AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,07

sur 42 notes
5
2 avis
4
6 avis
3
7 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Adieu la politique
Aurélie Filippetti revient au roman pour raconter une histoire d'amour entre un homme de droite et une femme de gauche. Entre convictions, combats et désillusions.

Avant d'être ministre de la Culture, Aurélie Filippetti était romancière. Les derniers jours de la classe ouvrière et Un homme dans la poche ont prouvé son talent en la matière. Aussi l'annonce de la parution de son nouveau roman a attisé ma curiosité. Une fois oublié l'aspect secondaire du petit jeu des personnages réels cachés derrière les protagonistes – Frédéric Dupuis affirme dans l'Express avoir identifié Frédéric de Saint-Sernin, ancien secrétaire d'Etat de Jean-Pierre Raffarin comme l'amoureux de la ministre et Marc Ladreit de Lacharrière, le patron de Fimalac derrière «le portrait féroce d'un autre homme, un financier matois et flagorneur, jouant les mécènes culturels pour mieux infiltrer les hautes sphères du pouvoir.» – il faut d'abord lire cet épais roman comme un témoignage, un compte-rendu détaillé et vécu des rouages du pouvoir, car on ne peut dissocier la ministre de la culture de la romancière.
Il y a d'abord ce constat douloureux que derrière l'image – la volonté affichée de la parité – se cachent des années de pratique machiste du pouvoir et cette méfiance des femmes : « on ne les laissait exister qu'ainsi, au service de… de l‘homme, du chef, du leader, de l'enfant, de la société. Elle avait été obligée d'insister et de faire plusieurs fois remarquer que la commission qui traitait des finances, du budget, qui répartissait les subventions, qui enquêtait sur l'exécution des comptes, ne comprenait que 3 femmes sur 70 membres, pour obtenir l'autorisation d'y siéger, à titre exceptionnel pour une nouvelle arrivante. Il était frappant de constater que même dans les plus hautes sphères du pouvoir les femmes étaient ainsi infantilisées, subordonnées, si rarement écoutées avec sérieux. Condamnées à un prétendu altruisme qui les enfermait. Obligées de s'enraciner dans ce que d'autres voulaient bien reconnaître en elles pour s'émanciper. Chaque parole féminine qui disait le plaisir, la gaieté égoïste, l'hédonisme ou la lutte, l'exigence, le courage, la volonté était retournée contre elles. » La scène qui raconte l'arrivée de la toute fraîche nommée ministre de la culture au Festival de Cannes est à ce propos aussi éclairante que consternante.
Il a y ensuite cette histoire d'amour aussi improbable que vraie. L'homme de droite et la militante de gauche se sont reconnus dans leur histoire familiale semblable, leur volonté de rendre à l'école de la République ce qu'elle leur a donné, ce besoin quasi viscéral de s'engager pour relayer la voix des habitants de leur circonscription respective. Ils ont construit leur amour en sachant que leur relation était impossible.
« Ils se l'étaient répété, ou plutôt était-ce elle qui le lui avait signifié, lors du deuxième rendez-vous.
En tirer les conséquences, ne pas parler, ne pas s'appeler, ne pas souffrir.
La clandestinité était forcée, leurs rencontres tapies dans l'obscurité d'après-midi clos. Il arrivait chez elle avec une ponctualité ondoyante. Elle l'attendait avec une impatience inconstante. Entre-temps, il n'y avait rien.
Rien que des rêves ensommeillés et une profusion d'activités en tous sens. Leur vraie vie, à ces deux-là, était ailleurs. » Mais c'est sans doute aussi ce qui entretient leur relation et l'enrichit, l'urgence d'une part et la liberté de leurs échanges d'autre part. On serait même tenté de dire enfin un moment où la confrontation des idées peut avoir lieu tant les blocages, les compromis – pour ne pas dire les compromissions – sont légion. Pourtant la ministre et ses amis proches avaient promis de ne pas abandonner les leurs, compagnons de lutte en Lorraine durement frappés par l'abandon du charbon et de l'acier, sachant pertinemment que «s'ils perdaient de vue cette exigence, ils se perdraient eux-mêmes.» Ce qui a fini par arriver… Même si, avant de rendre les armes, la ministre a voulu trouver dans sa circonscription de quoi se ressourcer et rebondir. Mais au temps des campagnes médiatiques et des réseaux sociaux, on a tôt fait de juger sans même l'esquisse d'un procès à armes égales.
Il faut lire ces pages qui racontent le quotidien, la confrontation avec les fonctionnaires des cabinets ministériels puis celle avec les ouvriers que l'on avait assuré de leur soutien pour comprendre ce qu'est l'usure du pouvoir. Et trouver entre les lignes quelles souffrances peuvent endurer celles et ceux qui entendent ne pas renier leurs idéaux, fut-ce au prix d'une demi-victoire.
En saluant la romancière, on ne peut toutefois s'empêcher de lire entre les lignes le constat d'un grand gâchis. Quand tout le système, les énarques, le Premier ministre et le Président choisissent de renoncer aux promesses – y compris après les attentats – pour un «pragmatisme» qui n'a plus rien à voir avec Les idéaux.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          190
Roman très remarqué lors de cette rentrée littéraire, les lecteurs de cette publication n'ont pu rater les renforts de publicité mis en place. Vu le passé de l'auteure en tant que Ministre de la culture sous le président François Hollande, elle revient pourtant ici à son premier métier : l'écriture.

