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Critique de Alexein


Dans un souci de discerner les raisons de l'effondrement de la pensée en France et de dénoncer l'amalgame informe sur lequel on appose l'étiquette « Culture », A.F. nous livre ici une analyse sérieuse, honnête et d'un haut degré d'exigence sur la manière dont le système qui était censé protéger et transmettre une richesse de pensée parmi les plus brillantes de l'Humanité en est arrivé à la liquider, voire à organiser le culte de sa détestation.

Sous prétexte d'ouverture d'esprit, de tolérance et d'égalité, la culture et le savoir, qui sont indispensables à l'élévation (d'où le terme « élève ») de l'esprit, ont été cloués au pilori car générateurs d'inégalités. En les maintenant dans une bulle d'insouciance, on empêche les futurs citoyens de bien percevoir et comprendre les différents aspects et nuances d'un monde dont la complexité et la dureté grandissent sans cesse. Or, en refusant la transmission de ce savoir aux nouvelles générations, on les coupe de leurs racines et on les empêche de construire un avenir solide pour elles et la société. Couper les racines, c'est couper les ailes.

Nous vivons aujourd'hui dans l'ère du consommateur-roi, dans une « société adolescente » tyrannisée par le culte de la jeunesse et du divertissement ; une ère de frénésie compulsive qui empêche les esprits de s'ancrer dans la réalité et d'adopter des points de repère solides. Nous vivons une époque de pauvreté intellectuelle où fréquemment beaucoup de gens s'invectivent gratuitement et stupidement parce qu'ils ne font pas l'effort de se comprendre. Les idées désertent les débats qui deviennent des combats de lance-flamme dans lesquels celui qui devrait être écouté et respecté comme un interlocuteur n'est considéré que comme un ennemi à abattre. Il n'y a plus guère dans les média de discussions saines, posées, rationnelles et respectueuses desquelles pourrait surgir un peu de lumière. Car c'est le principe de tout échange : éclairer l'esprit. Au lieu de cela on assiste trop souvent à des concours de grandes gueules consternants où il n'est plus tant question de convaincre par des arguments rationnels que de persuader par l'émotion.

Il y a pour moi un gros problème avec Alain Finkielkraut ; d'ailleurs Zemmour a le même. Il devient vite ironique et sarcastique dans ses développements et on a du mal à voir clairement où s'arrête cette ironie. le sujet lui tient tellement à coeur qu'il semble souvent se laisser emporter par l'émotion. Cela entraîne à mon sens une certaine maladresse dans son expression et me déboussole quelque peu.

Ce livre est plein de détours et de formules obscures qui me semblent manquer de cohérence et c'est très regrettable de la part d'un auteur dont les idées sont si pertinentes. Je dois avouer qu'il est plus facile de le comprendre lors des débats radio ou télé que dans ses écrits. Il est vraiment dommage qu'il n'exprime pas sa pensée plus clairement et je retiens la dernière partie comme vraiment en rapport avec le titre du livre, bien que ce qui la précède semble constituer les prémisses de sa démonstration. La conclusion, longue d'une douzaine de lignes et intitulée « le zombie et le fanatique », donne l'essence de sa réflexion. La grande faille est que l'aspect quelque peu décousu de son ouvrage fait d'A.F. une cible facile pour les détracteurs.

Néanmoins, son effort est louable car le sujet épineux qu'il s'efforce d'analyser constitue le grand malaise de la société et déchaîne les passions. Nombreux sont ceux qui lui mettent des bâtons dans les roues, des esprits obtus et « bien-pensants », des idéologues gauchistes paranoïaques (pléonasme !?!) comme Badiou, se complaisant dans le marasme et qui, non contents de voir leur incendie idéologique ravager le pays, veulent l'attiser. le mérite d'A.F. est de s'efforcer de mettre du sens sur le fonctionnement de notre monde à l'heure où beaucoup de représentants supposés de l'élite vident les mots de leur sens et utilisent des formules creuses pour abrutir les « masses ».

Dans les années 1980, A.F. avait déjà vu venir cette catastrophe que nous subissons de plein fouet. Il est aujourd'hui considéré comme un « pseudo-intellectuel » et mis à l'index avec d'autres esprits lucides quant à l'état du pays. Mais alors à quoi sert-il donc à un groupe (humain ou autre) de disposer de sentinelles sinon pour donner l'alerte en cas de danger ?! C'est un grand drame lorsque dans une société on ne peut (ou on ne veut) pas distinguer le porteur de mauvaise nouvelle d'avec la mauvaise nouvelle qu'il apporte. Il existe d'autres exemples de cette tendance : il n'est qu'à se souvenir de l'affiche « J'accuse » de Damien Saez et de la polémique grotesque qu'elle a suscitée à cause d'interprétations grossières émanant d'individus décérébrés. Idem pour le clip « College Boy » d'Indochine. Notre société en est arrivée à fabriquer des incultes paranoïaques qui prennent de plus en plus de place. C'est très inquiétant car l'arrogance va souvent de pair avec l'ignorance.

Paresse à penser, folie, fanatisme, angélisme, infantilisme, négation du principe de réalité : tout cela est dû en grande partie à un manque d'éducation, de morale civique et à une aversion envers les nourritures spirituelles, auxquelles se substituent sans aucune peine des egos hypertrophiés, immatures, pleins d'assurance et la croyance aveugle en des idéologies faciles, notamment politiques et de plus en plus religieuses, souvent périmées qui ont fait la preuve de leur nocivité. Une connaissance solide et structurée du monde est pourtant la base d'un esprit sain, ouvert et rationnel.

Ce n'est pas sans raison qu'A.F. est un pessimiste. Il a conscience des efforts indispensables à la reconstruction de notre Nation et voit pertinemment que nous n'en prenons pas le chemin. Si cela continue, le pays sera bientôt mûr pour une dictature ou une guerre civile. Comme toute société démocratique se fonde sur l'éducation et l'instruction, elle n'en mérite plus le nom une fois que ces deux piliers lui font défaut.

Ce livre est un jalon majeur de notre Histoire. Nous devrions nous estimer chanceux de compter parmi nos compatriotes un esprit aussi clairvoyant qu'A.F.
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