnante de son ouvrage, Orlando Figes nous décrit la société Russe sous la fin du régime tsariste des Romanov qui perdura 300 ans, de 1613 à 1917. le dernier représentant tsariste de cette lignée fut Nicolas II, forcé d'abdiqué en mars 1917. D'abord, l'auteur nous présente le niveau d' »arriération » de la société Russe à la fin du 19ème et début du 20ème siècles. En effet, à cette époque la Russie était encore à environ 90 % paysanne, ayant été récemment libérée du servage, bien après la plupart des pays d'Europe Occidentale. En Russie les méthodes de productions agricoles et d'élevages étaient encore excessivement rudimentaires, physiquement exténuantes pour les paysans et peu productives. La population paysanne se développait de manière exponentielle, engendrant de plus en plus de difficultés pour celle-ci, pour nourrir leurs familles nombreuses.
À la charnière entre ces deux siècles, la paysannerie qui louait la terre aux hobereaux (les propriétaires fonciers) devenait de plus en plus pauvre, et beaucoup de paysans allèrent dans les villes pour chercher du travail (page 224) :
« En 1914, trois habitants de Saint-Pétersbourg sur quatre étaient déclarés comme d'origine paysanne, contre moins d'un tiers cinquante ans plus tôt. La moitié des 2 200 000 habitants de la ville étaient arrivés dans les vingt années précédentes. L'effet de cette immigration paysanne intérieure massive était encore plus prononcé à Moscou. Les foules de paysans dans les rues, les nombreux marchés extérieurs (il y en avait un sur la place Rouge), les rues non pavées, les maisons de bois et le bétail qui vadrouillait dans les quartiers ouvriers donnaient un caractère rural à de grandes parties de la ville. Moscou est encore surnommée le « Grand Village ». »
En résumé, la société Russe, qu'il s'agisse des conditions de vie de la paysannerie ou de celles de la classe ouvrière, jusqu'à la fin du règne des Romanov et de son dernier représentant, Nicolas II, était : pauvre, « arriérée », rustre et violente.
Nicolas II était incapable, comme Louis XVI avant la Révolution Française, de mener à bien les réformes de modernisation et de démocratisation indispensables à l'évolution de la Russie. Ce qui conduisit, d'abord à la Révolution manquée de 1905, puis à celle réussie de février 1917.
Ensuite eut lieu le coup d'État Bolchevique du 25 Octobre 1917 à Petrograd (dont l'ancien nom était Saint-Pétersbourg) propulsant ainsi la Russie et le monde, dans l'une des plus grandes tragédies du 20ème siècle.

En ce qui concerne les Libertés, au début du 20ème siècle, les Peuples des pays Occidentaux avaient généralement obtenu des Libertés individuelles (pour les activités non prohibées par les États), alors que sous le régime Tsariste à caractère Autocratique, l'État était omniprésent dans toute la société civile.

À travers la biographie de Lénine dressée par Orlando Figes et de son historiographie, désormais largement connue, on constate que : plus que Marx, ce sont surtout les révolutionnaires Netchaïev, Tchernychevski, Tkatchev et Plekhanov qui ont inspiré la Pensée Totalitaire Communiste de Lénine.

Le comble de l'histoire est que Lénine lui-même issu d'une famille noble de hobereaux Russes, n'a jamais subi les difficiles conditions de vie des ouvriers, des paysans, et plus généralement, des gens modestes. Car effectivement ce mythe d'un Lénine « populaire » fut longtemps propagé, et encore aujourd'hui, par les hagiographes de Lénine. En effet, bien avant 1917, Lénine avait ignominieusement démontré son caractère cynique et despotique, à l'époque de la dernière grande famine de 1891, sous le régime Tsariste (page 285) :
« S'il n'est que trop facile de plaquer le Lénine de 1917 sur celui du début des années 1890, il est clair que mainte caractéristique qu'il allait montrer au pouvoir était déjà visible à cette première étape. Témoin, par exemple, son insensibilité envers les souffrances des paysans au cours de la famine de 1891 : son idée qu'il fallait leur refuser toute aide afin de hâter la crise révolutionnaire. Trente ans plus tard, il allait montrer la même indifférence à leurs souffrances – qu'il était maintenant en position d'exploiter politiquement – au cours de la famine de 1921. »
Comme en le verra plus loin, on peut même considérer ici qu'il s'agit d'un doux euphémisme, puisque la famine de 1921-1922 fit, elle : 5 000 000 de morts. Cette gigantesque famine fut largement due à la politique du Communisme de Guerre et donc aux réquisitions forcées des récoltes agricoles. Cette famine fit donc 10 fois plus de victimes que la déjà terrible famine de 1891. Cette dernière était principalement due à de mauvaises conditions météorologiques et au manque d'organisation du pouvoir Tsariste.