Aurélie Filippetti nous narre une histoire d'amour, qui pour certains, serait contre-nature : celle d'une femme de gauche et d'un homme de droite, dont les idéaux (comme le titre l'indique si bien) sont diamétralement opposés. « Elle » vient d'un milieu modeste alors que « Lui » est issu de l'aristocratie. Par des indices semés ci et là, on se rend compte que cette histoire se déroule pendant une décennie, sous la présidence de deux hommes de partis opposés comme les héros le sont eux-mêmes. Alors que quelque chose les lie sentimentalement, leurs convictions politiques font que leur relation doit rester secrète, ce qui à l'heure actuelle, relève d'une bonne dose de malice.

Même si, étant belge, je suis assez éloignée de la vie politique française (visiblement, cette rentrée littéraire a été signe de politique française pour ma part : voir ma chronique d' « Omar et Greg » de François Beaune
(http://musemaniasbooks.blogspot.com/2018/09/omar-et-greg-de-francois-beaune-recits.html), cette histoire d'amour est aussi celle des déconvenues et des désillusions, qui ne sont pas propres à l'Etat français. le style d'écriture n'est pas un style que je retrouve dans la plupart de mes lectures. Les phrases sont très longues (souvent plus de 5 lignes) et abordent plusieurs idées en même temps. Par contre, j'ai trouvé cette écriture réellement sincère et sans concession.

Les deux protagonistes principaux ne sont nommés que par les pronoms « Elle » et « Lui ». A aucun moment, l'auteure ne cite expressément les personnages qui apparaissent au cours de l'histoire, même si certains traits de caractères facilitent leurs identifications. Attention, vous ne pourrez pas vous empêcher au fil des pages à tenter de deviner qui se cache sous les traits du « héros » dans la vie réelle. Ayant elle-même fait partie de ce « monde-là » qu'est le monde politique, on se rend compte qu'encore à l'heure actuelle, c'est un monde misogyne mais surtout impitoyable et qui ne fait aucun cadeau.

Ce n'est pas un livre léger qui peut se lire dans n'importe quel environnement, selon moi. J'ai dû souvent m'enfermer dans ma bulle pour tenter d'en comprendre le sens. Alors que j'ai pour habitude de tenter de me remémorer les chapitres que je viens de lire afin de mieux m'en imprégner, cela a été mission impossible pour moi dans cette lecture. Pourtant même si je ne l'ai pas dévoré d'une seule traite, j'ai apprécié sa lecture, m'éloignant de ma zone de confort.

Pour terminer, je tiens à remercier les éditions Fayard de m'avoir fait découvrir ce livre, fortement remarqué lors de cette rentrée littéraire.
Lien : http://musemaniasbooks.blogs..
Commenter  J’apprécie          70
Pour cet ouvrage l'éditeur n'a pas eu à imprimer la formule traditionnelle "Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite". Si aucun personnage n'est nommément cité, presque tous sont identifiables, à commencer par "Elle" et "Lui".

Ce roman est avant tout l'histoire de dix ans d'amour entre "Elle", jeune femme d'origine modeste, fille de mineur communiste, agrégée de lettres classiques, élue députée de gauche , nommée ministre de la culture et "Lui", aristocrate, député, ancien secrétaire d'état de droite, président d'une ONG.

