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Critique de ELO1313


Drôle de coïncidence d'avoir été sélectionnée pour recevoir le livre « Encabanée » de Gabrielle Filteau-Chiba (parmi la dizaine d'ouvrages qui avait retenu mon attention pour l'opération Masse critique de janvier) seulement quelques jours après ma lecture du magnifique roman « Dans la forêt » de Jean Hegland, qui m'a laissé une si forte impression.
Car comme dans le roman de Jean Hegland, qui se présente aussi sous la forme d'un journal intime, il y est question de survie féminine dans la forêt, et la nature, à la fois brute et grandiose, y tient une place centrale.
Mais la comparaison s'arrête ici, car c'est de façon tout à fait volontaire que la narratrice décide de partir « s'encabaner » dans une forêt du Kamouraska, à l'Est du Québec, « là où naissent les bélugas ».

L'auteure, qui a elle-même vécu dans une cabane pendant près de quatre ans, s'est inspirée de sa propre expérience pour écrire ce roman.
Le parcours atypique de cette jeune femme engagée, qui mène une vie confortable en ville avec un bon métier et un bel appartement mais qui ne se reconnaît pas dans la course effrénée après la consommation, la performance et l'argent, est très intéressant. Son cheminement l'amène à prendre une décision radicale, qui résonne comme un acte de révolte, une expression de son désaccord : se retirer de cette société où elle ne se sent pas à sa place, pour revenir à plus d'authenticité.
Isolée dans sa cabane avec ses livres pour seule compagnie, elle va désormais mener une vie simple, en se recentrant sur l'essentiel et en s'adaptant aux conditions de vie rudes. Cette expérience lui permettra de se sentir libre et de donner du sens à sa vie : «  Les plus belles saisons de ma vie ont commencé ici, à créer en ce lieu un îlot propre à mes valeurs. Simplicité, autonomie, respect de la nature. le temps de méditer sur ce qui compte vraiment. le temps que la symphonie des prédateurs, la nuit, laisse place à l'émerveillement ».

Ce livre porte un message écologiste fort, un appel à protéger la forêt, et montre que chacun peut contribuer à sa manière, sans forcément mener des actions spectaculaires. Ainsi, la narratrice, après sa rencontre avec un activiste écologiste, écrit : « Je laisse partir une flamme, mais elle a attisé en moi le goût de défendre la Terre. Moi aussi, je mènerai un combat, mais sans armes, sans vandalisme, sans sensationnalisme. Dans les limites légales de la désobéissance civile et dans la sagesse de Thoreau. Je planterai des arbres par milliers, je sèmerai des fleurs pour nourrir les rares abeilles, je vivrai de ma terre en métamorphosant la plantation d'épinettes en espace où la faune et la flore seront foisonnantes. Avec chaque sou économisé, j'achèterai toutes les forêts privées et les champs avoisinants en monoculture, et je les laisserai en friche, fleurir sans coupes, pousser en paix. Ma vie reprend du sens dans la forêt ».

L'auteure offre également une réflexion intéressante sur le concept de « féminisme rural » : «  Loin de la rage carriériste et de la folie des grandeurs des temps modernes. On pourrait dire que je manque d'ambition, qu'on ne m'a pas payé de hautes études pour que je fende du bois. Mais on sait tous que Raiponce et les oiseaux en cage finissent par s'évader. Pour se satisfaire d'une vie de captivité du haut d'une tour ou aspirer au plus prestigieux trônes, il faut, semblerait-il, oublier qu'être féministe, c'est aussi ne pas avoir envie d'égaler qui que ce soit. Incarner la femme au foyer au sein d'une forêt glaciale demeure, pour moi, l'acte le plus féministe que je puisse commettre. »

Je me suis régalée avec ce court roman. L'écriture est belle même si elle est parfois un peu perchée (effet de la « Marie-Jeanne »??), et ce journal, ponctué de listes pleines d'humour, regorge d'expressions québécoises savoureuses (heureusement il y a un glossaire … A lire avant de préférence!).

Merci à Babelio et à la maison d'édition « Le mot et le reste » !
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