Un bouleversement intervint dans la vie de Lénine en 1887, lorsque son frère aîné, Alexandre, fut exécuté pour avoir participé à l'organisation du complot visant à assassiner le Tsar Alexandre III (le père de Nicolas II). Puis en 1902, Lénine publia son célèbre opuscule à caractère Terroriste : « Que faire ? ». Il reprit très exactement le titre du roman de son mentor, le révolutionnaire Tchernychevski. Dans la foulée, dès 1902 -1903, il fonda son Parti Professionnel Révolutionnaire Bolchevique.

Orlando Figes synthétise très clairement la façon dont Lénine envisageait, dès cette époque, son mode de gouvernance Totalitaire (pages 821 et 822) :
« le fait est révélateur de l'attitude de Lénine envers les soviets, au nom desquels il devait fonder son régime : dès lors qu'ils ne servaient pas les intérêts de son parti, il était tout prêt à les enterrer. On a tout à fait tort de soutenir, comme Isaac Deutscher jadis, que Lénine envisageait de faire du congrès des soviets la source constitutionnelle du pouvoir souverain, comme la Chambre des communes en Angleterre, les bolcheviks gouvernant alors « via » ce congrès à la manière d'un parti parlementaire occidental. Lénine n'avait rien d'un constitutionnaliste soviétique, et toutes ses actions après Octobre le confirment. Les soviets, dans son schéma, ont toujours été subordonnés au parti. Même dans « L'État et la Révolution » – qu'il acheva à l'époque et qui est prétendument son ouvrage de théorie politique le plus « libertaire » -, Lénine insiste sur la nécessité d'un Etat-parti fort et répressif, une dictature du prolétariat, au cours de la transition vers l'utopie communiste où l' »État bourgeois » devait être écrasé. C'est à peine s'il y est question des soviets. »
Le Peuple Russe exsangue effectua une manifestation pacifique le 9 janvier 1905. Mais cette manifestation fut réprimée dans le sang par les troupes du Tsar Nicolas II. Cette journée désormais nommée le « Dimanche sanglant », déboucha sur une Révolution qui échoua.

En 1914, des nationalistes Serbes assassinèrent l'Archiduc François Ferdinand d'Autriche, à Sarajevo, ce qui déclencha la Première Guerre Mondiale.
D'ailleurs, en 1913 Lénine qui savait parfaitement qu'un contexte de guerre aiderait à la Révolution, livra une confidence d'ordres à la fois : « prémonitoire », tyrannique et cynique, à Gorki (page 462) :
« Une guerre entre l'Autriche et la Russie serait très utile pour la révolution, écrivit Lénine à Gorki en 1913, mais il est peu probable que François-Joseph et Nicolacha nous procurent ce plaisir. »
L'écoeurement des soldats Russes pendant la Première Guerre Mondiale vint se rajouter à l'état de désespérance du Peuple Russe. En effet, l'hiver 1917 fut particulièrement rude en Russie, et à cause de la guerre, les approvisionnements dans les boulangeries et les commerces devenaient rares. A Petrograd, les Russes faisaient des queues interminables pour trouver de quoi se nourrir.
La révolution POPULAIRE commença alors, le 23 février 1917. Après quelques jours de manifestations dans les rues de Petrograd, les Cosaques puis les soldats firent défections et rejoignirent eux aussi, le camp du Peuple contre le Pouvoir Tsariste.
Le Tsar Nicolas II fut donc contraint d'abdiquer le 2 mars 1917, et dès le 3 mars, fut constitué le Gouvernement Provisoire. La révolution de février fit au total environ 1 500 morts et 6 000 blessés.