Histoire d'amour quasiment clandestine car comment s'afficher en public alors qu'on appartient à deux "clans" opposés sur le plan politique. Marqués tous les deux par leur milieu et leur éducation, "Elle" est plutôt une révoltée notamment contre les injustices, "Lui" plutôt un traditionaliste conservateur. Toutefois ils se rejoignent "sur un idéal de service et d'engagement".

Le roman est divisé en trois parties. La première "dix ans d'attente" m'a paru un peu longue et même un peu ennuyeuse par moment. En revanche les deux autres parties "le temps des inégaux" et "le temps des survivants" m'ont semblé plus concrets, plus enlevés. le ton de "Elle" est plus agressif, plein de déception : la victoire était là mais les promesses oubliées. Les portraits sont sans complaisance particulièrement ceux du Prince et de certains de ses ministres.

La romancière nous décrit sans aucune concession le monde politique dans lequel elle s'est immergée pendant 10 ans : univers impitoyable, machiste et misogyne.






Commenter  J’apprécie          60
Roman assez original.
J'ai été attirée par la couverture très sobre.
Ce livre nous raconte un amour impossible.
Comment formé un couple quand tout nous sépare ( milieu , idées politiques, religion).
Ce livre nous explique aussi les mystères , les alliances du monde politique.
Les politiques agissent ils vraiment pour le bien des autres ou leur intérêt personnel.
Les alliances ne sont elles pas éphémères.
Une célébrité peut elle préserver son intimité.
J'ai beaucoup aimé ce roman d'un genre nouveau pour moi
Commenter  J’apprécie          32
J'avoue que j'ai une sympathie naturelle pour Aurélie Filippetti. Je l'avais trouvée bonne dans sa fonction de ministre de la culture, venant d'une région sinistrée (proche de la mienne) et qui visiblement avait des convictions fortes, y croyait et s'y tenait. Chose relativement rare en politique. Quand j'ai su qu'elle avait écrit un roman de « fiction » sur sa vie politique et sur une histoire d'amour qu'elle aurait eu avec un homme politique, cela m'a intéressé et j'ai bêtement pensé à Arnaud Montebourg. Or, ce n'est pas de lui dont elle parle, mais de Frédéric de Saint-Sernin, député de droite, que je ne connaissais absolument pas. Beaucoup plus piquant une histoire d'amour entre une députée de gauche avec un député de droite. Amour à priori impossible entre deux « ennemis » politiques. Captivant de lire les coulisses de la politique, vécue de l'intérieur avec comme toile de fond, une histoire d'amour entre la gauche et la droite. Ou vice-versa d'ailleurs. La politique est sans aucun doute le premier personnage de cette fiction tellement proche de la réalité. Les deux « héros » ne sont jamais dénommés. Aucun nom, ni prénom. Aurélie Filippetti ne les appelle que par « elle » et « lui » et parfois « ils ».
D'emblée, les choses sont claires, ils s'aiment ou du moins sont attirés l'un vers l'autre au départ, mais entre eux, il ne sera jamais question d'une histoire d'amour officielle, au quotidien, impossible pour eux dans leur situation atypique. Ce ne sera que rendez-vous très discrets, épisodiques, sans aucun témoin, ni trace. Entre désir, besoin de se confier l'un à l'autre sur les difficultés de leurs vies d'homme et femme politiques, affrontements d'idées, revirements…. Cette histoire d'amour est chaotique. le roman commence par son arrivée à elle à l'Assemblée. Lui connait déjà, et a de nombreuses années d'expérience. C'est la droite qui est au pouvoir. Mais comme aucun nom, jamais, n'est cité, les présidents étant juste dénommés « le Prince », et l'Elysée, « le château », c'est sans doute sous Sarkozy que le roman commence. Il me manque une connaissance approfondie de la politique pour reconnaître chaque personnage dont parle Aurélie Filippetti, mais c'est délicieux tout de même à lire, voire effrayant. La politique est un monde de requins…. C'est souvent dit, c'est visiblement une réalité et ça fait peur. La deuxième partie du livre se déroule sous le quinquennat de Hollande. Je crois qu'Aurélie Filippetti a encore la dent plus dure pour lui que pour Sarkozy car elle y a laissé ses illusions, ses espérances de changement. Ce candidat qu'elle a soutenu a renié les idées pour lesquelles il a été élu, et pour lesquelles elle s'est battue toute sa vie. Visiblement, Aurélie Filippetti a mis beaucoup d'elle-même dans « elle ». Elle apparait, et c'est l'idée que j'avais d'elle, comme une élue fidèle à ses idées et aux électeurs qui ont voté et cru en elle et qui se bat avec force et ténacité pour eux. Assez intransigeante aussi.
Intéressant et glaçant sur le monde politique, rien que pour cela, la lecture de ce livre me paraît incontournable. Par contre, il faut être clair, l'écriture d'Aurélie Filippetti n'est pas forcément facile, langage très soutenu, phrases longues, que vous vous prenez parfois en pleine figure comme un tir de mitraillette. Et le fait de ne pas nommer ses personnages est au début assez perturbant, et ne permet pas un attachement intime avec eux. Mais on s'y habitue.
Bref, cela ne se lit pas d'une traite, mais c'est percutant et je me répète, intéressant.

