Ils ont dit NON, ces résistants déportés.
Après avoir recueilli plusieurs centaines de récits, rencontré tout autant de survivants, une cinquantaine de témoignages ont finalement été retenus et utilisés parcimonieusement pour établir cet ouvrage. Il s'agit ici de faire un travail de mémoire avec dignité afin qu'après la disparition de ces derniers déportés, l'on puisse encore se souvenir d'eux et de ce qu'ils ont vécu.
Le récit de ces hommes et de ces femmes débute par leur entrée dans la Résistance et le sens que cela avait pour eux. Vient ensuite leur arrestation avec toute la souffrance physique et psychologique que cela implique.
Le chapitre le plus important est évidemment celui consacré à leur déportation. Chacun raconte sa survie, on ne peut plus parlé de simple vie, sa confrontation quotidienne à la mort, la faim, le froid et les brimades journalières. On connaît malheureusement ce type de témoignages avec toutes les horreurs qu'ils comportent. Un mot revient très souvent, celui de solidarité. En effet, tous affirment qu'il était impossible de survivre seul et que sans compagnon fidèle, pour parfois juste empêcher de se laisser aller, de renoncer à vivre, ou pour vous aider à faire un pas de plus, point de salut.
La dernière partie est consacrée au retour. Elle est tout aussi émouvante car bien souvent, ces hommes et femmes se retrouvent seuls avec leur vécu. Ce qu'ils ont subi n'intéresse pas, l'heure est à la reconstruction, la vie doit reprendre et il n'y a pas de place pour leur récit qui d'ailleurs est trop horrible et que l'on ne veut pas entendre. La solidarité a disparu, seuls ceux qui participent à des associations peuvent la retrouver, peuvent arriver à se libérer par la parole. Pour les autres, cette libération interviendra parfois une cinquantaine d'années plus tard grâce notamment à ce type d'ouvrage.
Un livre très intéressant qui aborde de nombreux aspects, parfois inédits, de ce que ces résistants déportés ont vécu. Une seule petite réserve, la succession de témoignages, selon les différents thèmes abordés, par paragraphes de quelques lignes seulement, hache un peu le récit et empêche parfois l'émotion de s'installer. Mais peut être cela est-il voulu afin de rendre la lecture moins éprouvante ...
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Il est midi, le thermomètre accuse 15 degrés en dessous de zéro.
Seize mille hommes sont là sur la place d'appel. Au garde à vous. Les SS ont fait dresser un immense sapin. Il est superbe et fascinant et les SS le savent.
Quel effet dévastateur sur des sensibilités qui plongent déjà leurs racines dans la mort.
Les SS sont, pour le moment, devant une table bien garnie entourés de leur femme et de leurs enfants. Ils boivent, ils mangent, ils chantent....
Ces chaudes agapes vont se prolonger cinq heures durant...
L'appel a duré cinq heures et quatre-vingt sont morts d'épuisements et de froid.
Roger Joly
La déportation a vu le triomphe de la technocratie. En amont, vous aviez des comptables, des statisticiens qui établissaient des dossiers pour l'état major.
Suivant les époques, vous deviez être rentable six mois, trois mois, deux mois...
Il y avait ces juifs, à qui ont faisait payer leur voyage, ces hommes, qui même improductifs pouvaient servir à des expériences "scientifiques" ...
Le processus de notre exploitation/extermination était pensé par des hommes normaux, certains même religieux. Des gens de devoir.
Georges Guillemin
En revenant parmi les vivants, j'ai dû vivre avec le silence. C'était le seul linceul que j'avais trouvé.
On dit d'un bois qu'il travaille avec le temps. La déportation c'est pareil. Elle ne s'arrête pas en avril 1945. Elle continue son travail de destructions en nous encore aujourd'hui. Il m'arrive toujours de faire des cauchemars atroces.
C'est une mutilation pour la vie.
Hélie de Saint Marc
Il y eu tellement de résistants de la onzième heure, d'utilisation politique de la Résistance après la guerre, de romans et de films outrés que les jeunes générations peuvent penser que des millions de Français ont fait partie d'un réseau de renseignement ou ont organisé des opérations militaires à partir des maquis.
La vérité est à la fois plus prosaïque et plus belle !
Hélie de Saint Marc
Après le retour.
J'ai été opérée il y a peu de temps. J'ai eu la surprise à mon réveil, après avoir recouvré mes esprits, de voir les deux infirmières à coté de moi pleurant à chaudes larmes.
Le lendemain elles me demandaient si c'était vrai ce que j'avais raconté dans mon demi-sommeil.
Jacqueline Fleury