Lénine alors en exil, ironie de l'histoire, n'ayant donc pas pu participer à la Révolution de février, rentra alors à Petrograd en provenance de Zurich, le 3 avril 1917 ; après avoir étrangement eu l'accord de la part des dirigeants Allemands de traverser l'Allemagne (pourtant en pleine guerre avec la Russie), dans un « wagon plombé ». En réalité, les Autorités Allemandes, non seulement, laissèrent rentrer Lénine en Russie dans l'espoir qu'il noyauterait le Gouvernement Provisoire et mettrait ainsi la pagaille en Russie (ce qui faciliterait évidemment l'avancée de la guerre en faveur des Allemands) ; mais en plus, elles financèrent le Parti Bolchevique de Lénine pour qu'il puisse développer sa propagande, notamment à travers le journal du Parti : la Pravda. Lénine allait alors semer une effroyable et sanglante politique de Terreur de masse, allant bien au-delà de ce qu'avaient pu espérer les dirigeants Allemands…

Les importants échecs du Gouvernement Provisoire, notamment dans la mauvaise gestion de la Première Guerre Mondiale, voire dans son enlisement (alors que le Peuple souhaitait la paix au plus vite, même une paix séparée), ainsi que la promesse de la mise en place de l'Assemblée Constituante sans cesse reportée, conduisirent à une première tentative d'insurrection dans les premiers jours de juillet 1917. La foule envahit les rues et les marins de Cronstadt se dirigèrent vers le quartier général du Parti Bolchevique, où se situait Lénine. Mais ce dernier pris de cour, fut hésitant du haut de son balcon face à la foule, ne sachant pas dans quelle direction orienter l'Armée de Cronstadt, et ne donnant pas d'instruction claire. Cela mit fin à cette tentative de coup d'État.

Pourchassés pour arrestation, sur ordre du Gouvernement Provisoire, le 9 juillet, Lénine et Zinoviev s'enfuirent en Finlande et environ 800 Bolcheviques furent incarcérés, dont Kamenev, Lounatcharski, Kollontaï, et un certain…, Lev Davidovitch Bronstein plus connu sous le pseudonyme de LÉON TROTSKI. Ce dernier, au mois de juillet faisait encore officiellement parti du camp des Mencheviques, mais dans les faits, dirigeait déjà le Parti Bolchevique avec Lénine, depuis sa rentrée d'exil au mois de mai 1917.

Le 4 septembre 1917, Trotski fut libéré. Entre sa sortie de prison et le coup d'État Militaire Bolchevique du 25 octobre 1917, Trotski se chargea durant l'exil de Lénine, grâce à son talent oratoire, de mobiliser les Bolcheviques, en n'ayant de cesse de dénigrer le Gouvernement Provisoire de Kerenski.