Lien : https://mapassionleslivres.w..
Commenter  J’apprécie          30
Un mélange des genres, assurément. Un roman qui n'en est pas un. Un pamphlet qui n'en est pas un. Un témoignage-vérité qui n'en est pas un. Et pourtant, il y a un peu de tout cela, en vrac, dans le livre d'Aurélie Filipetti. En restant dans l'entre-deux, elle laisse le lecteur sur sa faim. Il se meut dans un théâtre d'ombres dans lequel il reconnaît sans peine nombre de personnages qui ne sont en rien de fiction. Il pénètre dans une histoire d'amour dans laquelle il sait qu'elle emprunte nombre de traits à la réalité. Il entre dans le cerveau et le coeur d'une responsable politique dont il eut aimé qu'elle ose s'exprimer à la première personne du singulier, plutôt que de faire choix d'une fausse distance qui ne trompe personne, et encore moins elle-même. Tout cela pourrait donner l'impression d'un livre raté et tel n'est pourtant pas le cas. Sans doute eût-il été possible de faire beaucoup mieux, beaucoup plus percutant avec la même matière. Mais, il y a quelque chose d'émouvant dans cet itinéraire d'une femme de convictions qui se pose constamment la question du sens de son action et de la fidélité à ses racines comme à son engagement premier. La pureté n'existe pas plus en politique qu'ailleurs. le compromis, la reculade, les déceptions sont consubstantielles à la vie publique. le jour de l'élection, électeurs et élu rêvent que cette fois, ce sera différent avant que le rouleau compresseur de la réalité mette à néant ce qui, chacun le savait sans l'avoir, n'était qu'un leurre. Cela, Aurélie Filippetti l'exprime avec talent et presque résignation. Elle dessine ce divorce intime entre l'idéal et la réalité. Elle montre aussi à quel point il est malaisé d'être femme dans ce vieux monde ranci d'hommes. Elle constate que, dans la vie politique comme dans la vie tout court, il faut évaluer, anticipativement, le poids que l'on pèse et que le risque de méprise est immense. le constat final est amer. A quoi a servi l'itinéraire politique de la narratrice ? Comment ses idéaux se sont-ils traduits dans la vraie vie ? Quel poids le collectif a-t-il par rapport au singulier ? Toutes ces questions se soldent par des constats d'échec et cet échec-là est le sien, mais aussi celui de la gauche. La gauche qui n'offre aucune alternative au capitalisme et au libéralisme économique et dont les succès sont avant tout éthiques (l'abolition de la peine de mort pour Mitterrand et le mariage pour tous pour Hollande). le cheminement de la narratrice a eu un impact : lui permettre de comprendre cet échec, lui permettre de grandir, lui rappeler que sa vie amoureuse était une bouée pour lutter contre la médiocrité ambiante et une manière, dans tous les sens, aller à contre-courant. Son histoire d'amour est son espace de liberté tant par rapport à ses origines que par apport à son univers professionnel. Paradoxe pour cette femme, irritante dans ses rigidités, respectable dans ses buts, attachante dans ses fragilités qui rêvait de collectif et de solidarité et qui livre un témoignage qui est avant tout celui d'un itinéraire singulier.
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (100) Voir plus




{* *}