Le jeune Daniel aurait du se sentir dans cette immense maison familiale comme chez lui, il en avait parcouru chaque partie depuis l'enfance, vécu des aventures avec tous ses membres, de bois. L'histoire s'était prolongée avec la petite Sophie, la fille du docteur Marlow, la famille qui l'avait recueilli.
Leurs jeux s'étaient envenimés un jour, à la découverte d'une poupée cachée dans la maison.
Pas cette maison dans laquelle vivait à présent le jeune Daniel, celle où avait grandi sa mère qu'il connaissait silencieuse, discrète, mais avec sa réplique parfaite, la maison de poupée de la seule parente qu'il n'a jamais connu depuis qu'il découvrit qu'il pouvait franchir le seuil de sa chambre sans risquer de tomber malade.
Daniel et Sophie remirent rapidement cette poupée là où quelqu'un avait pris soin de la cacher.
Peut-être sa mère.
De tous temps, sa mère fut son unique protecteur, son fort, son rempart avec l'extérieur.
Lui offrant amour, le nourrissant d'histoires, elle l'avait maintenu loin d'une menace invisible, le cloîtrant au lit pour son propre bien.
Le jardinier et la cuisinière de la maison familiale lui décrivaient une enfant vive, enjouée, passionnée, étrangère.
Les derniers événements ne le lui laisseraient en héritage que le souvenir d'une femme réservée, hystérique et folle dans ses derniers jours. Daniel ne trouvait pas la force de partager cette vision douloureuse avec ceux qui la connurent lumineuse.
C'était le commencement d'une nouvelle vie mais il ne se sentait pas en paix non plus, en proie à la confidence dans cette maison du bonheur que sa mère avait pourtant fui. Et cet oncle qui l'avait pris sous aile, le capitaine Severn, se montrait très inquiétant. Tantôt gai et affable, tantôt ombrageux et colérique, il ressemblait comme deux gouttes d'eau à cette poupée de bois conçue étrangement à deux faces. L'une s'était avérée cachée sous la robe de la première.
Le capitaine aimait à lui faire l'article sur ce fameux "passage du diable" non loin de la maison, ce lieu qui selon la légende devait accueillir les colères, les jurons et les cent pas des gentilshommes bien élevés.
De cet endroit dépassait du sol des tombes.
Qu'était-il arrivé à la famille de cette maison? Pourquoi le capitaine cherchait à récupérer la maison de poupée de sa mère à tous prix?
: La première de couverture ne renseigne pas beaucoup sur le contenu si ce n'est que l'illustration et le titre puissent légèrement inspirer le vieux film d'épouvante en noir et blanc "Psychose".
Le récit de
Anne Fine, thriller psychologique et dramatique, raconte une tout autre histoire, une qui cependant fera aussi dresser les poils des bras en concomitance de la forte émotion qu'elle inspirera aux grands ados lecteurs.
C'est une histoire forte qu'elle nous propose. L'auteure imagine un drame familial aux frontières du policier et fantastique.
Drôle de récit initiatique que celui de Daniel qui vécut tout le début de sa jeune existence confiné dans une chambre et persuadé par sa mère d'être malade. Les doutes de ce qui fut et est s'installent à la découverte de son véritable état et la rupture se montre fracassante à l'issue du violent sort funeste de son seul repère familial.
La famille du docteur qui le recueillera le temps de lui trouver des parents tuteurs, ordinaire, heureuse et bienveillante représentera un sas salvateur avant l'aventure qui l'attend sur ce retour sur l'enfance de sa mère.
Comment peut- on être si éloigné de la vérité?
Il y a celle que Daniel connut, éteinte mais aimante malgré tout et celle que les employés de la maison connurent tout autre. La parole peine à sortir pour faire le deuil car si Daniel se sentait en sécurité chez le docteur, il n'en ait rien avec l'oncle Severn.
Au fil de la lecture, les lecteurs raccrocheront les wagons et découvriront vraiment au travers du Capitaine Severn un frère maléfique. La maison de poupée est la clé, copie parfaite de la maison familiale jusqu'aux moindres détails. Par procuration et avec une drôle d'ironie, Daniel redécouvre la véritable maison comme si il y avait grandi, seul les habitants lui seront étrangers. Une drôle de malédiction semble planer au dessus des membres de la famille et
Anne Fine nous laisse naviguer au seuil du fantastique sans jamais vraiment le franchir et faire oublier la part dramatique. Daniel semble armé de ressources, bien plus que la culture des livres qui comme la maison de poupée repoussèrent sa pensée bien au delà des murs de sa chambre. Malgré l'expérience de vie faussée, le jeune Daniel, personnage bien éduqué, semble, à la lecture, être investi de repères lui permettant de distinguer le vrai du faux au delà du mensonge déguisé, prompt à distinguer le bien du mal et faire face à l'oncle de sa jeune hauteur, des éléments qui ne seront pas négligeable face à ce dernier parent fort peu scrupuleux. La notion de folie est exploitée à plusieurs niveaux, forte ou pernicieuse.
Anne Fine ajoute l'image récurrente de la spirale dans les décors, symbolique du délire, de la voie sans issue et du mensonge caché. Daniel ne se laissera pas abuser, se raccrochant au souvenir de sa chère Sophie.
Le "passage du diable" est vrai thriller bouleversant, captivant et émouvant aussi.
Gare aux poupées et aux sortilèges de mauvais augures. La mère de Daniel, un brin médium, fut la soeur Anne qui vit venir la plus grande épreuve pour son fils Daniel, vous le découvrirez.
A réserver à un public averti. "
Le passage du diable" remporta le Prix Sorcières 2015 du « Roman ados.
Bonne lecture!