Lénine revenu clandestinement à Petrograd peu de temps avant le coup d'État, réunit le Comité Central du Parti Bolchevique, le 10 octobre 1917. C'est en ce jour de complot, que fut prise la décision d'une insurrection armée. Sur les seulement, douze participants à la réunion : 10 votèrent POUR et 2 (Zinoviev et Kamenev), CONTRE.
À la fin de la réunion, le lendemain, Lénine griffonna sur un petit morceau de papier, cette résolution qui conduisit tragiquement à bouleverser TOUT le 20ème siècle (page 834) :
« Qu'une insurrection armée (était) inévitable et que les temps étaient mûrs ».
Et quelques jours avant la date fatidique du 25 octobre… (page 832) :
« Lénine souligna qu'un coup de force de type militaire avait toute chance de réussir, même avec un tout petit nombre de combattants disciplinés, tant les forces de Kerenski étaient faibles. »
En octobre, Trotski prit la direction du Comité Militaire Révolutionnaire (C.M.R.), dont l'objectif était de préparer le coup d'État Militaire Bolchevique. Trotski réussit à réunir sous sa coupe : le 21 octobre, la garnison des soldats de Petrograd, le 23 octobre, la très ancienne prison militaire de Petrograd nommée la forteresse Pierre-et-Paul, et également les marins de Cronstadt.
Dès lors, le Gouvernement Provisoire de Kerenski ne détenait plus les reines du pouvoir militaire à Petrograd.
Il ne restait plus qu'aux Bolcheviques à choisir le moment opportun pour le déclenchement du Putsch.
Dans la nuit du 24 octobre, les soldats Bolcheviques et les gardes rouges envahirent le centre ville et s'emparèrent des points stratégiques de Petrograd : les gares, les bureaux de poste et de télégraphe, la banque d'État, le central téléphonique ainsi que la centrale électrique. Petrograd était alors totalement quadrillée militairement et aux ordres du C.M.R. de Trotski.
Pourtant, il perdure encore aujourd'hui un mythe complètement erroné à propos de ce coup d'État, voulant le faire paraître par les Néo-Communistes, comme une Révolution spontanée des foules, dans laquelle des milliers d'hommes seraient morts « héroïquement » dans un combat sanglant en prenant d'assaut le Palais d'Hiver contre le Gouvernement Provisoire de Kerenski. Et à l'instar du mythe de la Prise de la Bastille pendant la Révolution Française, la forteresse Pierre-et-Paul été sensée être pleine de prisonniers.
En réalité, d'une part, le Palais d'Hiver n'étant quasiment plus défendu, les soldats Bolcheviques y pénétrèrent sans difficulté particulière et sans presque d'effusion de sang ; et d'autre part, la forteresse Pierre-et-Paul à ce moment-là était, elle aussi, quasiment vide.
D'ailleurs, Trotski lui-même ne se cacha pas du fait qu'il s'agissait bel et bien d'une opération purement militaire, donc…, d'un coup d'État (page 911) :
« Toute l'insurrection, ainsi que Trotski lui-même le reconnut, eut la forme d'un coup d'État accompli par « de petites opérations, calculées et préparées d'avance ». le voisinage immédiat du Palais d'Hiver fut le seul quartier de la ville sérieusement perturbé au cours du 25 octobre.
Ailleurs, à Petrograd, la vie suivit son cours ordinaire. Les trams et les taxis circulaient normalement ; la Nevski était envahie par les foules habituelles ; et dans la soirée, les boutiques, les restaurants, même les théâtres et les cinémas restèrent ouverts. »
La Prise du Palais d'Hiver eut donc lieu dans la nuit du 24 au 25 octobre. Kerenski eut le temps de s'enfuir juste avant l'arrivée des Bolcheviques.
Durant cette journée, Lounatcharski lu le manifeste de Lénine, qui devait s'avérer le plus infâme des mensonges sur lequel s'est fondé le régime Totalitaire Communiste, en s'adressant « Aux ouvriers, soldats et paysans », proclamant le « pouvoir aux soviets » en leur promettant : « la terre, le pain, la paix ». En effet, tragiquement, la suite de l'Histoire va nous démontrer exactement l'inverse de ces fausses promesses.

Lénine n'ayant que faire des élections par les urnes, comme il l'avait déjà explicité clairement, entre autres, lors de ses célèbres « Thèses d'avril », la perspective de devoir organiser des élections démocratiques puis de convoquer l'Assemblée Constituante, l'excédaient au plus haut point. Mais comme pour décrédibiliser Kerenski, Lénine avait dénoncé l'incapacité du Gouvernement Provisoire à convoquer l'Assemblée Constituante, il était alors pris à son propre piège et était maintenant obligé de lancer le processus électoral. le scrutin national débuta le 12 novembre 1917 et dura deux semaines.
Le résultat des élections fut, pour les principaux Partis, le suivant : sur 41 millions de suffrages exprimés, les S.R. (Socialistes Révolutionnaires de droite et de gauche) obtinrent 16 millions de voix (38 %), les Bolcheviques (Communistes) 10 millions (24 %), les K-D (membres du Parti Constitutionnel-Démocrate) moins de 2 millions, les S.R. Ukrainiens 12 % et les Mencheviks 3 %.
Lénine constatant avec rage que le Parti Bolchevique avait perdu les élections, chercha à usité de nombreux stratagèmes ANTI-Démocratiques pour éviter de convoquer l'Assemblée Constituante :
1 / Lénine tenta de contester la validité des résultats et de les truquer ;
2 / Les Bolcheviques menacèrent les partisans de l'Assemblée Constituante : 3 commissaires électoraux de l'Assemblée furent arrêtés et interrogés durant six jours, pour finir par être destitués de leurs fonctions ;
3 / Lénine et Trotski tentèrent d'arguer que l'exécutif du Soviet était supérieur à l'Assemblée. le 12 décembre, Lénine publia des « Thèses » proclamant que le pouvoir du Soviet avait aboli la nécessité d'une Assemblée prétendument « démocratique bourgeoise » ;
4 / le Peuple inquiet manifesta, et le Parti Bolchevique considéra ces manifestations comme « contre-révolutionnaires » ;

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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